L'article 1er de la proposition de loi prévoit d'étendre aux faits de proxénétisme l'obligation de signalement qui incombe aux fournisseurs d'accès à Internet et les possibilités de blocage administratif de sites de prostitution en ligne. Si je suis évidemment favorable au premier point, le second soulève des difficultés techniques et juridiques bien connues.
Au début de l'été 2013, on a constitué un groupe de travail interministériel sur la cybercriminalité, chargé de formuler des propositions susceptibles de renforcer l'efficacité de la lutte contre la criminalité sur le net – une des priorités de mon action. Fin décembre, lorsqu'il aura rendu ses conclusions, nous disposerons d'une expertise sûre – fruit du travail conjoint des ministères des finances, de l'économie numérique, de la justice et de l'intérieur – qui nous permettra d'amender la proposition de loi afin d'en parfaire le volet répressif.
S'agissant des moyens, la Direction centrale de la sécurité publique réunit environ 800 policiers – répartis entre 50 sûretés départementales et quelques brigades de sûreté urbaine – qui luttent contre les infractions liées aux moeurs. Au sein de la Direction centrale de la police judiciaire (DCPJ), l'OCRTEH regroupe 16 enquêteurs, et aurait, en effet, besoin d'au moins dix policiers supplémentaires. À la préfecture de police, la Brigade de répression du proxénétisme (BRP) emploie une cinquantaine de policiers ; la police judiciaire de Marseille abrite également une BRP qui réunit actuellement une douzaine de policiers – et devra en réunir 16 ou 18 en 2014. À la Direction générale de la gendarmerie nationale, la division de lutte contre la cybercriminalité regroupe une trentaine d'enquêteurs ; la gendarmerie dispose également, sur l'ensemble du territoire, d'un réseau de 250 enquêteurs formés aux nouvelles technologies. En outre, les 1 600 gendarmes affectés à la quarantaine de sections de recherche (SR) peuvent également être amenés à traiter des affaires de proxénétisme.
Il n'en reste pas moins que nous devons renforcer nos dispositifs, car dans certaines villes, les moyens font défaut. Mon conseiller police, Jean-Paul Pecquet, connaît bien ces questions pour avoir été directeur de la sécurité publique à Grenoble – ville où la police, la justice et la municipalité sont depuis longtemps confrontées à la prostitution. Certaines sûretés départementales manquent de moyens, voire de formation pour s'attaquer à ces phénomènes. Mais vous renvoyez là au débat sur la répartition des moyens de la police et de la gendarmerie, avec, ici, une difficulté : il faut à la fois donner des moyens aux différents offices chargés de lutter contre le crime organisé mais aussi veiller à ce que les nouveaux moyens soient aussi affectés à la voie publique.
Pour ce qui est de la coopération internationale, tous les pays d'Europe occidentale sont touchés par les mêmes réseaux de criminalité organisée, à des degrés divers en fonction de leur système de prévention et de répression de la prostitution. Les réseaux d'exploitation sexuelle, quant à eux, se déplacent en fonction de la demande de prostitution et de la répression policière, selon des itinéraires plus ou moins établis. Ils exploitent les failles des différents dispositifs législatifs européens, s'appuient sur la libre circulation au sein de l'espace Schengen et s'adaptent quotidiennement aux actions policières, déplaçant leurs victimes au-delà de nos frontières.
Nous avons engagé depuis plusieurs années une coopération opérationnelle bilatérale avec des pays sources de la prostitution, en particulier avec la Roumanie et la Bulgarie qui, depuis leur entrée dans l'Union européenne en 2007, emploient efficacement les outils que sont les mandats d'arrêt européens et les équipes communes d'enquête. Cela permet, dans un contexte législatif qui n'est pas unifié, de renforcer l'efficacité des dispositifs de lutte mis en place avec ces pays et de démanteler les réseaux dans leur intégralité au-delà de nos frontières. La création d'équipes communes d'enquête coordonnées par Eurojust est aussi un axe d'investigation prioritaire, dès lors qu'une procédure est ouverte dans chacun des deux pays sur une même affaire.
Les bases d'une coopération opérationnelle avec la République populaire de Chine en matière de lutte contre les réseaux ont été posées depuis la fin de 2010 par mes prédécesseurs. La réception de plusieurs délégations chinoises depuis trois ans a permis d'asseoir la volonté commune de nos deux pays de lutter efficacement contre la criminalité organisée. Je ne doute pas qu'il existe encore des marges de progression.
Quant au Nigéria, après de très nombreuses tentatives demeurées vaines à ce jour, l'Office central a renoncé à essayer d'engager une coopération opérationnelle et stratégique avec les autorités de ce pays dont les réseaux criminels exploitent la prostitution des jeunes filles. La corruption généralisée et le manque de volonté manifeste des autorités entraînent un blocage incontournable susceptible de mettre en péril les familles des victimes exploitées en Europe.
Enfin, la coopération internationale se joue aussi, au niveau de l'Office, avec Europol, Eurojust et Interpol dans leurs domaines de compétence. L'Office alimente systématiquement le fichier Phoenix d'Europol sur la traite des êtres humains avec des données opérationnelles issues des dossiers d'enquête, et s'appuie sur Interpol pour développer des coopérations avec des pays n'appartenant pas à l'Union européenne. Il existe donc des pistes intéressantes et un travail est en cours, mais de nombreuses améliorations restent encore à réaliser, notamment dans la coopération avec certains pays sources.