Je laisse à mes collègues spécialistes du droit le soin d’argumenter sur la manière dont la mesure qui, je l’espère, sera adoptée dans quelques instants, pourra évoluer en fonction de la lecture qu’en feront les juristes.
En revanche, je souhaite revenir sur la notion d’abus de droit. M. le ministre faisait référence au droit européen : la Cour de justice de l’Union européenne a fait pour la première fois de la lutte contre l’abus de droit un motif d’intérêt général. Voilà pour la lecture juridique et européenne de cette notion.
Je voudrais en faire une lecture politique : que signifie réellement l’abus de droit ? Il s’agit d’individus, de responsables, d’entreprises qui connaissent le droit, qui connaissent l’esprit de la loi et qui connaissent le pacte social et républicain, et qui, pourtant, choisissent d’en abuser. Chose extraordinaire ! Voici des gens qui, en toute connaissance de cause, décident d’abuser des possibilités, ou plutôt de la souplesse – comme le disait M. Cherki – de la loi. Et pourquoi en abusent-ils ? Pour ne pas respecter le pacte social et républicain en France ou le pacte social d’autres pays européens. En France, par exemple, huit des quarante entreprises cotées au CAC 40 ne s’acquittent pas de l’impôt sur les sociétés parce qu’elles abusent du droit français. De même, un patron de grande entreprise, en créant une fondation en Belgique pour que ses enfants échappent à l’impôt sur l’héritage en France, abuse du droit français qui lui donne cette possibilité d’aller circuler en Belgique. Je pourrais donner bien d’autres exemples.
Nous souhaitons donc que l’État ne reste pas impuissant face à tous ceux qui, en connaissance de cause, abusent de notre droit.