En vous écoutant, j'ai pu mesurer combien est grand l'intérêt des députés pour la politique de la ville, et forte l'adhésion à son égard de la classe politique, dans toute sa diversité – même si les approches peuvent être différentes sur telle ou telle modalité technique. En tant que praticiens de la vie locale, les orateurs ont tous exprimé le souhait de rendre cette politique plus efficace qu'elle ne l'a été ces dernières années. C'est justement un des buts poursuivis par le projet de loi.
Alain Rodet a évoqué une question–clef, celle de l'adhésion d'une commune ou d'une collectivité à une politique contractuelle l'obligeant à puiser dans ses propres ressources. Je partage son analyse : pour les collectivités les plus modestes, un tel engagement ne va pas de soi. Soit elles renoncent, au risque de laisser passer une occasion, soit elles acceptent, et doivent alors apporter leur quote-part, ce qui n'est pas sans conséquence sur leurs finances. Je l'ai vécu dans ma ville, dont le revenu moyen par habitant est le plus faible de toute la communauté urbaine, et qui a dû faire appel à l'emprunt pour assumer sa part d'investissement. Cela n'a rien de dramatique, dès lors que la dette reste à la mesure des capacités financières de la ville, mais celles-ci sont parfois limitées.
C'est pourquoi j'ai déposé un amendement autorisant l'ANRU à faire varier l'ampleur de son soutien en fonction de la richesse du territoire concerné ou de l'effort fiscal consenti par la commune. On peut admettre, en effet, l'idée de consacrer proportionnellement plus d'argent à un quartier situé dans une commune dont la situation financière est délicate, afin de l'aider à rétablir une certaine vitalité économique et sociale. C'est un principe salutaire ; or, l'objectif du projet de loi est justement de poser des principes.
Je partage le souci d'Alain Rodet d'assurer une meilleure cohérence entre la politique de la ville et les politiques commerciale et artisanale. L'ANRU et l'Epareca n'ont en effet pas recours aux mêmes critères de sélection, si bien que certains projets ont pris du retard. En tant que rapporteur spécial des crédits de la politique de la ville, j'ai déjà jugé, à titre personnel, que la diversité des organismes concernés par cette politique – ANRU, Epareca, SG CIV, ACSé, DATAR – justifierait une réorganisation. Une première étape vient d'ailleurs d'être franchie avec la fusion, au sein d'un commissariat général à l'égalité des territoires, du SG CIV et de la DATAR. Mais je ne serais pas opposé à l'idée d'étudier de nouveaux rapprochements organiques susceptibles de mettre en cohérence les procédures et les financements, afin de faire du développement économique et commercial la locomotive des projets de rénovation urbaine. Le Gouvernement n'a pas ouvert ce chantier, mais j'ai plaidé à plusieurs reprises pour qu'il le fasse.
Ce projet de loi ne constitue qu'un cadre. Son adoption sera suivie non de la publication d'un vade-mecum, monsieur Rodet, mais de celle d'un décret, d'une circulaire ou de procédures d'organisation administrative destinées à en préciser les modalités.
Je prends acte, monsieur Goua, du dépôt à la commission des Affaires économiques d'amendements sur les articles 6 et 7, relatifs à la gouvernance de la politique de la ville.
Quant à la dotation de solidarité communautaire, qui n'existait jusqu'à présent que dans un nombre limité de collectivités, l'innovation du projet de loi consiste à en généraliser l'application, de façon à renforcer la solidarité entre territoires. C'est l'objet de l'article 9.
Olivier Carré souligne à juste titre l'importance des rôles respectifs du maire et de l'intercommunalité dans un territoire. Je suppose qu'il soutiendra mon amendement destiné à préciser les responsabilités des uns et des autres. Ce serait une erreur de penser que le projet de loi tend à transférer toute la responsabilité à l'intercommunalité ; en réalité, cette responsabilité est partagée. Au nom de la logique de projet et de la cohésion d'un territoire, il est légitime que l'intercommunalité serve d'interface avec les autres collectivités territoriales et avec l'État, mais le maire doit rester l'animateur de la politique de la ville dans son territoire, car il est incontestablement le meilleur arbitre et le meilleur juge en ce domaine.
