Merci pour toutes ces questions. Merci, monsieur Mignon, pour votre soutien et vos propos concernant le rôle qu'a pu jouer l'Albanie dans le cadre du Conseil de l'Europe.
Concernant la lutte contre le trafic d'êtres humains, je pense que nous avons été, en 2005, le premier pays de la région à avoir signé l'accord de réadmission de l'Union européenne. Cela faisait partie de l'accord de stabilisation avec l'Union européenne. Cette décision a grandement facilité le processus de libéralisation.
Je sais qu'il est difficile de parler d'un pays qui, dans certains domaines, s'était mis aux abonnés absents, alors même qu'il ne s'était pas fait connaître favorablement dans d'autres domaines. Mais je pense que, pour se faire une idée juste du trafic d'êtres humains, il faudra passer par le truchement de la Commission européenne.
Malgré tout, en matière de lutte contre le trafic d'êtres humains, on peut dire que l'Albanie est un nouveau pays : mise en oeuvre de l'accord de réadmission avec le soutien de la Commission européenne, d'accords avec plusieurs États membres de l'Union européenne, et mise en place d'un système de documents d'identité, avec l'aide de la SAGEM – nous avons maintenant un système fiable de cartes d'identité.
Si l'on se réfère aux évaluations des rapports internationaux, on se rend compte que toutes les réformes mises en oeuvre ont permis d'engager le processus de libéralisation – dont la libre circulation d'Albanais dans la zone Schengen sans visa est un élément.
Madame Karamanli, je ne sais pas à quelles statistiques vous vous référez. Un certain nombre d'Albanais qui avaient émigré vers l'Italie et la Grèce dans les années quatre-vingt-dix reviennent dans notre pays. Ce phénomène de « ré immigration » est d'ailleurs une gageure sociale et économique, dans la mesure où il nous faut créer un espace et de l'emploi pour cette nouvelle génération, constituée en partie de jeunes entrepreneurs. À l'inverse, il n'y a pas véritablement d'émigration – ou peu – vers l'Union européenne.
On pense bien sûr aux cas tragiques de Lampedusa, ou au Monténégro. Mais c'est surtout vers d'autres pays, et moins vers l'Albanie, qu'on observe ces flux migratoires, fussent-ils de transition. Cela ne veut pas dire que nous ne soyons pas du tout affectés, mais simplement que le phénomène est marginal.
Vous avez également évoqué le blanchiment d'argent. Notre gouvernement a mis en place des mesures importantes contre les jeux illégaux. En effet, qui dit paris et jeux dit souvent blanchiment d'argent et activités illégales. Cela représente des sommes phénoménales qui viennent alimenter toute une économie souterraine. Nous ne pouvons pas l'accepter. Quelque 6 000 officiers de police ont donc été déployés sur le terrain pour lutter contre ce type d'activités.
Il faut bien savoir que sur le plan social, le dossier est brûlant. La situation était telle dans notre pays qu'à pratiquement à chaque coin de rue, il y avait un casino, une boutique et un café. Or, dans un tel cas, les mesures policières sont évidemment insuffisantes. On ne peut pas tout miser sur la répression, il faut prendre des mesures d'éducation, de prévention et de réinsertion sociale. Mais malgré nos ressources limitées, nous n'avons pas perdu de vue le cap que nous nous sommes fixé.
Je terminerai sur la réforme de la justice, qui constitue l'essentiel du processus d'intégration, et qui est le domaine dans lequel la pression se fait particulièrement sentir. L'Union européenne nous demande, à juste titre, de prendre des mesures qui, dans le cas de la Croatie, avaient été exigées lorsque les négociations d'accession avaient déjà commencé.
Nous sentons la pression qui vient du Monténégro, et le Monténégro sent la pression qui vient de la Croatie. Il y a peut-être un effet « domino ». Reste qu'il nous faut lutter contre la corruption et améliorer le professionnalisme. C'est une question d'état d'esprit, de responsabilité et, il faut bien le dire, de volonté politique.
Actuellement, nous disposons d'une quasi-majorité parlementaire qui nous permettrait, théoriquement, de procéder à une révision draconienne de tout le système judiciaire. Nous pourrions faire passer en force la réforme. Cela étant, nous avons préféré la prudence, parce que nous savons qu'il y a une frontière entre la réforme du pouvoir judiciaire et l'influence que nous pouvons avoir sur le pouvoir judiciaire. C'est d'ailleurs pourquoi nous avons sollicité le Conseil de l'Europe et la Commission de Venise pour nous apporter une expertise qualitative en matière juridique.
L'exemple de la Croatie – où les pressions de l'Union européenne se conjuguaient à des pressions de l'opinion publique – montre qu'il n'est pas aisé de mettre derrière les barreaux des hommes politiques importants, des juges, des procureurs ou des hauts fonctionnaires. J'en veux pour preuve les difficultés que ce pays a rencontrées pour se conformer aux chapitres 23 et 24 (Justice et État de droit) de la négociation. Cela dit, la Croatie est tout de même passée en force parce que c'était nécessaire. Mais je remarque que dans certains États, qui sont déjà membres de l'Union européenne, il n'est pas non plus aisé d'arrêter des personnalités importantes.
Cette réforme est un challenge qui nécessitera de notre part des efforts soutenus, surtout sur le plan politique. Vous devez malgré tout savoir que nous travaillons en étroite collaboration avec certains de nos partenaires pour lever les obstacles que nous rencontrons au fur et à mesure de notre parcours. Nous avons mis en place un nouveau programme relatif à la déclaration de fortune des juges et des procureurs – même si, dans l'état actuel des choses, cette obligation n'est encore que théorique. Enfin, nous avons une feuille de route. Mais ce n'est pas qu'une feuille de route : c'est également un Being Mark qui nous permet de nous comparer à d'autres pays en la matière.
Mesdames et messieurs, je vous remercie pour vos questions.