Merci. Je souhaiterais réagir sur l'affaire de la mémoire. Il est difficile de distinguer la mémoire de l'histoire car la mémoire est de l'histoire. Autrement dit, la nation algérienne ne s'est créée qu'au moment de la colonisation. Avant, il n'y avait rien sauf quelques civilisations, quelques peuples et quelques peuplades. Abdel-Kader, le premier grand homme de l'Algérie, fédéra les troupes autour de lui contre la France : la nation algérienne a démarré ce jour-là. C'est très difficile de distinguer la mémoire et l'histoire.
La conviction que j'ai, c'est qu'il ne faut surtout pas se focaliser sur ce sujet. On a vu la façon dont il a ressurgi à chaque fois : il a suffi d'une petite étincelle pour que les choses soient de nouveau dramatiques. En 2005, c'est l'affaire de la contribution positive de la colonisation qui a plombé la fin du quinquennat de Jacques Chirac ; plus récemment, ça a été l'affaire du diplomate algérien arrêté par erreur et détenu pendant un an, qui a miné la fin du quinquennat de Nicolas Sarkozy. J'espère qu'il n'y aura pas de nouveau une étincelle qui plombera le voyage plutôt réussi de François Hollande il y a quelques mois, même si je sais qu'elle peut se produire à tout moment. Il ne faut surtout pas s'arrêter sur les questions de mémoire, extrêmement délicates, et il faut continuer à avancer, à petits pas, dans notre relation avec l'Algérie.
L'affaire du Sahel en Algérie est traitée par l'Armée, tout comme le fut l'attaque de la raffinerie.
Sur l'affaire économique, il ne faut pas être naïf ou idéaliste. Il faut simplement être très pragmatique : ce qui se passe en Algérie, comme c'est le cas dans de nombreux pays arabes et ailleurs, c'est que pour faire de bonnes affaires, il faut être bien connecté. En l'espace de 15 ans, la part de marché française en Algérie est passée de 25 à 15% alors même qu'elle a augmenté en volume. Qui ont pris les parts de marché perdues ? C'est la Chine, la Turquie et quelques autres pays. Ces pays-là ne respectent aucunes règles de l'OCDE. Cela permet de répondre dans des conditions plus favorables aux appels d'offre lorsqu'ils ont cours.
Si le domaine de l'agroalimentaire est très important, le domaine dans lequel notre participation pourrait être essentielle est le tourisme. L'Algérie est un pays exceptionnellement beau, il y a un millier de kilomètres de front de mer et un arrière-pays superbe. C'est très curieux de voir qu'il n'y a que très peu de tourisme. Il pourrait représenter pour l'Algérie une manne extraordinaire et c'est le secteur économique qui pourrait déboucher sur une ouverture politique du pays.
Un dernier point concernera la problématique des femmes et des jeunes. Concernant les droits des femmes, l'Algérie a fait un peu comme le Maroc : à la dernière élection de l'Assemblée populaire, je crois que 30% de femmes ont été élues. Les lois concernant les femmes, elles, n'ont cependant absolument pas changé. S'il n'y a pas tellement de polygamie en Algérie, ce sont surtout les lois sur l'héritage qui sont problématiques : un fils a le droit à une part entière tandis qu'une fille n'a le droit qu'à une demi-part. Ce système évolue très doucement. L'Algérie bénéficie d'une jeunesse remarquable : il y a un désir évident d'échanger, d'apprendre et de pouvoir accéder aux universités. La France accueille aujourd'hui 25.000 étudiants algériens par an, ce qui représente le troisième plus grand nombre d'étudiants étrangers après les Marocains et les Chinois. Je pense que c'est une bonne chose : nous préconisons de faciliter la venue de jeunes étudiants algériens en nombre supérieur en France afin qu'ils puissent ensuite retourner chez eux.
En conclusion, je crois en effet que l'ouverture de l'Algérie se fera plus par le domaine économique que par le domaine politique. Ce dernier va évoluer, inexorablement mais difficilement. En revanche, le pays peut s'ouvrir rapidement par l'économie.