S'agissant du financement de l'ANRU, le montant de 12 milliards d'euros relevait de la prospective. L'Agence a reçu en fait de l'État, pour 6 milliards d'autorisations d'engagement annoncées, seulement 697 millions d'euros de crédits de paiement, ce qui représente un décalage important. Telle est la réalité : les engagements pris hier en matière de dotation budgétaire n'ont pas été tenus, de même que le partage des responsabilités et des financements n'a pas été conforme aux prévisions.
En sera-t-il de même à l'avenir ? Je ne puis en préjuger. Je me suis intéressé aux conditions de financement de la rénovation urbaine à partir de 2015, ce qui est logique dans la mesure où le nouveau programme national concerne les années 2014 à 2024. On m'a répondu que pour définir le montant de la contribution d'Action Logement, une convention pour 2015-2019 sera négociée en 2014, à l'issue du vote du projet de loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové – ALUR –, et surtout qu'annoncer des chiffres en matière de programmation reviendrait à « préempter » la négociation avec les partenaires sociaux… Je ne suis donc pas en mesure de vous en dire plus sur ce point. Ce n'est pourtant pas faute d'avoir posé la question avec insistance.
Je ne peux être plus docte que Michel Pajon s'agissant de la situation financière du département de Seine-Saint-Denis. Son intervention figurera toutefois au compte rendu et sera transmise à l'autorité ministérielle concernée, même si cette dernière n'ignore sûrement rien des difficultés qu'il a évoquées.
François Cornut-Gentille déplore le manque d'exigence qui caractérise parfois la politique de la ville. C'est justement la logique même du projet de loi que de ne pas faire de l'ANRU un simple guichet pour accéder aux aides. Il rompt ainsi avec une vision réductrice de la politique de la ville, que nous avons tous adoptée à un moment ou à un autre : celle qui consiste à tenter de soigner les plaies en signant des chèques.
Les contrats de ville seront ainsi l'instrument privilégié de la politique de la ville. Une annexe budgétaire retracera non seulement les crédits octroyés dans le cadre de cette politique, mais aussi ceux relevant de l'intervention d'autres ministères sur un même territoire. La droite s'était engagée dans cette voie, mais de façon timorée. Nous prenons à nouveau ce pari avec l'ambition d'améliorer la coordination des politiques.
Je note votre remarque, monsieur Cornut-Gentille, sur les conseils qui devraient être dispensés aux élus. Mais je rappelle que les conventions de rénovation urbaine passées lors de la première phase du plan prévoyaient la possibilité de cofinancer les dépenses d'ingénierie au bénéfice des communes ne disposant pas des moyens nécessaires en interne. Cela étant, nous aurions tort de croire que des projets de rénovation urbaine de grande ampleur puissent être menés sans que ne soit prévu le financement des actions d'ingénierie.
Régis Juanico m'a interpellé sur l'avenir des zones franches urbaines – ZFU –, un dispositif qui arrive à échéance à la fin de l'année 2014. La question devrait être abordée dans le cadre du projet de loi de finances pour 2015. Le rapport d'information sur le sujet rédigé par deux de nos collègues, Henri Jibrayel et Michel Sordi, a mis l'accent sur les différences d'approches et de résultats entre les ZFU : si dans certains quartiers, l'outil a atteint ses limites, il est pour d'autres un élément structurant de la politique de la ville, et a permis à des quartiers situés dans des villes souffrant de graves difficultés financières d'accélérer le renouvellement urbain. J'ai interrogé le ministre sur ce point lors de la réunion de la commission élargie, et j'ai cru comprendre qu'il était favorable, sous réserve du résultat des discussions avec les autorités européennes, à l'idée de prolonger le dispositif sous une forme ou sous une autre.
Je comprends votre préoccupation, monsieur Juanico, s'agissant du volet social de la politique de la ville, dans la mesure où l'adoption d'une nouvelle géographie prioritaire va se traduire par un resserrement du nombre de quartiers bénéficiaires. Une telle évolution n'est jamais facile. Néanmoins, le ministre a d'ores et déjà évoqué des mesures d'accompagnement, de « veille active » au profit des quartiers non éligibles, afin qu'un arrêt trop brutal des aides n'ait pas pour effet de laisser les différents intervenants démunis et de ruiner les longs et pénibles efforts qui y ont été réalisés pendant des années. Nous devrons toutefois être attentifs à ce que ces mesures soient effectivement mises en oeuvre.
