Vous avez, monsieur le ministre, évoqué avec raison la Cour de justice de l’Union européenne qui, dans un arrêt de 2008, a créé l’émoi dans la jurisprudence en employant le terme « essentiellement » en anglais – essentially. N’étant pas juriste, j’ai lu attentivement les écrits de M. Fouquet et d’autres et, comme scientifique, je pèse scrupuleusement le sens des mots. Or, je constate que, dans le lexique économique – mais le remarque doit valoir pour le lexique juridique – le mot anglais essential ne peut se traduire que de deux façons différentes : par « essentiel » ou par « principal ». La même idée a donc produit deux amendements : l’un, présenté par M. Marini et adopté à l’unanimité au Sénat, emploie le mot « essentiel » ; l’autre utilise le mot « principal ».
À la lecture attentive des écrits de M. Fouquet, je trouve deux arguments contradictoires qui s’opposent à l’emploi du terme « principal ». D’une part, M. Fouquet estime qu’adopter ce terme créerait une énorme incertitude. Il nous dit alors que la traduction du mot anglais essential est « exclusif » : j’ai le regret de répondre que c’est faux, car l’adjectif « exclusif » se traduit par le terme identique en anglais. Plus loin, M. Fouquet estime qu’en se contentant du terme « exclusif », le droit englobe les cas où l’avantage fiscal est prépondérant par rapport à l’avantage économique.
Autrement dit, M. Fouquet nous dit d’une part que l’adoption de la rédaction proposée par l’amendement est très dangereuse, et d’autre part qu’elle n’est au fond pas nécessaire puisque la rédaction actuelle signifie « principalement ».
Je dis quant à moi qu’il appartient aux parlementaires d’employer les mots qu’ils souhaitent. Puisque les mots ont un sens, utilisons-les à bon escient. Si nous souhaitons que le concept en vigueur soit celui de « prépondérance », adoptons donc la formule du « motif principal ». Les deux ans qui viennent permettront de traiter les différends nés de l’ancienne rédaction et de poursuivre la réflexion sur la manière de satisfaire au souhait du Parlement. C’est à nous, représentants du peuple, qu’il appartient de dire le droit !
Une pétition citoyenne a d’ailleurs été lancée hier après-midi pour soutenir cet amendement, et elle a déjà recueilli plus de 110 000 signatures.