Voici donc un premier point sur lequel je tiens à vous dire mon amical désaccord, qui inspire néanmoins les positions que je prends devant vous sur cette question.
Cette part d’incertitude du droit m’amène à répondre à Mme Berger et à M. Muet qui ont évoqué la Cour de justice de l’Union européenne, laquelle a prononcé plusieurs arrêts. C’est précisément parce que ces arrêts ne disent pas tous la même chose que j’estime que la matière est mouvante. Ainsi, certains membres de la Cour jugent que l’un des considérants de l’arrêt Halifax, qui évoque un but « principalement fiscal », donne désormais l’orientation de la jurisprudence européenne. D’autres, au contraire, font référence à l’arrêt Cadbury-Schweppes, antérieur, ou à l’arrêt que j’ai mentionné précédemment, lesquels invoquent plutôt un motif « exclusivement fiscal ». La jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne est donc fluctuante et me conduit à poser la question de la stabilité juridique.
D’autre part, M. Cherki estime que l’importance du contentieux dépendra du comportement de l’administration. Dans un État de droit, pourtant, l’administration doit appliquer le droit de façon systématique dès lors que les cas qui lui sont soumis justifient que le droit s’applique. Autrement, ce n’est pas un État de droit. Si nous adoptons cette disposition, l’administration sera donc tenue de l’appliquer systématiquement aux dossiers dont elle sera saisie. Et que se passera-t-il alors ? À cet égard, mon raisonnement est exactement inverse au vôtre, monsieur Cherki : plus les cas se multiplieront dans un contexte juridique incertain et plus le juge devra prendre position sur les décisions de l’administration ; et plus il le fera, plus l’incertitude juridique croîtra. De là vient ma crainte.
Enfin, nous sommes d’accord sur l’objectif : nous pouvons donc prendre le plaisir sans fin du débat, mais la contrainte du temps m’oblige une fois de plus à vous renvoyer à la sagesse.