Ainsi, dans ma circonscription, une politique audacieuse a été menée en matière de réussite éducative, destinée à favoriser l'apprentissage de la lecture et à limiter les risques d'exclusion dès les premières années de la scolarité. Elle s'est révélée féconde, et ne doit pas être remise en question.
Je vous remercie, monsieur Alauzet, d'avoir exprimé votre satisfaction au sujet des objectifs poursuivis par le projet de loi et de la méthode employée. Un amendement relatif à la mise en place de conseils de citoyens doit être déposé par le Gouvernement : il devrait combler votre souhait d'associer les habitants aux décisions prises. De même, le projet de « veille active » répond à votre préoccupation à l'égard des quartiers qui sortiront du dispositif de rénovation urbaine. Enfin, s'agissant de la solidarité régionale, nous y reviendrons en examinant votre amendement.
Étant de nature optimiste, je ne suis pas certain que les inquiétudes exprimées par Patrick Ollier soient complètement fondées. Mais je partage son souhait de passer d'une logique de guichet à une logique de projet : c'est justement l'objectif du projet de loi. J'ignore si la ville dont il est maire comprend un des futurs quartiers prioritaires : l'article 4 précise les critères permettant de les définir, mais la liste des bénéficiaires sera établie par décret. J'observe toutefois que lors de sa présentation par les techniciens du ministère de la Ville, la méthode de cartographie par carroyage a été largement approuvée, car elle est suffisamment fine pour tenir compte des réalités sociales du territoire concerné.
Je répète par ailleurs que la responsabilité de la conduite de la politique de la ville doit être partagée entre le maire et l'intercommunalité. L'amendement que j'ai déposé permettra de clarifier leurs rôles respectifs.
Je ne dispose d'aucune information sur la situation de Guingamp et sur son évolution, et je ne peux donc répondre sur ce point à Marc Le Fur. Cependant, en application de l'article 4 du projet de loi, la liste des quartiers prioritaires devra être connue avant le 1er janvier 2015.
Marc Le Fur s'est également déclaré préoccupé par le sort de la péréquation. Je n'ai pas le sentiment que celle-ci soit affaiblie par le projet de loi, bien au contraire : l'attribution systématique de la dotation de solidarité communautaire aux établissements publics de coopération intercommunale signataires de contrats de ville est une façon de la renforcer.
J'approuve la remarque de Thierry Mandon sur la diversité des territoires. Quant à sa supplique relative à la complexité et à la lenteur des procédures, à laquelle je suis sensible, j'imagine qu'il ne manquera pas de la renouveler dans l'hémicycle à l'intention du ministre. En ce domaine, des améliorations doivent en effet être apportées.
Je remercie Michel Vergnier, Dominique Lefebvre et Sandrine Mazetier pour leurs appréciations positives.
Jean-Louis Dumont a fait un plaidoyer en faveur de la simplification. Celle-ci est déjà en cours sur le plan institutionnel, mais elle doit être poursuivie.
Je connais mal, monsieur Ollier, le projet du Grand Paris, mais je suis certain que le ministre de la Ville veillera à ce qu'il ne soit pas remis en cause par l'application du texte que nous examinons.
En revanche, je ne partage pas votre appréciation s'agissant des zones de redynamisation urbaine, un dispositif qui a fait son temps, d'autant qu'il n'a pas fait preuve d'une grande efficacité. Il faut dire que l'on a pris soin d'inclure dans ce zonage des quartiers qui ne pouvaient guère accueillir des initiatives économiques. Il me semble plus intéressant de faire du développement économique et commercial une composante à part entière des contrats de ville, de façon à mobiliser en sa faveur les crédits de la politique de la ville comme ceux de droit commun.
En proposant le report au 31 décembre 2015 de l'échéance du premier programme national de rénovation urbaine, je pense, madame la présidente, que le Gouvernement ne fait que prendre acte d'une situation de fait et tenir compte du calendrier des maîtres d'ouvrage comme de leurs capacités financières. Cela permettra de valider les conventions et avenants de convention déjà négociés ou en cours de négociation. En outre, l'ANRU sera ainsi en mesure de réinvestir le fruit des économies réalisées sur certains projets. N'oublions pas qu'un projet urbain est un projet vivant qui appelle certaines corrections. Or, celles-ci n'auraient pu être apportées avant la fin de cette année.