Intervention de Estelle Grelier

Réunion du 15 octobre 2013 à 17h00
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaEstelle Grelier, rapporteure pour avis :

La Commission des affaires européennes s'est toujours dite très déçue, dans ses différents rapports, des négociations sur le cadre financier pluriannuel, et Jacques Delors n'a fait que constater la fin des derniers espoirs que l'on pouvait entretenir. Quand on sait son amour pour le projet européen, on ne peut qu'être saisi par ses déclarations. Il a parlé dans son entretien à France Inter d'un budget « riquiqui » et en disant : « C'est la déception la plus grande que j'ai eue ». La vision étriquée qui a inspiré l'accord final a également désespéré les parlementaires européens.

Si la décision est désormais prise par eux et par le Conseil, sur proposition de la Commission, le Parlement européen a eu des difficultés à trouver ses marques, en particulier pour ses premiers budgets. Je rappelle qu'il négociait les engagements et les États les paiements, c'est-à-dire l'argent frais, ce qui a conduit à des jeux de dupe. Le Parlement européen n'a pas eu la volonté d'engager un bras de fer en la matière et c'est une faute originelle que l'on va continuer à payer longtemps. J'ai été frappée, lorsque j'ai assisté à la première négociation dans le cadre de cette procédure, par la domination du Conseil sur les enjeux budgétaires et par la faiblesse des parlementaires européens, qui avaient du mal à s'organiser. Il y a une dynamique infernale entre la Commission et le Conseil, même si la Commission elle-même voit bien qu'elle aura du mal à financer les politiques dont elle a déjà la charge.

Avec les prochaines échéances européennes, les tribunes se multiplient et beaucoup d'idées circulent, tout le monde se saisissant de ces thématiques, mais on voit mal, au-delà des incantations, par quelles politiques on pourrait faire évoluer l'orientation de l'Union européenne. Européenne convaincue, je trouve que l'on n'est pas assez ferme sur des propositions qui pourraient intéresser nos concitoyens. Les questions budgétaires passent au second plan, alors qu'elles sont l'instrument de mobilisation du projet européen.

Le budget doit traduire les politiques, oui, et il doit être remis à plat, mais il faudra le faire à 28 et quasiment à l'unanimité, notamment en ce qui concerne l'institution de ressources propres. Sur ce point, nous avons connu un revers lorsque les Allemands ont annoncé que la taxation sur les flux financiers en procédure de coopération renforcée ne devenait pas, selon eux, une ressource propre. Ils entendent en maîtriser le produit et l'affectation. J'ajoute que nous avons déjà utilisé à de nombreuses reprises les ressources propres avant de les avoir installées. Il faut revoir la question sur des bases plus dynamiques. C'est un vrai sujet, car le système de financement sur la base de contributions strictement nationales a vécu.

S'agissant de l'idée d'un budget spécifique de la zone euro, je rappelle que son contrôle parlementaire n'est pas aujourd'hui établi. Il faut par ailleurs se méfier de politiques budgétaires qui seraient extrêmement intégrées dans la zone euro, mais pas ailleurs.

Quant à la règle de l'unanimité, chacun s'accorde à dire qu'il ne s'agit pas du meilleur moyen de construire la démocratie européenne, mais aussi qu'il est compliqué de changer de traité dans l'état actuel de l'opinion. Or, pour modifier cette règle, il le faudrait. On est donc un peu prisonnier. Un rééquilibrage important serait toutefois utile, tant pour le mode de fonctionnement de la Commission que pour le poids du Parlement européen, seul représentant du peuple européen.

Avec la question du service européen d'action extérieure, on touche vraiment à la duplicité des Etats-membres lorsqu'il s'agit d'assumer les décisions qu'ils ont prises. L'idée de créer un poste de vice-président de la Commission européenne pour imposer l'Europe dans le monde avait fait l'objet d'une mobilisation quasi-générale. Lorsque Mme Ashton a demandé des services, l'idée a été avancée, compte tenu du coût, de mutualiser les ressources dans les pays tiers par la création d'une seule ambassade, mais les Etats ont voulu conserver leur souveraineté diplomatique en maintenant leurs propres ambassades. La diplomatie européenne a donc un coût. En 2014, il s'élèvera à 525 millions d'euros – 518 millions dans la position du Conseil –, contre 509 en 2013. Il a augmenté, notamment du fait du recrutement de diplomates – le SAEA comptera en 2014 1 661 emplois – même si un fléchissement est constaté.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion