Intervention de Isabelle Attard

Réunion du 13 novembre 2013 à 16h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaIsabelle Attard :

Merci, monsieur le président, pour ce rapport sur le premier contrat d'objectifs et de moyens signé entre Campus France et ses ministères de tutelle.

Il y avait urgence. Mme Geneviève Fioraso avait d'ailleurs insisté, au printemps dernier, sur l'importance de l'accueil des étudiants venant des pays émergents lors du débat de la loi relative à l'enseignement supérieur et à la recherche.

L'EPIC Campus France, créé en 2010, n'est entré en activité qu'à la rentrée scolaire 2012. Il a suscité dès le départ de vives critiques. Celles-ci ont conduit à la démission du président de son conseil d'administration, M. Christian Demuynck, le 26 novembre 2012. Celui avait alors dénoncé « une gestion sans stratégie ni ambition » par quelques fonctionnaires des tutelles, ainsi qu'« une gestion boutiquière, pour ne pas dire à la petite semaine ». Au-delà de cette démission, l'EPIC n'a pas convaincu tous ses partenaires, certains gouvernements étrangers allant jusqu'à refuser de traiter avec Campus France au motif que ses tarifs étaient trop élevés pour des prestations minimes. Mme Dominique Gillot, sénatrice, membre du conseil d'administration, a été elle aussi très dure, estimant que « la démonstration n'est pas faite de l'idée selon laquelle l'EPIC permet une meilleure gestion ». Selon elle, il apparaît de plus en plus clairement que la gestion de cette mission de service public coûte plus cher que lorsque le Cnous l'assurait. Il est donc indispensable de savoir si la situation s'est améliorée et si la gestion des étudiants, qu'ils soient français ou étrangers, se déroule dans de bonnes conditions.

En outre, alors que le Cnous réinvestissait les bénéfices liés à la gestion des bourses dans ses oeuvres sociales, Égide faisait preuve d'une gestion bien plus hasardeuse. Ses dirigeants étaient très bien rémunérés ; son directeur, notamment, percevait 13 000 euros complétés par une voiture de fonction. Il apparaît que ces niveaux de salaire et avantages ont été maintenus dans la nouvelle structure de Campus France, alors même que le niveau de service pour les étudiants est en nette diminution en comparaison avec ce que le Cnous leur fournissait.

Sur les 280 000 jeunes qui viennent suivre un cursus en France, près de 10 % perçoivent une bourse du gouvernement français, de leur pays d'origine, ou de fondations et entreprises privées. À ces quelque 28 000 étudiants, Campus France propose, moyennant finances, des facilités – hébergement, couverture sociale et gestion de la bourse d'études – dont le montant est au minimum de 600 euros par mois.

Citons M. Abdallah Sassi, le conseiller culturel de l'ambassade libyenne à Paris : « L'ambassade de France à Tripoli ne délivre plus, depuis des mois, de visas à nos étudiants, au motif que mon gouvernement refuse de traiter avec la nouvelle agence Campus France. C'est un chantage inacceptable pour un pays souverain ».

Les Américains, par exemple, délivrent, avant même le départ de Tripoli, un visa pour la durée de la bourse (trois ou cinq ans) qui n'a donc pas besoin, comme en France, d'être renouvelé chaque année. Les tarifs de Campus France sont chers – 1 000 euros par an et par étudiant, contre 600 euros en passant par le Cnous – pour des services en baisse. L'accueil de Campus France est en effet « dématérialisé », avec une assistance à distance, par mail. À la descente d'avion, l'étudiant vietnamien, chinois ou kirghiz est invité par écrit à se rendre au guichet de la Poste où l'attend un mandat de 600 euros en liquide. À lui de se débrouiller !

« Nous avons besoin, pour nos boursiers, d'un accueil à l'arrivée, d'un accompagnement pour répondre aux multiples imprévus qui se posent à des populations jeunes, peu francophones et habituées à un encadrement à visage humain, personnalisé. C'est une question de culture » déplorait récemment l'ambassadeur de Libye en France. Son gouvernement a donc décidé de ne pas céder au chantage des visas et de gérer en direct les bourses d'études qu'il accorde, sans passer par Campus France, dont l'intervention n'est d'ailleurs nullement obligatoire.

D'autres ne souhaitent pas, ou plus, passer par Campus France : le Chili, l'Arabie saoudite, l'Azerbaïdjan, le programme Cumex d'un consortium d'universités mexicaines, la Bolivie, l'Algérie, etc. Certains hésitent, comme la Thaïlande ou l'Argentine, ou manifestent seulement leur mécontentement.

La grogne couve également chez les universitaires. L'Assemblée des directeurs des instituts universitaires de technologie, qui attirent chaque année 1 000 étudiants venus, notamment, du Vietnam, du Gabon, du Cameroun ou de Thaïlande, s'est ainsi exprimée : « il est inacceptable que Campus France nous impose des tarifs deux fois plus élevés que le Cnous avec lequel notre partenariat permettait, en outre, d'associer efficacement accueil et hébergement. Nous refusons donc ces nouvelles conditions et avons décidé de nous occuper directement de ces boursiers. »

Alors que Campus France s'attendait à recueillir, dès septembre 2012, 13 000 dossiers de boursiers gérés par le Cnous, il n'a récupéré pour le moment que les 5 800 dossiers des étudiants en cours de cursus, faute de convaincre tous ses autres clients de lui confier les nouveaux dossiers.

Monsieur le président, nous espérons que ces problèmes seront réglés à l'avenir. Nous mettons tous nos espoirs dans ce COM, d'autant plus important que Mme Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, a fait de l'accueil des étudiants des pays émergents – comme je le disais en introduction – une priorité de son ministère.

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