Intervention de Didier Houssin

Réunion du 13 novembre 2013 à 9h30
Commission des affaires sociales

Didier Houssin :

Je vais tenter de répondre aux questions dans l'ordre où elles m'ont été posées, sachant que certaines réponses seront incomplètes. J'exerce mon activité dans le champ de la santé depuis moins de deux ans et il me faut redécouvrir un certain nombre de domaines, d'autant que les choses ont évolué. Je vous prierai d'excuser mon ignorance passagère.

Monsieur Touraine, je vous remercie pour l'appréciation que vous avez portée sur mon intervention.

S'agissant de l'expertise, le rapport de la Cour des comptes met l'accent sur la difficulté de concilier indépendance et compétence. Pour remédier à cette difficulté, la Cour suggère de procéder en deux temps. Il s'agirait de confier l'expertise, dans un premier temps, à un groupe d'experts très compétents – qui, de ce fait, ont souvent des liens avec l'industrie susceptibles d'entraîner la suspicion – et, dans un second temps, à un contingent d'experts peut-être moins reconnus mais d'une virginité totale en termes de liens d'intérêts. L'expertise passerait ainsi par une sorte de purgatoire avant d'entrer dans une phase de purification, ce qui produirait un avis établi sur la compétence et éliminerait les soupçons de liens d'intérêts. Voilà une modalité que nous pourrions envisager.

Une autre solution m'a été suggérée par mon expérience en matière de plans de santé publique. On avait placé à la tête de ces plans des personnalités scientifiquement compétentes mais en léger décalage par rapport au domaine du plan. Ainsi le professeur Joël Ménard avait été désigné à la tête du Plan Alzheimer, or il n'est pas neurologue, et le professeur Jean-Pierre Grünfeld était chargé du Plan Cancer, et il n'est pas cancérologue. Cette façon de procéder permettrait de concilier indépendance et compétence.

En ce qui concerne les ministères de tutelle, le produit final étant de nature sanitaire, il est de mon point de vue logique que le ministère de la santé regroupe l'ensemble des préoccupations sanitaires. C'est à mon avis la meilleure façon de construire la coopération interministérielle.

Je vous remercie, monsieur Door, pour votre appréciation. Oui, la fusion entre l'AFSSET et l'AFSSA est réussie puisque l'Agence est bien dirigée. Il est faux de penser que c'est en France que nous sommes les plus favorables à la parcellisation. D'ailleurs parmi les pays européens, l'ANSES représente une forme d'intégration des compétences, tandis qu'en Europe il existe une Agence européenne pour la sécurité alimentaire, une pour l'environnement, une pour la santé au travail, une pour les produits chimiques. Notre pays pourrait utilement inciter l'Europe à construire une agence sur le modèle de l'ANSES.

Je n'ai pas été président de France Transplant, monsieur le député, mais de l'Établissement français des greffes qui lui a succédé.

Monsieur Roumegas, pour avoir été auditionné à de nombreuses reprises par diverses commissions d'information et commissions d'enquête sur le sujet de la pandémie grippale, j'ai la ferme conviction que nous n'avons nullement à regretter les actions qui ont été conduites. Dans cette affaire, nous avons eu de la chance mais nous avons tout de même déploré quelques décès, et j'en veux beaucoup à ceux qui ont dissuadé ces personnes de se faire vacciner.

Madame Orliac, vous posez des questions difficiles auxquelles je ne suis pas tout à fait à même d'apporter une réponse. Quant au problème de la viande de cheval, il ne relevait pas de sécurité sanitaire mais de l'information des consommateurs.

Il est effectivement très important de concilier les attentes du public en termes de sécurité sanitaire et les activités agricoles. L'ANSES, par le biais de son conseil d'administration, rassemble autour de la table des personnes qui ont une préoccupation environnementale et des agriculteurs. Cela permet, sinon de rapprocher leurs points de vue, au moins de leur permettre de s'entendre et de se comprendre.

