Intervention de Pierre Moscovici

Réunion du 13 novembre 2013 à 14h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Pierre Moscovici, ministre de l'Économie et des finances :

Les projets de loi de finances rectificatives de fin d'année présentent en général un intérêt limité : il s'agit souvent de véhicules législatifs sans fil rouge, qui se contentent de juxtaposer des ajustements techniques ou des mesures ponctuelles de mise en conformité avec le droit communautaire. Nous avons la prétention de penser que ce texte est un peu différent, dans la mesure où nous lui avons assigné un rôle de catalyseur de la croissance et de la compétitivité, dans le prolongement de la politique économique que nous menons depuis dix-huit mois.

L'activité économique a clairement changé de tendance. Depuis le printemps, les résultats dont nous disposons, de même que les enquêtes et les prévisions de toutes les institutions internationales – Commission européenne, FMI, OCDE –, font état d'une tendance de l'ordre de 1 % environ en rythme annuel, ce qui n'exclut pas les à-coups : les chiffres pour le troisième trimestre seront publiés demain – je ne les connais pas encore –, mais l'INSEE a prévu qu'il serait presque étal ; en revanche, les prévisions pour le quatrième trimestre, tant de la Banque de France que de l'INSEE, sont plus encourageantes, avec une progression attendue de 0,4 % du PIB. Toujours est-il que le Haut Conseil des finances publiques estime désormais que nos prévisions – une croissance de 0,1 % ou 0,2 % en 2013, de 0,9 % en 2014 et de 1,7 % en 2015 – sont réalistes. La reprise est fragile, elle doit être consolidée par le renforcement de notre compétitivité et par la réorganisation du financement de notre économie, mais elle ne cesse de s'affirmer.

Poursuivre les réformes afin de soutenir la croissance, rétablir les équilibres financiers, redresser les comptes publics et l'appareil productif : tel est le cap fixé par le Président de la République – et que nous réaffirmons ici.

Le présent projet de loi de finances rectificative confirme la prévision d'un déficit de 4,1 % du PIB en 2013 – soit une amélioration substantielle –, alors que la croissance est restée très inférieure à son potentiel : de ce fait, nous avons réalisé un effort structurel sans précédent de 1,7 point de PIB – Bernard Cazeneuve y reviendra en détail. Dans ce contexte, nous avons voulu faire de ce projet de loi un outil de mobilisation en faveur de l'activité économique. Cette ambition se décline en trois volets : une réorganisation structurelle du financement de l'économie, qui comprend une réforme de l'assurance-vie et une réforme du capital investissement d'entreprise ; une rénovation des outils de soutien financier à l'exportation ; enfin, des mesures de simplification.

La réforme de l'assurance-vie vise à drainer une partie du premier support d'épargne financière des ménages vers des placements plus utiles à l'économie, en particulier vers des investissements en actions dans les PME et les établissements de taille intermédiaire – ETI –.

Les encours des contrats d'assurance-vie s'élèvent aujourd'hui à 1 400 milliards ; ils sont massivement placés dans des titres obligataires, dont le rendement est limité, mais qui assurent la garantie du capital investi : on privilégie ainsi la sécurité, au détriment de la mobilisation en faveur du tissu productif.

La réforme que nous proposons repose sur deux piliers. D'une part, conformément aux préconisations de Dominique Lefebvre et de Karine Berger, un nouveau produit va être créé : les fonds « euro-croissance », qui permettront à un assuré de bénéficier d'une garantie du capital à condition que celui-ci reste investi pendant au moins huit ans ; ces fonds pourront être souscrits dans le cadre de contrats multisupports : il s'agit d'un instrument de réallocation des actifs de l'assurance-vie vers les investissements les plus utiles pour l'économie. D'autre part, le régime fiscal de la transmission des contrats d'assurance-vie sera réformé, afin d'inciter les patrimoines les plus importants à contribuer davantage au financement de certains pans de l'économie, notamment les PME et les ETI, le logement social et intermédiaire, et l'économie sociale et solidaire.

À cette réforme de l'assurance-vie s'ajoute une réforme du capital investissement d'entreprise, dont j'ai présenté la semaine dernière les grandes lignes. Là encore, l'objectif est de développer le financement de l'innovation en France, dans la foulée du « Plan pour l'innovation » de Fleur Pellerin et Geneviève Fioraso. Le projet de loi de finances rectificative comprend des mesures fiscales visant à encourager l'investissement dans les PME innovantes, concrétisation de l'un des engagements des Assises de l'entrepreneuriat.

Le projet de loi comprend également plusieurs mesures destinées à parfaire la rénovation des outils de soutien financier à l'exportation engagée par Nicole Bricq. L'objectif est de nous aligner sur les pratiques de nos partenaires afin de renforcer la compétitivité de nos entreprises. Ces outils, qui vous ont déjà été présentés, seront consolidés par trois dispositions : l'extension de la garantie de refinancement, de manière à réduire le coût des crédits à l'exportation en facilitant l'accès à la liquidité auprès d'investisseurs privés ; l'amélioration du dispositif de couverture des chantiers navals dans la période de construction des bateaux ; enfin, l'établissement d'une base juridique permettant à l'État de se substituer aux assurances-crédit privées en cas de défaillance du marché dans certains pays.

Enfin, troisième et dernier axe, le projet de loi de finances rectificative poursuit le choc de simplification voulu par le Président de la République à travers une série de dispositions spécifiques. Il est ainsi prévu d'alléger les obligations déclaratives relatives à l'impôt sur le revenu en généralisant la dispense de production des justificatifs, d'étendre l'obligation de télépaiement de la taxe sur les salaires et d'assurer la gratuité des prélèvements opérés à l'initiative de l'administration fiscale pour le paiement des impôts.

Voilà les grandes lignes du texte que nous vous présentons aujourd'hui. Notre objectif est de respecter notre agenda de croissance, en conservant le même rythme et les mêmes ambitions, en consolidant la relative embellie de notre économie et en veillant au sérieux budgétaire. Bref, il nous faut tenir le cap !

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