Intervention de Benoît Hamon

Réunion du 19 novembre 2013 à 17h00
Commission des affaires économiques

Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommatio :

Je vous remercie Monsieur le Président. Le projet de loi relatif à la consommation a été enrichi par le Sénat de plusieurs dispositions sur lesquelles je souhaite revenir rapidement. Le travail de la Haute assemblée a permis de prolonger certains débats entamés par l'Assemblée nationale, par exemple au sujet de l'étiquetage de la viande dans les plats préparés, qui a été abordé lors d'une visite auprès de la Commission européenne d'une délégation associant le Gouvernement et des parlementaires.

Le Sénat a modifié la première grande disposition du projet de loi, relative aux actions de groupe, qui suscite à la fois beaucoup d'espérance et, comme tout ce qui est nouveau, beaucoup d'inquiétudes – trop, probablement. La procédure que vous avez choisie reste centrée sur la réparation du préjudice économique, qu'il s'agisse de litiges courants en matière de consommation ou de ceux portant sur des pratiques anticoncurrentielles. Dès l'origine, nous avions en effet choisi d'écarter du champ d'application du projet de loi les préjudices corporels et moraux. L'action de groupe ne s'appliquera donc ni à la santé ni à l'environnement. Pour autant, comme je l'ai répété à plusieurs reprises, le Gouvernement ne cherche pas à clore le débat sur ces sujets : il s'apprête à proposer – au début de l'année 2014 pour ce qui concerne la santé, un peu plus tard pour l'environnement – des procédures adaptées aux préjudices concernés.

Conformément à la procédure adoptée par l'Assemblée nationale et confirmée par le Sénat, l'action de groupe devra être introduite par une association nationale de consommateurs agréée. Il en existe aujourd'hui quinze – et non plus dix-sept, car deux associations ont perdu l'agrément faute de bénéficier d'une représentativité suffisante. L'intervention de l'association permettra de soulager les consommateurs des frais et de l'énergie indispensables à la conduite d'une telle action judiciaire. S'il établit la responsabilité du professionnel, le juge fixera le montant de la réparation à allouer à chacun ces consommateurs, déterminera les modalités de sa liquidation et décidera de la publicité à donner au jugement afin de permettre aux consommateurs de manifester leur volonté de rejoindre le groupe en donnant leur consentement à la réparation proposée.

La discussion en première lecture a été l'occasion d'améliorer l'efficacité et le caractère opérationnel du schéma de l'action de groupe, ce qui a entraîné un débat avec les parlementaires de l'opposition – à l'Assemblée mais aussi au Sénat –, notamment sur les voies de liquidation accélérées. Il s'agit selon nous d'un apport important de la discussion parlementaire. Dans le champ de la concurrence, je rappelle qu'une exécution provisoire est rendue possible dès la première instance, afin de répondre au risque de déperdition des preuves. Les députés ont également prévu l'application d'une procédure de liquidation accélérée lorsque les consommateurs concernés ont été identifiés au préalable, notamment par le biais d'un fichier clients. Il sera ainsi possible de les indemniser plus rapidement.

Le Sénat a encore réduit le risque de déperdition des preuves en permettant au juge de prendre toutes les mesures nécessaires à leur conservation et en autorisant le lancement d'une action de groupe avant que la décision de l'Autorité de la concurrence ne soit devenue définitive.

Le deuxième grand chapitre de ce texte vise à offrir aux consommateurs des gains de pouvoir d'achat en agissant notamment de façon plus efficace sur les dépenses contraintes. Ainsi, en matière d'assurance, la loi rendra possible la résiliation infra-annuelle des polices multirisques habitation et responsabilité civile automobile dès le terme de la première année. Ce nouveau droit, plébiscité par plus de huit Français sur dix, permettra de fluidifier le marché, de mieux faire jouer la concurrence et donc d'améliorer les offres proposées. La lutte contre le défaut d'assurance en matière d'assurance obligatoire n'est pas oubliée, dans la mesure où la preuve de la souscription d'une nouvelle police sera exigée pour pouvoir résilier la précédente en cours d'année.

Les débats parlementaires ont conduit à l'adoption de mesures destinées à favoriser la mobilité bancaire grâce à la prise en charge par les banques du transfert vers le nouveau compte de toutes les opérations – virements, prélèvements – que le consommateur aura lui-même désignées. L'Assemblée nationale a par ailleurs voté le principe d'un rapport sur les modalités de mise en oeuvre ce que l'on appelle la portabilité du numéro de compte – une petite révolution dans l'univers bancaire. Cette mesure permettrait à chacun d'entre nous de garder le même numéro de compte tout au long de sa vie. Nous pourrions ainsi, comme c'est déjà le cas dans la téléphonie, passer facilement d'un établissement à l'autre et bénéficier des offres et services les plus intéressants. Certes, nous n'en sommes pas là, mais le chantier est désormais ouvert.

Le projet de loi tend également à améliorer l'information du consommateur sur la garantie légale et la disponibilité des pièces détachées nécessaires à la réparation d'un bien, afin que la consommation soit plus responsable et davantage génératrice d'emplois. Il s'agit ainsi de rééquilibrer les relations entre producteurs, importateurs et distributeurs actifs dans le service après-vente et de favoriser la structuration des filières du recyclage, du réemploi et de la réparation. J'y suis particulièrement sensible en tant que ministre de l'économie sociale et solidaire, puisque ces filières sont déjà largement organisées autour du secteur de l'insertion par l'activité économique. Une des mesures importantes de la Conférence environnementale est ainsi intégrée au projet de loi.