Je suis d'accord avec vous, l'activité agricole est absolument essentielle et vitale pour notre pays et pour l'emploi, mais nous devons nous soucier de son impact sur le plan sanitaire – je pense naturellement aux pesticides. Malheureusement, à ce jour, je n'ai pas de solution miracle à vous proposer.

Madame Khirouni, s'agissant des actions de groupe, je ne suis pas à même de vous répondre avec précision. Je rejoins Marc Mortureux en ce qui concerne la saisine de l'ANSES par le Parlement, mais les parlementaires ne sont-ils pas les mieux placés pour inscrire cette disposition dans la loi ?

Je vous remercie, monsieur Marcangeli, d'être intervenu à propos des risques liés au travail et d'avoir souligné que des efforts considérables ont été accomplis. La confiance envers l'impartialité des experts ne peut être abordée qu'à travers une attention extrêmement précise aux détails, concernant l'identification des liens d'intérêts, leur publicité, la manière de gérer les réunions. Il est important, voire inévitable, de « procéduraliser » de plus en plus l'expertise. Je vous renvoie à la suggestion que j'ai faite à l'un de vos collègues pour concilier indépendance et compétence. Je ne vois pas d'autre solution que d'alourdir la procédure, même si cela a un coût.

Monsieur Sebaoun, je vous remercie d'avoir fait référence à la greffe de l'AFSSA et de l'AFSSET. Il ne s'agit pas à mes yeux d'une greffe mais plutôt d'une fusion, d'un rapprochement, qui fonctionne beaucoup mieux que nous n'aurions pu le craindre au départ. Je ne crois pas, pour ma part, que la santé au travail soit la « queue de comète » du dispositif. J'ai même tendance à penser, après des relations suivies avec la Direction générale du travail, qu'une évolution très importante s'est produite dans ce domaine et que beaucoup, aujourd'hui, considèrent que la santé au travail doit être jugée à l'aune de la santé de l'ensemble de la population. C'est une évolution considérable. Nous devons parvenir à ce que les personnes qui travaillent bénéficient de la même qualité de santé que la population générale qui parfois, par son comportement, se place dans une situation plus difficile que les travailleurs.

Madame Le Callennec, la présence de lignes THT, notamment la ligne Cotentin-Maine, est un problème d'épidémiologie qui relève des compétences de l'Institut de veille sanitaire (InVS) dont le métier est centré sur l'épidémiologie, à savoir l'analyse de l'impact de tel ou tel dispositif sur la santé humaine. C'est pourquoi l'InVS a été sollicité pour mesurer l'impact de ces lignes sur la population. Je n'ai pas suivi les derniers développements, mais il aurait été préférable que l'InVS engage une étude sur ce sujet au lieu de laisser la CRIIREM le faire, ce qui au demeurant aurait évité de comparer des expertises contradictoires. C'est une question que je vous invite à poser à l'InVS, et je suis sûr que Mme Weber y répondra.

Monsieur Paul, s'agissant de la communication et du rôle de l'ANSES en la matière, il me semble que d'une manière générale la capacité des États pour agir sur les réseaux sociaux se situe à un stade embryonnaire... Nous l'avions constaté lors de la pandémie grippale, malgré quelques tentatives menées par le Gouvernement des États-Unis. Cela pose un problème démocratique. Il est intéressant à cet égard d'observer ce qui se passe en Chine. Nous verrons si un État très ferme parvient à contrôler tout ce qui se dit et s'échange sur Internet.

L'un de nos principaux objectifs, à l'avenir, sera de mettre en place une agence capable, dans son secteur de compétences, de jouer un rôle face aux réseaux sociaux. Nous devrons être plus proactifs sur le plan de la communication. Je ne sais pas comment nous y parviendrons, peut-être en nous appuyant sur les dernières données des sciences de la communication, mais nous devrons occuper cet espace de développement, notamment pour faire pièce à certaines rumeurs. Une étude récente montre en effet que le caractère viral des informations à composante négative est considérablement plus élevé que celui des informations dont le contenu est positif. Quoi qu'il en soit, ce sujet doit être abordé de manière méthodique.

