Intervention de Pierre Lellouche

Réunion du 15 octobre 2013 à 17h00
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Lellouche :

Nous avons déjà eu un incident sur la négociation transatlantique Europe – Etats-Unis où l'Assemblée nationale a été privée de débat sur le mandat de négociation de la Commission européenne. Un mandat a été donné à l'aveugle, non pas à M. De Gucht mais à son successeur. Je trouve cette décision choquante en termes de contrôle, qui relève de notre mission. La négociation transatlantique commence, elle concerne des centaines de milliers d'emplois dans tous les secteurs et cette Assemblée nationale n'aura pas eu l'occasion d'en parler.

Sur le prélèvement européen, la France va dépenser 22,2 milliards d'euros dans un budget contraint avec toutes les difficultés qu'on connaît et l'Assemblée nationale n'en discutera pas davantage. Je suis profondément scandalisé par ces méthodes parce qu'il revenait au gouvernement d'inscrire ce débat. Le débat du 29 octobre n'est pas une réponse à cette affaire et ne correspond pas du tout aux promesses démocratiques qui avaient été annoncées par votre camp à la veille des élections. Ce nouveau budget en réduction est aussi un désaveu majeur par rapport aux engagements du candidat Hollande qui avait promis de réorienter l'Europe, de repartir sur une politique de croissance, de faire des Eurobonds et de relancer la croissance par la dépense publique et le budget européen. En définitive, le compte n'y est pas et il y a là aussi un dur apprentissage de la réalité, un aveu d'impuissance que l'on retrouve devant le rabais britannique.

J'ai moi aussi, comme Mme Guigou, eu la responsabilité des affaires européennes et au moment du démarrage de la discussion sur les perspectives budgétaires, j'avais été très clair sur le fait que nous ne conserverions pas le rabais britannique. Par quel miracle est-il encore là et qu'en plus a été ajouté le rabais danois ? Il y a dû avoir un certain nombre de concessions mais je ne vois pas ce que nous avons obtenu en échange.

Je souhaiterai dire deux choses sur les dépenses. Premièrement, sur les dépenses en termes de fonctionnement, il est inconvenant qu'au moment où la même Commission demande aux Etats de se serrer la ceinture, les frais administratifs et de personnel ne cessent d'augmenter dans la machinerie européenne aussi bien au sein de la Commission que du Parlement européen. Je rappelle que ce dernier demandait des augmentations des dépenses de fonctionnement de près de 6% !

Deuxièmement, l'expérience de la politique étrangère européenne commune était une belle et grande idée. Seulement, après le mandat de cinq ans de Mme Ashton, cette politique s'est avérée très chère et le résultat n'est pas non plus au rendez-vous. Existe-t-il des instruments d'évaluation ? Ce que j'en ai vu, c'est que le coût de ces ambassades européennes est très supérieur à toutes les ambassades de l'Union, ou en tous cas aux nôtres. Au regard des résultats de cette politique, je me demandais si cette gabegie pouvait continuer dans l'indifférence absolue.

Sur l'aide au développement, j'ai aussi un léger problème. Vous avez rappelé tout à l'heure que la contribution française ne représente pas moins de 16-17% du budget européen. Quand l'Union européenne plante son drapeau au titre de l'aide au développement quelque part, le contribuable français participe donc à hauteur de 17% environ, en plus des dépenses de sécurité que la France a tendance à assurer. Cela fait beaucoup d'argent en échange de rien. On oublie que beaucoup de cet argent est français. Se pose donc une vraie question : si vous voulez que ce budget de 22 milliards d'euros soit accepté par les Français, plutôt qu'être dissimulées, je crois qu'il faudrait qu'on ait un retour en termes de visibilité des dépenses effectuées avec ces sommes.

Enfin, je ferai une dernière remarque pour répondre à Mme Guigou. Il y a un vieux débat sur les ressources propres et donc sur l'impôt européen. Le président de la Commission du budget du Parlement européen, M. Lamassoure, est un virulent avocat des ressources propres. Je suis très réservé sur cette affaire. Nous souffrons déjà d'un ras-le-bol fiscal et je ne pense pas qu'il faille laisser la porte ouverte à la possibilité de lever l'impôt par le Parlement européen. De plus, donner le droit au Parlement européen de lever l'impôt ferait passer l'Union européenne dans un système fédéral. Y a-t-il un consensus dans notre pays pour passer à un système fédéral ? Je vous avoue que je n'ai jamais été d'accord avec M. Lamassoure sur le sujet.

Pour toutes ces raisons, je trouve que ce budget est comme souvent bancal. On aurait pu je crois avoir utilement une séance de travail pour au moins voir les positions des partis politiques français sur ces grands sujets : la nécessité des ressources propres, celle de continuer à dépenser de l'argent sur la politique étrangère commune s'il n'y en a pas…

Vous comprendrez qu'on ne puisse pas soutenir une contribution qui n'est pas satisfaisante.

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