Le groupe UDI est très attaché à la politique de la ville du fait du bilan, salué par tous, de l'action de M. Jean-Louis Borloo. Je m'associe aux critiques de M. Jean-Marie Tetart sur les modalités d'examen de ce projet de loi – sans parler des vingt-et-un amendements déposés par le Gouvernement la veille de cette réunion.
Nous ne disposons pas de la liste des quartiers éligibles et nous ne comprenons pas que vous n'ayez pas eu la délicatesse de la transmettre à la représentation nationale. Cette méthode alimente nos inquiétudes.
Les quartiers éligibles à la politique de la ville sont alternativement qualifiés de « sensibles », « stigmatisés », « défavorisés », « populaires », « relégation », « plus fragiles », alors que ce sont des quartiers d'avenir qui disposent de nombreux atouts et notamment celui de la jeunesse. L'explosion du chômage, l'insalubrité de l'habitat et la tentation du repli communautaire devant le sentiment d'exclusion sont autant de symptômes de notre difficulté collective à trouver un chemin nouveau pour ces territoires.
La Cour des comptes se trompe d'analyse en qualifiant d'échec la politique conduite depuis trente ans. Lorsqu'un habitant de ces quartiers voit sa situation économique s'améliorer, il a tendance à le quitter et à être remplacé par quelqu'un de plus fragile.
Les émeutes qui ont eu lieu dans ces quartiers ont montré à plusieurs reprises ces dernières années combien cette situation de rupture sociale et territoriale était lourde de risques pour la cohésion nationale.
Dix ans après le lancement du PNRU, tous s'accordent sur son succès, tout en reconnaissant qu'il faut aller plus loin. Que ce soit sur l'emploi, la baisse de la délinquance, la réalisation d'équipements scolaires, la revitalisation et l'implantation de nouvelles activités mais aussi sur le désenclavement et le renforcement de l'attractivité de ces quartiers, l'action de l'ANRU et des autres acteurs comme l'ACSé doit être prolongée par la puissance publique.
Le projet de loi qui nous est présenté est essentiellement technique. Il opère des simplifications bienvenues, telles que la réduction du nombre de dispositifs, l'institution du contrat de ville unique ou la prolongation du PNRU de 2003. À notre sens il ne peut être qu'une première étape permettant de répondre à la détresse des habitants de ces quartiers et doit être largement précisé, en indiquant notamment la liste des nouveaux quartiers prioritaires ainsi que les moyens qui seront effectivement attribués à la politique de la ville.
Si la fusion des dispositifs qui se sont empilés ces dernières années – les ZUS, CUCS, ZRU et autres ZFU – va dans le sens d'une plus grande cohérence de l'action publique, nous appelons néanmoins le Gouvernement à prendre garde à ce que cette simplification ne rime pas avec désengagement de l'État.
Le nombre de quartiers prioritaires arrêtés par le Gouvernement serait de 1 200, contre 2 500 CUCS aujourd'hui : doit-on craindre que les 1 300 quartiers appelés à disparaître des radars gouvernementaux de la politique de la ville soient exclus des contrats de ville, ou bénéficieront-ils, comme semblent l'indiquer les amendements déposés à la dernière minute par le Gouvernement, d'une période transitoire ?
La suppression des ZFU fin 2014 suscite par ailleurs de fortes inquiétudes. Nous présenterons donc un amendement visant à prolonger le dispositif jusqu'en 2019. En effet, les ZFU ont, dans leur grande majorité, démontré leur efficacité dans la lutte contre le chômage, notamment le chômage des jeunes. Si elles ne peuvent évidemment remplacer une stratégie de développement économique portée par les collectivités territoriales, elles sont un atout indispensable au service de celles-ci.
La nouvelle géographie prioritaire qui identifie les zones sensibles au travers du seul prisme de la pauvreté en écartant tout critère urbanistique ou social nous paraît constituer une approche qui risque d'exclure des zones qui ne le méritent pas. François Pupponi a d'ailleurs bien soulevé dans son rapport le paradoxe des villes pauvres éligibles à la DSU qui pourraient ne plus avoir de quartier prioritaire. La modification du zonage aura des conséquences sur de nombreux dispositifs aujourd'hui assis sur les ZUS – je pense en particulier à la nouvelle bonification indiciaire –, lesquels doivent donc être revus par le Gouvernement. Si on ne peut nier que le recentrage soit une bonne chose, nous serons vigilants à ce que les critères retenus le soient bien sur des fondements objectifs sans autre forme de considération politique.
Quant à la solidarité, si la solidarité nationale reste un impératif évident, la solidarité locale est également un sujet fondamental, et nous aurons l'occasion, au cours de nos débats de reparler de la DSC.
Nous regrettons pour conclure que le texte mette à mal l'annexe 1 de la loi de 2003, qui apportait des précisions intéressantes sur les critères relatifs à l'évolution des écarts constatés entre les villes, tout comme nous regrettons la disparition de cette vigie républicaine qu'était le Comité d'évaluation et de suivi de l'ANRU, véritable « poil à gratter » de la politique de la ville. Nous déplorons enfin une lacune essentielle de la politique de la ville : l'éducation.