Intervention de Éric Woerth

Séance en hémicycle du 13 novembre 2013 à 15h00
Loi de finances pour 2014 — Économie

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Woerth, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire :

Monsieur le président, monsieur le ministre de l’économie et des finances, monsieur le ministre du redressement productif, madame la ministre déléguée chargée des PME, de l’innovation et de l’économie numérique, monsieur le président de la commission des affaires économiques, mesdames et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, je souhaite dire un mot sur les crédits du tourisme. Le tourisme représente un enjeu essentiel pour notre pays, personne n’en doute : il représente 40 milliards d’euros, et 83 millions de touristes. Cela concerne donc beaucoup de monde. La France est en effet la première destination touristique mondiale, mais ne se situe malheureusement qu’à la troisième place en termes de chiffre d’affaires. Nous devons donc rattraper notre retard sur les États-Unis et l’Espagne dans le domaine de la valorisation de la fréquentation touristique.

Nous faisons face à la concurrence d’autres marchés, parmi lesquels, évidemment, l’Asie, mais également l’Amérique latine et bien d’autres pays encore. Nous devons donc tenir notre rang.

Les enjeux du secteur du tourisme en matière d’économie et d’emplois sont grands – les chiffres sont très éloquents. C’est pourtant un tout petit budget, un « mini-budget », du moins du point de vue strictement budgétaire : c’est une action. Il s’agit donc en quelque sorte d’un déclassement, puisque c’était auparavant un programme.

Ce budget s’élève à 35 millions d’euros en autorisations d’engagement, et à 37,22 millions d’euros en crédits de paiement. Les montants sont donc très faibles. Le budget du tourisme participe à l’effort de rationalisation de la dépense publique. Pourquoi pas ? Tous les budgets doivent y participer, même si en l’occurrence, dans celui-ci, les montants sont modestes. Je n’y vois rien à redire.

L’essentiel de ce budget est concentré sur l’opérateur de l’État Atout France, qui représente 31 millions sur les 35 millions d’euros. Il ne reste donc pas grand-chose pour le reste.

Atout France cherche à multiplier par deux son budget, puisque plus de 30 millions d’euros proviennent de la vente de prestations diverses et variées à d’autres pays, d’autres opérateurs, ou à des entreprises privées françaises.

En Espagne, première destination touristique en Europe en termes de chiffre d’affaires, le budget de l’organisme chargé du tourisme est cinq fois supérieur au budget global d’Atout France. Je ne dis pas qu’il faut augmenter les crédits d’Atout France, mais il me semble qu’il faut davantage réfléchir à ses missions, aujourd’hui dispersées.

Atout France s’occupe aujourd’hui de campagnes de communication, de publication, organise des événements, tient des salons, mène des opérations commerciales, propose des formations, offre des prestations pour des opérateurs privés. Cet organisme travaille beaucoup sur internet, comme en atteste le lancement et la gestion d’un site internet grand public et d’une plateforme collaborative. Il essaie de rivaliser avec les grands opérateurs internet mais ne peut évidemment pas y arriver ; il a mis en place un moteur de suggestions de destinations touristiques ; il se charge de l’immatriculation des opérateurs de voyage, de l’immatriculation et du classement des hébergements touristiques. Bref, cela fait beaucoup de choses, et probablement trop. Il revient au ministère de discuter avec cet opérateur de l’État pour mieux cibler ses interventions en France.

Par ailleurs, nous ne devons pas considérer que ces 35 millions sont le seul effort public en faveur du tourisme. Il faut également compter les dépenses fiscales, qui sont importantes : 886 millions d’euros en 2014, soit presque 24 fois les crédits budgétaires de l’action « Tourisme ». C’est donc un point très important.

Rappelons que 91 % de ces dépenses fiscales passent par un taux réduit de TVA, appliqué aux hôtels, aux campings, etc. Or, à cet égard, j’ai reçu l’ensemble des acteurs du tourisme, qu’il s’agisse des campings, de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie, du Syndicat national de la restauration thématique et commerciale, des groupements nationaux de chaînes hotellières, des chaînes hotellières elles-mêmes, de la restauration rapide, bref, tous ces acteurs qui forment le maillage de l’ensemble du territoire français. Je me suis aperçu de leur inquiétude extrêmement forte quant au relèvement du taux de TVA de 7 à 10 %. Cette inquiétude se diffuse partout en France, quelle que soit la nature de l’établissement, du plus modeste des campings au plus prestigieux des hôtels. Nous ne devons pas la balayer d’un revers de main, car il faut bien mesurer l’impact de cette mesure. J’avais posé cette question à la ministre du tourisme en commission élargie, sans obtenir de réponse. On doit mesurer l’impact d’une telle mesure sur un secteur économique aussi fort.

Au-delà de l’accompagnement de la mutation de la filière sur le plan numérique, nous constatons qu’il y a de plus en plus de réservations en ligne et que la masse fiscale nous échappe. J’ai mené avec M. Muet une mission sur l’optimisation fiscale, sujet connu et sur lequel l’État devra agir. On constate une évaporation des recettes fiscales, compte tenu de la localisation d’un certain nombre d’acteurs touristiques.

Je terminerai en évoquant deux points. Le premier est la réhabilitation de l’immobilier touristique. Nous devons aller plus loin dans le soutien à l’activité touristique, qui a besoin de la réhabilitation d’un immobilier souvent dégradé, datant des années 70. Je pense notamment à des stations de montagne ou de littoral. La Société centrale pour l’équipement du territoire, la SCET, qui est une filiale de la Caisse des dépôts, a été chargée en avril 2012 d’une mission. Je pense que le ministre doit conclure, et donner de vrais outils aux propriétaires d’immobilier touristique.

Le second point concerne la taxe de séjour. Elle est difficile à comprendre : c’est une taxe, mais on ne sait pas très bien qui la perçoit, entre les communes et les communautés de commune, et on ne comprend pas le rôle de la direction générale des finances publiques. Tout cela doit être plus intelligible. Cette taxe contribue beaucoup au financement des actions touristiques, mais les choses doivent être éclaircies.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion