Intervention de Danielle Auroi

Réunion du 30 octobre 2013 à 16h30
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDanielle Auroi, Présidente :

Mesdames et Messieurs, mes chers Collègues du Parlement européen, du Sénat et de l'Assemblée nationale, je suis très heureuse que nous soyons encore une fois réunis dans cette formation conjointe, pour débattre aujourd'hui d'un sujet qui me tient particulièrement à coeur, et qui vous tient particulièrement à coeur à tous ici présents j'en suis sûre : l'avenir de l'Europe sociale et son indispensable renforcement, pour répondre aux préoccupations et aux souhaits de nos concitoyens, dans le contexte particulier de la crise économique, sociale, écologique que nous connaissons, au moment où les citoyens commencent de plus en plus à douter que l'Europe puisse être protectrice. Il faut parler à nos concitoyens de ce qui donne sens à l'Europe, et pas seulement du dogme de l'austérité. L'Union est capable d'avancer en matière sociale, et la France peut jouer un rôle crucial en la matière. Ainsi M. Thierry Repentin, que nous recevions hier, conjointement avec la Commission des Affaires étrangères, s'est réjoui que, pour la première fois, la dimension sociale ait été intégrée dans les discussions relatives à l'UEM au Conseil, même si le chemin reste long et semé d'embûches. Suite à l'initiative franco-allemande, à la décision du Conseil de juin dernier, et à la communication faite par la Commission européenne le 2 octobre, il a donc été acté au dernier Conseil que cinq indicateurs sociaux en matière d'emploi et de formation professionnelle seraient mis en place et seraient intégrés au « monitoring » des économies des États membres. Ceci est positif ; mais ce qui est négatif en revanche à mon sens c'est que la portée de ces indicateurs reste à mon sens insuffisante : ils n'auront pas à ce stade de caractère obligatoire et il n'y a pas d'accord entre États membres à ce propos. C'est donc une première étape, à suivre, à poursuivre…

Car les défis qui nous attendent dans les années qui viennent, dans une Europe à vingt-huit où les frontières économiques et physiques ont été abolies, mais où les régimes sociaux et fiscaux n'ont pas été harmonisés et où les niveaux de vie ne sont pas homogènes, sont nombreux. Il faut trouver des convergences. Un premier dossier important, poussé par la présidence Irlandaise, est celui de l'emploi des jeunes. Cela est crucial car ce sont eux qui paient le plus lourd tribut à la crise économique. Les taux de chômage des moins de vingt-cinq ans sont en effet édifiants : en avril 2013, 24,4 % pour la zone euro à 17, 23,5 % pour l'UE à 27, 26,5 pour la France, 40,5 % pour l'Italie, 42,5 % pour le Portugal, et même 56,4 % pour l'Espagne – même si on dit que la situation sociale en Europe s'améliore… La Commission européenne a pris la mesure du caractère dramatique de cette situation, et a ainsi initié dans le cadre de « l'initiative pour l'emploi des jeunes » un certain nombre de dispositifs, tels que la « garantie pour la jeunesse ».

L'Union a en outre fixé comme objectif prioritaire de la stratégie Europe 2020 l'amélioration du marché du travail, basé notamment sur le développement d'une main d'oeuvre qualifiée, l'amélioration du service public de l'emploi, et la facilitation de la mobilité du travail.

Je souhaiterais que nous puissions évoquer ensemble ces sujets, la question des droits sociaux des travailleurs – notamment la question de la portabilité des retraites – mais aussi toute la problématique liée à la révision de la directive sur le détachement des travailleurs – sujet sur lequel ont particulièrement travaillé Gilles Savary, Chantal Guittet et Michel Piron. Nous savons tous ici que cet outil, conçu comme protecteur, est à présent facteur de déstabilisation des marchés du travail de beaucoup de pays membres , dont le nôtre, via la mise en oeuvre d'un réel « dumping social ». Le ministre Repentin a d'ailleurs hier évoqué ce sujet et rappelé les points clés de la négociation en cours sur cette révision de la directive sur le détachement.

Ce sujet, que nous avons inscrit à l'ordre du jour de la séance publique le 2 décembre, rejoint d'ailleurs pleinement la question de la responsabilité sociale des entreprises, et leurs responsabilités vis-à-vis de leurs filiales et de leurs sous-traitants, à l'intérieur et à l'extérieur des frontières de l'Europe. Il faut rechercher l'équité en la matière.

Il pose aussi la question de la mise en place d'un salaire minimum en Europe, et plus largement, de la mise en place d'un revenu de base universel.

Il semble que les discussions en marge du dernier Conseil européen ont montré de réelles avancées sur la question du salaire minimum – cela n'était pas acquis il y a quelques semaines encore – et notamment de la part de l'Allemagne, qui se dirige vers la mise en place d'un salaire minimum non pas interprofessionnel mais par branche, particulièrement dans l'agroalimentaire et l'abattage, secteurs sensibles s'il en est. Ceci marque les prémices d'une harmonisation sociale et donc du renforcement de la lutte contre le « dumping social ». Il faudrait aller plus loin et travailler aussi sur une assurance-chômage au niveau européen ; c'est un sujet porté par Pervenche Bérès et le Parlement européen ; nous y travaillons aussi de notre côté ici au sein de notre commission et de concert avec la commission des affaires sociales.

Voilà mes chers collègues ce dont je souhaitais vous faire part avant que nous n'entamions nos échanges sur cet ordre du jour divers et important. Ensuite, si nous avons encore le temps, j'aimerais que nous puissions échanger sur quelques sujets d'actualité. Je voudrais notamment évoquer le nécessaire approfondissement de la démocratie européenne, dans le contexte de la convergence économique et budgétaire, par le renforcement de sa dimension parlementaire, associant Parlement européen et parlements nationaux, en complémentarité, chacun dans son rôle. La période pré-électorale qui s'ouvre doit en effet permettre d'ouvrir un réel débat sur l'Europe que nous voulons pour demain.

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