Madame Louwagie, vous vous interrogez sur les moyens de l'Agence. Les documents qui m'ont été transmis par l'ANSES présentent une trajectoire financière qu'il n'est pas facile de maintenir vers le haut dans le contexte actuel. Il me semble qu'une mesure simple pourrait être prise pour faciliter la vie de l'ANSES et l'aider à mener à bien sa mission : il suffirait d'utiliser le produit des taxes européennes relatives à l'évaluation des produits phytosanitaires pour débloquer le plafond de la masse salariale de l'Agence. Mais je suppose que le ministère des finances ne sera pas favorable à cette idée…

Monsieur Perrut, vous attirez mon attention sur l'implantation territoriale de l'ANSES et ses moyens financiers. La Cour des comptes a effectivement souligné le fait que l'Agence comptait de nombreuses localisations en France, mais elle n'a pas recommandé d'en réduire le nombre. En fait, de nombreuses implantations sont des laboratoires ou des structures de recherche liés à des activités très particulières, les cochons ici, la volaille ailleurs, qu'il serait délicat de mélanger, au risque de voir se développer des élevages combinant plusieurs espèces qui présentent un grand risque sur le plan de la sécurité sanitaire.

Monsieur Delatte, en ce qui concerne l'usage des antibiotiques, mon expérience en matière de santé publique m'amène à penser que l'antibiorésistance et l'usage des antibiotiques sont parmi les sujets les plus importants dont doit s'occuper l'ANSES. En effet, l'antibiorésistance, la raréfaction des antibiotiques et l'engagement très limité de l'industrie dans ce secteur sont les principales menaces qui pèsent sur la santé humaine. Il est à cet égard essentiel de prendre en compte l'interaction entre la santé humaine et la santé animale. S'il est un sujet dans lequel je me serais volontiers investi intellectuellement, c'est bien celui-là, qui d'ailleurs est présenté comme un sujet majeur dans les recommandations de l'OMS.

Monsieur Jacquat, vous nous alertez sur la présence des antennes-relais et leurs conséquences pathologiques, mais en la matière la notion de pathologie n'est pas facile à définir car les antennes ne provoquent pas de maladies bien identifiées. L'angoisse ou l'inquiétude que provoque chez une personne l'implantation d'une antenne à proximité de son domicile est sans doute mal vécue, mais est-elle pathologique ? Il est vrai que l'installation des antennes a souffert d'un manque de communication et d'une impréparation qui ont conduit à des réactions d'anxiété et d'agressivité de la part de nos concitoyens.

Monsieur Accoyer, je partage votre point de vue quant à l'importance du principe de précaution, mais je pense qu'il n'existe pas dans notre pays de remise en cause du progrès scientifique et de la vaccination. Certaines fragilités subsistent sans doute, et la question du mésusage du principe de précaution en est l'une des manifestations. Cela dit, le principe de précaution est un progrès puisqu'il a permis aux autorités, dans des situations d'incertitude, de mener des actions proportionnées.

Il serait utile, en effet, de faire évoluer la législation afin de clarifier et de mieux encadrer l'usage du principe de précaution. Je suis prêt à participer à une réflexion en ce sens, mais je ne sais pas si j'aurai un rôle à jouer en qualité de président du conseil d'administration de l'ANSES, car ce point me paraît relever des compétences du Parlement et du Gouvernement.

Monsieur Robinet, je vous remercie pour les appréciations que vous avez formulées. La relation de l'ANSES avec les agences européennes est établie et se développe. Il serait effectivement intéressant de faire en sorte que le modèle de l'Agence, à savoir sa vision intégrée et transversale de différents risques, trouve un écho au niveau européen. Voilà une ambition intéressante, qui pourrait de surcroît avoir des conséquences positives sur le plan financier.

Madame la présidente, concernant la diminution des vaccinations je suis moins pessimiste que vous. Je pense en effet qu'en dépit de certaines faiblesses dues à un défaut de communication sur le risque encouru – je pense au vaccin contre la rougeole – la population française a confiance dans le progrès scientifique et dans les vaccins.

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