Intervention de Najat Vallaud-Belkacem

Réunion du 12 novembre 2013 à 18h00
Délégation de l'assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Najat Vallaud-Belkacem, ministre des Droits des femmes :

Ce projet de loi s'inscrit dans le cadre de la politique volontariste du Gouvernement visant à faire progresser les droits des femmes. Ce texte global traite des inégalités entre les hommes et les femmes dans tous les domaines – inégalités professionnelles, précarité des femmes, violences faites aux femmes et parité. Il faut en effet se rendre à l'évidence : les inégalités, qui s'appuient sur une forme de hiérarchie entre les sexes, perdurent et doivent être combattues avec la plus grande énergie.

Le titre Ier du projet de loi, relatif à l'égalité entre les femmes et les hommes dans la vie professionnelle, comporte deux mesures phares.

La première est la réforme du congé parental. Comme vous le savez, la plupart des inégalités professionnelles entre les hommes et les femmes dans notre pays s'expliquent par le fait que les femmes ont des carrières plus souvent interrompues, heurtées, ce qui limite leur accès aux responsabilités, aux promotions et aux augmentations de salaire. Or ces interruptions de carrière sont largement liées au congé parental – dans 97 % des cas, ce sont les femmes qui le prennent, surtout pour une longue durée. C'est pour lutter contre l'éloignement des femmes du marché du travail et instaurer un meilleur partage des responsabilités parentales que le Gouvernement souhaite réformer le congé parental. Pour les familles avec un enfant, six mois supplémentaires pourront être pris à condition qu'ils le soient par le second parent. Et pour les familles avec deux enfants et plus qui choisissent de prendre un congé parental de trois ans, six mois parmi ces trois ans devront être pris par le second parent. Cette répartition des responsabilités parentales au sein du couple ira dans l'intérêt des femmes et des hommes : les premières se verront moins pénalisées par de longues interruptions de carrière, et les seconds seront considérés la fois comme des salariés et des pères.

La seconde mesure phare consiste à interdire aux entreprises de plus de cinquante salariés ne respectant pas les obligations en matière d'égalité professionnelle de soumissionner aux marchés publics. Cette disposition peut paraître sévère, mais la commande publique doit avoir pour vertu de contribuer à faire respecter la loi. Ce levier est utilisé au Québec avec de très bons résultats.

Le titre II du projet de loi est consacré à la lutte contre la précarité des femmes, en particulier des femmes seules confrontées aux impayés de pensions alimentaires.

Actuellement, dans notre pays, 40 % des pensions alimentaires ne sont pas payées ou le sont de façon irrégulière. Sachant qu'une famille monoparentale sur trois dirigée par une femme vit sous le seuil de pauvreté, ce problème des impayés est un facteur aggravant de précarité. C'est pourquoi le projet de loi crée un mécanisme de garantie publique contre ces impayés. Il permettra au parent de se tourner, dès le premier mois de non-perception de sa pension, vers la caisse d'allocations familiales qui lui versera alors une allocation de soutien familial – laquelle passera de 90 euros aujourd'hui à 120 euros par mois et par enfant en 2017, à charge ensuite pour la CAF de se retourner contre le débiteur défaillant pour recouvrer son dû. Cette mesure importante est introduite dans un premier temps sous forme d'expérimentation afin d'en évaluer l'efficacité avant sa généralisation sur l'ensemble du territoire.

Le Sénat a introduit une mesure permettant d'aider les familles modestes pour la prise en charge des frais de garde par des assistants maternels, à travers un dispositif de tiers payant. Cette mesure bénéficiera en particulier, là encore, aux familles monoparentales.

Le titre III du projet de loi comporte des dispositions relatives à la protection des femmes contre les violences et les atteintes à leur dignité.

D'abord, le principe d'une formation de tous les professionnels – policiers, gendarmes, magistrats, avocats, médecins – amenés à être en contact avec une femme victime de violences est acté. Il s'agira d'un module obligatoire, en formation initiale et continue.

L'article 10 permet la généralisation du dispositif téléphone portable « grand danger » remis aux femmes victimes de violences conjugales. Ce dispositif, expérimenté dans quelques territoires, s'est révélé très utile car il permet aux femmes d'obtenir l'intervention rapide des forces de sécurité. Le Sénat a étendu ce dispositif de téléprotection aux femmes victimes de viol. Cette mesure indispensable permettra de protéger les femmes victimes de viol qui habitent dans le même quartier que leur agresseur placé sous contrôle judiciaire.

