Intervention de Pascal Cherki

Séance en hémicycle du 15 novembre 2013 à 15h00
Loi de finances pour 2014 — Après l'article 60

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPascal Cherki :

Monsieur le ministre, nous nous sommes posé les mêmes questions en rédigeant cet amendement. Vous avez raison d’insister sur le fait que nous allons entrer dans un champ nouveau, puisqu’en passant de la notion de but exclusif à celle de but principal, nous donnons à l’administration fiscale une marge d’interprétation importante, et le pouvoir d’explorer un certain nombre d’affaires à la lumière nouvelle de l’abus de droit.

Certes, c’est une procédure complexe à manier, mais elle constitue l’arme ultime tant il est impossible, dans l’état du droit actuel, de caractériser certains comportements autrement que par l’abus de droit. Le combat est parfois asymétrique : il convient de rétablir l’égalité des armes. C’est l’objectif de cette nécessaire évolution.

Les rapports, dont celui du sénateur Éric Bocquet, les réflexions, notamment sur la nouvelle géographie économique, convergent : il doit y avoir adéquation entre le droit, son évolution et le comportement économique objectif d’un certain nombre d’acteurs. Nous sommes dans cette matière grise, et comme dans toute matière grise, des risques s’y nichent. Mais il faut parfois savoir employer de nouvelles armes pour avancer.

Vous dites, monsieur le ministre, que votre administration devra utiliser de manière uniforme cette procédure. La jurisprudence y contribuera. Les contentieux ne seront nombreux que si l’administration fait un usage immodéré de cette nouvelle possibilité que nous lui offrons. Car pour qu’il y ait contentieux, il faut qu’il y ait redressement, donc caractérisation par l’administration de l’abus de droit. Si l’administration fixe elle-même une doctrine, de son point de vue raisonnable, le nombre de contentieux sera restreint.

Voyez la méthode du faisceau d’indices, monsieur le ministre : c’est une oeuvre prétorienne, qui a permis d’évoluer, notamment sur la notion de service public. Vous êtes trop fin juriste pour ne pas savoir que le droit, comme l’a montré le doyen Carbonnier, est flexible. Il faut donc lui donner les armes de sa flexibilité.

Enfin, le délai que prévoit cet amendement nous laisse encore deux projets de loi de finances pour corriger les choses. Il donne le temps à l’administration fiscale de se saisir de cette nouvelle matière juridique. Nous pouvons faire confiance à cette administration de grande qualité pour maîtriser la marge d’incertitude existante et faire un usage raisonnable des nouvelles armes juridiques que nous mettons à sa portée.

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