Intervention de Joël Giraud

Séance en hémicycle du 14 novembre 2013 à 10h00
Loi de finances pour 2014 — Conseil et contrôle de l'État pouvoirs publics direction de l'action du gouvernement publications officielles et information administrative.

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJoël Giraud :

Monsieur le président, messieurs les ministres, madame, monsieur les rapporteurs spéciaux, mes chers collègues, nous examinons ce matin trois missions budgétaires – « Conseil et contrôle de l’État », « Pouvoirs publics » et « Direction de l’action du Gouvernement » – qui assurent le bon fonctionnement des plus hautes instances de l’État. Nous pouvons saluer le travail réalisé par les trois rapporteurs spéciaux issus de l’opposition.

Les crédits alloués à ces trois missions sont stables. C’est particulièrement vrai pour la mission « Pouvoirs publics » qui regroupe notamment les crédits de la présidence de la République ainsi que ceux de l’Assemblée nationale et du Sénat. C’est bien normal : comment pourrait-on demander des efforts aux Français, diminuer les crédits des ministères non prioritaires, continuer à ne pas revaloriser le point d’indice dans la fonction publique si les plus hautes instances de l’État ne montraient pas l’exemple ? Comme le souligne avec objectivité le rapporteur spécial Marc Le Fur, l’effort consenti est réel et fait consensus, bien loin des polémiques habituelles.

Au sein de ces trois missions, il est toutefois un domaine où nous ne pouvons que saluer une hausse des crédits – l’on pourrait même considérer qu’elle est insuffisante. Je veux parler de la sécurité des systèmes informatiques de nos administrations, dont les crédits sont inscrits à l’action 2 du programme 129 « Coordination du travail gouvernemental ».

Les écoutes de la NSA ont montré la vulnérabilité des systèmes informatiques et de tous les moyens de communication de l’État. La souveraineté nationale est en jeu. Il est indispensable qu’une réponse soit apportée à cet affront et à cette menace. Bien entendu, tout doit être fait au niveau international, non seulement pour que des explications soient données, mais aussi pour que des pratiques vertueuses s’installent. Ces initiatives internationales ne doivent cependant pas être isolées ; il faut qu’elles soient complétées par un programme ambitieux visant à mieux protéger nos systèmes d’information. Or ce n’est pas tout à fait ce qui est proposé dans le projet de loi de finances.

Certes, l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information voit ses moyens augmenter. Cette hausse de crédits est avant tout matérialisée par la création de soixante-cinq emplois, ce qui est un effort certain quand on connaît les réductions de crédits dans d’autres secteurs. Toutefois, au vu des défaillances constatées, ces moyens seront-ils suffisants ? En se référant au budget de l’ANSSI, on constate que l’État consacre environ 20 millions d’euros à la sécurité des systèmes d’information. Cela paraissait déjà peu ; les écoutes de la NSA ont clairement montré que c’est trop peu. Le Gouvernement entend donner une priorité au numérique. La ministre déléguée à l’économie numérique incarne d’ailleurs cette volonté. Force est pourtant de constater que les moyens dédiés à la protection numérique sont insuffisants.

Les écoutes de la NSA soulèvent une question beaucoup plus large, celle des libertés individuelles. Vous savez que les radicaux de gauche sont particulièrement vigilants à ce que les droits et les libertés de chacun soient pleinement respectés. Or, à la suite de la révélation des pratiques des services de renseignement américains, un certain nombre de parlementaires ont considéré qu’après tout ce n’est rien, que tout cela se savait, que c’est bien normal – bref, que notre seule faute est de ne pas dédier autant de moyens que les autres pays au renseignement.

On peut comprendre pourquoi la réaction de Paris est plus timorée que celle de Berlin, mais, sans tomber dans l’angélisme, on peut tout de même s’étonner que le scandale des écoutes ne se soit pas traduit par une réelle volonté politique de protéger les libertés individuelles sur internet. Les données personnelles et les conversations privées de nos concitoyens sont directement transmises par les géants de l’internet à la NSA et rien n’est prévu ni même essayé pour chercher à y mettre fin !

Le numérique est une chance, mais son développement s’accompagne de risques que nous avons le devoir de dissiper. Il faut lutter contre l’intrusion dans la vie privée et la marchandisation des données personnelles.

À cet égard, la Commission nationale de l’informatique et des libertés est plus que jamais indispensable. Ses crédits sont inscrits au programme 308 « Protection des droits et libertés ». En 2014, le plafond d’emplois augmente de sept équivalents temps plein travaillés pour 175 existants. Croit-on vraiment que cela soit suffisant ? Certes, les crédits de la CNIL ont fortement augmenté ces dernières années et ils continueront de croître cette année, passant de 17,5 à 17,9 millions d’euros, soit une augmentation de 2,4 %, mais cette évolution des moyens est-elle bien proportionnelle à l’utilisation de l’informatique et d’internet ?

Pour conclure, nous comprenons les efforts réalisés par le Gouvernement pour stabiliser les crédits des trois missions que nous examinons aujourd’hui et nous les voterons, mais les risques que fait peser le numérique sur nos libertés et sur la souveraineté de la France ne sauraient se satisfaire de demi-mesures ou d’une demi-augmentation de crédits. Il faut mener dans ce domaine une politique volontariste pour protéger l’État, mais aussi les libertés de chacun.

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