L'article 7 renforce le dispositif de l'ordonnance de protection. D'abord, il porte de quatre à six mois la durée maximale de celle-ci. Ensuite, il affirme l'objectif d'une délivrance de cette ordonnance dans les meilleurs délais.

L'article 8 met fin à la médiation pénale dans les cas de violences commises au sein du couple.

L'article 9 affirme le principe de l'éviction du conjoint violent du logement du couple.

L'article 14 permet aux femmes étrangères victimes de violences conjugales ou de la traite des êtres humains d'être dispensées des taxes et droits de timbre liés au séjour, qu'il s'agisse d'une primo-délivrance ou d'un renouvellement de titre de séjour. Ces femmes pourront ainsi, une fois les freins économiques levés, régulariser plus facilement leur situation.

L'article 15 prévoit la possibilité pour le procureur de la République de demander à l'auteur d'une infraction de suivre à ses frais un stage de responsabilisation pour la prévention et la lutte contre les violences au sein du couple. Ce stage, prononcé à titre de peine complémentaire ou alternative, constituera une réponse pédagogique visant à dissuader l'auteur de s'enfermer dans un déni ou de renverser la responsabilité. Cette mesure, à laquelle je tiens beaucoup, permettra de contribuer à la prévention de la récidive.

Le titre III comporte également des dispositions visant à protéger les femmes contre les atteintes à leur dignité. Ainsi, le Conseil supérieur de l'audiovisuel sera chargé de veiller à une juste représentation des femmes dans les programmes, à l'image des femmes dans ces programmes et à l'égalité, en luttant notamment contre la diffusion de stéréotypes sexistes. Ces mesures amèneront les chaînes de télévision et de radio à s'interroger sur les messages diffusés dans le cadre des programmes destinés à la jeunesse, par exemple, sachant que les stéréotypes sont à la base d'un grand nombre d'inégalités.

Enfin, le titre IV vise à mettre en oeuvre l'objectif constitutionnel de parité.

D'abord, le Gouvernement a souhaité durcir les règles applicables en matière de parité, en doublant les sanctions applicables aux partis politiques ne respectant pas cet objectif. Ensuite, le principe de parité est étendu, dans le domaine des responsabilités sociales et professionnelles, aux fédérations sportives, chambres de commerce et d'industrie, chambres d'agriculture, autorités administratives indépendantes, notamment.

J'en viens aux modifications apportées par le Sénat à ce projet de loi.

La première concerne l'interdiction des concours de mini-miss, sujet qui a fait couler beaucoup d'encre. La sénatrice Chantal Jouanno a proposé cette mesure qu'elle avait défendue dans son rapport de 2012 sur l'hypersexualisation des petites filles. L'article 17 ter (nouveau) introduit par le Sénat interdit l'organisation de concours de beauté pour les enfants de moins de seize ans, sous peine de deux ans d'emprisonnement. De son côté, le Gouvernement préférerait une protection des petites filles contre les manifestations à visée commerciale par le biais d'un système déclaratif auprès de la préfecture, laquelle pourrait refuser la tenue d'une telle manifestation au cas où elle ne garantirait pas la dignité de ces enfants. Je m'interroge en effet sur la constitutionnalité de la disposition sénatoriale. Peut-être serait-il possible d'opérer une distinction en fonction de l'âge de l'enfant. À titre personnel, je choisirais l'interdiction pour les enfants de moins de treize ans, et un système déclaratif et d'autorisation, assorti de garanties suffisantes, pour ceux de plus de treize ans.

La seconde disposition introduite par le Sénat – contre l'avis du Gouvernement – vise à privilégier la garde alternée pour l'enfant en cas de séparation des parents, autrement dit à introduire un automatisme dans le prononcé de ce mode de garde par le juge. J'y suis totalement défavorable car, en la matière, c'est l'intérêt supérieur de l'enfant qui doit prévaloir et le juge ne doit pas avoir les mains liées. En outre, la question de la garde alternée sera traitée dans le futur texte de loi relatif à la famille. Aussi le Gouvernement vous demandera-t-il de supprimer cette disposition votée par le Sénat.

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