Intervention de Lise Tamm

Réunion du 5 novembre 2013 à 14h00
Commission spéciale pour l'examen de la proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel

Lise Tamm, procureure au parquet international de Stockholm :

Les Suédois seraient 400 000 par an à se rendre en vacances en Thaïlande, mais ils y vont essentiellement en famille. Il y a certainement parmi tous ceux-là un petit pourcentage d'acheteurs de sexe, mais il est très faible, car, je le redis, il est honteux pour les Suédois d'acheter du sexe. On désigne d'ailleurs les acheteurs de sexe d'un mot signifiant « morue » et ils sont vraiment considérés comme de « pauvres types ». Jamais un homme suédois ne se vantera « d'aller au bordel ». Une enquête menée pendant la Coupe du monde de football en Allemagne, où il aurait été très facile aux supporters suédois d'aller voir des prostituées, a montré que dans leur très grande majorité, ils ne l'avaient pas fait. « Jamais ! Ce serait la honte ! », disaient-ils.

Il ne faut pas croire pour autant que tout est parfait en Suède ni que tous les Suédois soient irréprochables. Des pédophiles continuent d'aller commettre leurs méfaits en Thaïlande ou aux Philippines, des conjoints continuent de frapper leur femme… Et il demeure des inégalités entre les femmes et les hommes : les femmes gagnent toujours moins que les hommes, s'occupent davantage des enfants et assurent davantage de tâches domestiques. Mais il y a eu d'énormes progrès. Quant à la loi de 1999, si elle n'a pas éradiqué la prostitution, elle l'a fait diminuer. Et elle a fait évoluer les mentalités : elle a fait comprendre aux gens qu'il n'était pas normal d'acheter une relation sexuelle. Si les enfants apprennent dès l'école maternelle que les filles et les garçons ont la même valeur, il est beaucoup plus improbable que vingt ans plus tard, un garçon aille acheter une fille dans la rue ou la choisir dans une vitrine, comme s'il s'agissait d'un animal ou d'un objet.

La législation suédoise ne réprime pas l'achat de sexe à l'étranger, à moins que la relation n'ait eu lieu avec une personne mineure. De manière générale, on ne peut pas être condamné en Suède pour des actes illégaux au regard de la loi nationale mais légaux dans le pays où ils ont été commis. C'est le cas par exemple pour la consommation de drogues. Notre pays est très attaché à ce principe juridique – sur lequel je suis, pour ma part, plus sceptique.

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