Intervention de Christiane Taubira

Réunion du 13 novembre 2013 à 16h30
Commission spéciale pour l'examen de la proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel

Christiane Taubira, garde des Sceaux, ministre de la justice :

Monsieur Germain, oui, il y a des débats, mais c'est normal, la matière est complexe. Comme je l'ai dit, elle renvoie non à la morale, mais à l'éthique. C'est pourquoi nous voyons bien que les libertés individuelles sont en cause. Mais nous entendons aussi les arguments sur la liberté de disposer de son corps entre adultes consentants. Pour ma part, je continue à penser que la très grande majorité de la prostitution relève des réseaux de traite.

En effet, monsieur Coronado, les chiffres sont dérisoires : 5 enquêtes préliminaires en 2011 et 9 en 2012 ; 26 informations judiciaires en 2011 et 37 en 2012. Néanmoins, environ 500 arrestations de proxénètes ont eu lieu, ce qui n'est pas négligeable mais c'est sûr, ce n'est pas à l'échelle de ce qu'on suppose être la réalité des réseaux.

Il y a des phénomènes de classes dans la prostitution. À côté de la prostitution qui parfois expose ses victimes, totalement démunies, aux pires violences, il y a la prostitution de luxe. Mais même la prostitution de luxe est concernée par le proxénétisme et la traite ! J'ai discuté de tous ces sujets avec la ministre des droits des femmes, le ministre de l'intérieur et la ministre de la santé, et je trouve sain que ces débats aient lieu au sein du Gouvernement.

Je retiens que le Gouvernement vous accompagne dans cette démarche et que le travail sérieux de concertation a été productif – vous avez accepté de « descendre de la marche ». Le débat parlementaire va enrichir le texte. Mais le débat est aussi dans la société et surtout dans les médias.

Selon le rapport de Mme la rapporteure, il n'a pas été constaté de développement de la prostitution cachée dans les pays sanctionnant le client. Pour notre part, nous disposons d'éléments indiquant des déplacements géographiques de la prostitution. Même s'ils ne se sont pas produits en Suède ou en Norvège, cela n'exclut pas le risque chez nous.

Disons-nous bien que votre travail sera davantage accompli grâce aux politiques publiques qui seront mises oeuvre que par l'efficacité pénale des dispositions que vous introduirez dans la loi ! Il faut être lucide sur le risque d'aggraver la situation des personnes que nous voulons protéger. Si nous ne nous donnons pas les moyens d'apporter des réponses aux conséquences des interdits et des sanctions contenues dans votre texte, nous porterons la responsabilité d'avoir aggravé des situations. Ce risque existe objectivement et il faut donc mettre en place les moyens appropriés. Car imaginons qu'on réussisse à dissuader 80% des clients, que vont devenir les prostituées ? C'est notre premier problème. Il faut se donner les moyens d'y faire face.

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