Intervention de Simon Sutour

Réunion du 30 octobre 2013 à 16h30
Commission des affaires européennes

Simon Sutour, Président :

L'Europe sociale a fait l'objet d'un débat approfondi lors de la dernière COSAC à Vilnius. Elle est d'autant plus essentielle que nos pays sont confrontés aux graves effets d'une crise économique et financière sans précédent.

Contrairement à ce que soutiennent les populistes, l'Europe n'est pas le problème ; elle peut, au contraire, apporter une grande partie des réponses.

La Commission des affaires européennes du Sénat a adopté, le 16 octobre dernier, à l'unanimité, une résolution européenne portant sur la thématique du détachement des travailleurs. La question du droit de grève des travailleurs détachés – proposition dite « Monti II » – avait déjà fait l'objet d'un avis motivé en matière de subsidiarité il y a un an et demi ; le quorum requis d'un tiers des Parlements nationaux ayant été atteint, un carton jaune a été adressé à la Commission européenne, laquelle a fait le choix de retirer son texte.

La Commission des affaires européennes du Sénat vient également d'adopter à l'unanimité un avis motivé sur le Parquet européen : si elle est favorable au principe, elle souhaite davantage de collégialité et l'absence de « super procureur ». Un nombre suffisant de Parlements nationaux s'étant prononcé en ce sens, la Commission européenne va devoir réexaminer son texte.

S'agissant des travailleurs détachés, le Conseil européen ne parvient toujours pas à se mettre d'accord sur le texte proposé par la Commission. Le débat achoppe sur deux dispositions essentielles du texte : l'article 9 relatif aux mesures nationales de contrôle, et l'article 12 relatif à l'instauration d'un mécanisme de responsabilité solidaire du donneur d'ordre dans les chaînes de sous-traitance. Les obstacles sont davantage politiques que techniques. La résolution du Sénat préconise une liste ouverte de mesures de contrôle, qui permette aux États de s'adapter rapidement à des pratiques frauduleuses de plus en plus complexes : elle demande à ce que la clause de responsabilité du donneur d'ordre soit étendue à tous les secteurs d'activité et à l'ensemble de la chaîne de sous-traitance.

Le Sénat a par ailleurs travaillé sur la thématique de l'emploi des jeunes. La Commission des affaires européennes a adressé à cet égard un avis politique à la Commission européenne.

Le taux de chômage des jeunes de 15 à 24 ans au sein de l'Union européenne représente en effet le double de celui constaté pour l'ensemble de la population active. Les pays européens connaissent des situations difficiles, avec notamment un taux de chômage des jeunes de 62 % en Grèce, 55 % en Espagne, 38 % en Italie et au Portugal.

En décembre 2012, la Commission a adopté une série de mesures concernant l'emploi des jeunes. Le Conseil européen a créé un fond spécifique d'initiative pour l'emploi des jeunes, afin de financer la mise en place d'un mécanisme de garantie pour la jeunesse au sein des États membres. Cette nouvelle ambition sociale répond également aux objectifs de la stratégie « Europe 2020 » visant à améliorer la formation des jeunes européens. L'Union européenne a ainsi l'opportunité de donner une tonalité à son action, autre que celle de la lutte contre les déficits publics et l'endettement.

La France a d'ailleurs pris toute sa part dans cette réorientation progressive. Parallèlement à ces initiatives communautaires, la France est, depuis mai 2013, à l'origine d'une initiative franco-allemande sur le chômage des jeunes.

L'initiative pour l'emploi des jeunes n'est certes pas négligeable, mais est-elle à la hauteur du problème ? Le taux de chômage des jeunes est en effet presque partout alarmant. Il n'est inférieur à 10 % que dans deux pays de l'Union européenne, où en moyenne un jeune sur quatre est au chômage. Face à cette réalité dramatique, peut-on se contenter d'un plan doté de huit millions d'euros sur sept ans, pour l'ensemble des Vingt-huit ?

L'avis politique de la Commission des affaires européennes du Sénat insiste sur plusieurs mesures que l'Union européenne pourrait porter : nous estimons qu'il convient de baisser à 20 % le taux régional de chômage des jeunes nécessaire au déclenchement d'une aide financière européenne. Il est par ailleurs indispensable de stabiliser à un niveau élevé - au moins 40 % - la part de l'apprentissage dans les rubriques « enseignement supérieur » et « enseignement information professionnelle et programme Erasmus + ». Les dépenses cofinancées par les États membres en faveur de l'emploi des jeunes devraient provisoirement être réintégrées dans le calcul des soldes budgétaires des États membres.

D'autres sujets d'actualité peuvent nourrir notre débat. Le 2 octobre dernier, la Commission a présenté une communication sur la dimension sociale de l'Union économique et monétaire. Dans un contexte marqué par la diversité des modèles sociaux nationaux, la Commission prévoit notamment de créer un tableau de bord comportant cinq indicateurs sociaux et d'emploi. Cette proposition a néanmoins suscité une certaine déception, dans la mesure où aucun seuil entraînant l'intervention de l'Union n'est fixé : aucun critère précis ni contraignant n'est fixé s'agissant de la dimension sociale de l'Europe !

L'idée d'un salaire minimum en Europe - le SMIC européen - est redevenue d'actualité : en 2012, la Commission européenne a indiqué que cette idée – qu'elle considérait jusque-là comme un frein à l'embauche – était « intéressante ». Certes, du fait de la disparité des législations nationales et des niveaux de salaire, les difficultés ne manquent pas.

La communication de la Commission sur la dimension sociale de l'Union économique et monétaire évoque aussi la question d'un régime d'assurance chômage européen : ce dispositif constituerait un instrument de stabilisation automatique. Il pose la question, plus large, de la pertinence d'un budget autonome de la zone euro permettant aux États d'absorber les chocs.

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