Intervention de Axelle Lemaire

Réunion du 5 novembre 2013 à 17h15
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAxelle Lemaire :

Je partage le constat exprimé par Madame la Présidente. La COSAC revêt au fil des ans un rôle de plus en plus important tandis que ces débats deviennent de plus en plus politiques, exprimant avec clarté la diversité des approches et des préoccupations nationales sur les sujets d'actualité prégnante. À cet égard, Laurent Fabius a été réellement visionnaire en prenant l'initiative de créer cette Conférence il y a près de vingt-cinq ans.

Les discussions ont ainsi été tout aussi vives sur la deuxième grande question au coeur des travaux la COSAC : la part que l'Europe doit prendre pour lutter efficacement contre la crise.

En choisissant de débattre de la Stratégie Europe 2020 et de l'Agenda numérique européen, deux sujets qui ne figurent pas parmi les réussites les plus éclatantes de l'Union, la présidence lituanienne a donné à cet enjeu une dimension critique qu'il était utile d'aborder sans concession.

Ces exemples ont en effet fourni des illustrations particulièrement évocatrices des limites qui expliquent pourquoi l'Europe peine parfois à donner aux citoyens des preuves tangibles de l'efficacité de son action.

De très nombreuses délégations ont ainsi souligné combien l'Europe dispose de peu de moyens pour concourir efficacement à la réalisation de politiques « actives » – et non limitées au démantèlement des obstacles aux échanges –, pourtant indispensables pour avancer dans les domaines de l'emploi, de la recherche et de l'innovation, de l'éducation, de la lutte contre le changement climatique ou du combat contre la pauvreté.

Il arrive même parfois que l'Union contrevienne directement à ses ambitions, comme l'ont décrit nos partenaires des États les plus vulnérables confrontés aux ravages sociaux qu'imposent les prescriptions budgétaires européennes les plus rigoureuses.

Mais au-delà de la question des moyens, les discussions ont révélé que ce dont manque cruellement l'Union, c'est avant tout d'un profond renouvellement de son logiciel idéologique.

Cela est vrai pour la Stratégie Europe 2020 qui, comme la Stratégie de Lisbonne avant elle, ne peut reposer sur les seuls instruments du marché et de la dérégulation, comme l'a souligné avec force Pervenche Berès dans son intervention.

Plusieurs parlementaires ont ainsi pu relever que peu de progrès sont possibles sans un budget européen plus ambitieux, sans une évaluation plus rigoureuse des synergies entre les étages européens et nationaux et sans une meilleure valorisation des dépenses « Europe 2020 » assumées par les États pour renforcer la compétitivité et la cohésion de l'Union.

Cette logique est plus manifeste encore lorsque l'on aborde l'Agenda numérique européen.

En effet, si un consensus a émergé pour placer cette question à l'ordre du jour de l'Europe, la manière d'y répondre demeure encore très débattue. Deux écoles s'affrontent très clairement, entre ceux qui restent figés sur la seule logique du marché intérieur, qui s'est révélée incapable de préserver l'existence de quelques acteurs européens aptes à jouer un rôle dans la compétition numérique mondiale, et ceux qui dénoncent l'impuissance de cette méthode et l'enfermement corrélatif de l'Europe dans une organisation archaïque, en logique de silo, où existent autant d'approches que de directions générales à la Commission européenne.

De manière plus générale d'ailleurs, ces divisions reflètent des perceptions assez substantiellement différentes selon les lignes de partage qui correspondent souvent aux oppositions traditionnelles nord et sud de l'Europe, et pays de l'ouest ou de l'est.

La France dispose d'ailleurs, au centre de ces rapports de force, d'une place particulière et peut jouer le rôle d'un vrai facilitateur de compromis et de lien. J'en veux notamment pour preuve le consensus qu'ont recueilli l'ensemble des amendements que nous avons proposé sur les contributions adoptées par la COSAC, dont l'objet était notamment de subordonner les bénéfices attendus de l'accord commercial avec les États-Unis au plein respect des intérêts légitimes de nos entreprises ou de proposer que l'Europe se dote d'une « régulation » favorable au développement du numérique dans le respect d'une stratégie globale ambitieuse et cohérente

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