En ce qui concerne la présomption d'antériorité du défaut de conformité, le projet de loi proposait de porter le délai de six mois à un an. Le Sénat l'a allongé à dix-huit mois en commission, puis à deux ans en séance publique. J'espère que l'Assemblée confirmera une disposition qui a reçu le soutien du Gouvernement.

Par ailleurs, la loi va étendre aux produits manufacturés la protection offerte par les indications géographiques. Nous avons recensé plus de 80 productions manufacturières susceptibles de bénéficier d'une telle appellation, ce qui permettra de protéger les savoir-faire, le made in France associé à nos territoires. J'espère que vous contribuerez à donner le maximum de publicité à cette mesure décisive pour le maintien de l'emploi local.

Quatrième grand chapitre du projet de loi, le renforcement du rôle joué par l'État de garant de l'ordre public économique. Alors que s'entame un cycle de négociations commerciales entre la grande distribution et ses fournisseurs, les agriculteurs souhaitent peser sur les discussions. Au-delà des améliorations législatives contenues dans le projet, il convient de se prémunir contre toute tentation d'infraction à la loi. Nous avons donc modernisé les moyens d'action de l'administration, aggravé les sanctions et instauré des sanctions administratives comme alternatives aux sanctions pénales.

En ce qui concerne le crédit, l'accord obtenu au Sénat, s'il ne coïncide pas exactement avec le point d'équilibre trouvé devant votre assemblée, le conforte néanmoins. La Haute assemblée a confirmé, et je m'en réjouis, la création du registre national du crédit aux particuliers. Toutefois, conformément aux résultats du travail d'expertise que nous avons réalisé avec le Conseil d'État et la CNIL, nous avons exprimé un avis défavorable à tout amendement susceptible de compromettre le caractère proportionné de l'existence d'un tel fichier par rapport au but poursuivi, la lutte contre le malendettement et le surendettement.

En échange d'un avis favorable à une déliaison partielle entre carte de fidélité et crédit renouvelable, le Gouvernement a émis un avis favorable à une limitation à sept ans de la durée des plans de désendettement des ménages – l'Assemblée nationale avait ramené cette durée de huit à cinq ans – et à une suspension du crédit renouvelable au terme d'un an d'inactivité, plutôt que d'imposer une clôture sèche après un délai réduit de deux à un an par l'Assemblée.

Le rééquilibrage des relations économiques et commerciales entre les entreprises, et notamment entre la grande distribution et ses fournisseurs, est un sujet particulièrement sensible abordé par le projet de loi, en particulier pour les PME du secteur agroalimentaire. Le choix du Gouvernement a toujours été de ne pas modifier fondamentalement l'équilibre de la loi de modernisation de l'économie – LME –, tout en veillant à ce qu'elle soit respectée dans les faits et à ce que des améliorations soient apportées quand cela est possible. Nous avons donc introduit une clause de renégociation obligatoire dans les secteurs où l'on constate une volatilité importante des prix. Il est essentiel, en effet, de soutenir les productions agricoles qui voient, à prix constant, leurs marges rognées par l'augmentation du coût des intrants.

Il reste cependant à déterminer le formalisme contractuel nécessaire pour permettre à la DGCCRF de faire son travail et d'assigner, lorsqu'elle constate un déséquilibre significatif, une entreprise qui profite d'un rapport de forces disproportionné avec ses fournisseurs pour ne pas respecter les termes de la loi.

Diverses mesures sectorielles ont par ailleurs été introduites par vous-même ou par les sénateurs. Dans la restauration, alors que vous aviez souhaité rendre obligatoire l'inscription de l'appellation « fait maison », le Sénat l'a rendue facultative, tout en adoptant des dispositions destinées à en inciter l'usage. Il vous reviendra de choisir la meilleure formule.

Le Sénat a par ailleurs souhaité supprimer le monopole de distribution de certains dispositifs médicaux. Sur certains produits exclusivement distribués en pharmacie, comme les tests de grossesse, les prix pratiqués en France sont en effet entre 30 et 40 % supérieurs à ceux constatés dans les pays voisins. Le Gouvernement a donné un avis favorable à la vente de tels produits ailleurs qu'en officine. La mesure prise par le Sénat est discutée – les professionnels s'en sont émus, au contraire des mouvements féministes qui tendent à l'approuver –, mais outre l'avantage qu'elle représentera en termes de pouvoir d'achat, elle nous semble de bon sens : il est plus simple – notamment pour une jeune femme – d'acheter un test de grossesse dans une grande surface plutôt que dans une pharmacie.

Dans le but de protéger des personnes déjà économiquement fragilisées, le Gouvernement a également donné un avis favorable à un amendement du groupe socialiste au Sénat interdisant la facturation de frais de rejet de prélèvement par les opérateurs de services essentiels – eau, électricité, télécommunications –, en plus des frais déjà perçus par les banques.

Enfin, le Sénat a adopté un amendement – auquel le Gouvernement ne pouvait donner un avis favorable – prolongeant le combat porté par plusieurs députés siégeant sur tous les bancs en faveur d'un étiquetage de l'origine de la viande dans les plats préparés. La France est ainsi le premier pays à en avoir inscrit le principe dans la loi. Le Gouvernement est également favorable à une telle évolution sous réserve qu'elle ne soit pas en contradiction avec la législation européenne, ce qui nous exposerait au paiement d'amendes.

La prochaine étape, dans ce dossier, est donc la réunion du conseil AGRI, le conseil européen sur l'agriculture et la pêche. La France a pesé pour que le rapport des commissaires sur le sujet soit revu et pour qu'il propose plusieurs scénarios. À cet égard, la visite effectuée par les députés et sénateurs français auprès de la Commission a été déterminante. Tout l'enjeu est désormais d'éviter que ne soit renvoyée à plus tard l'adoption de toute mesure favorisant la transparence et la traçabilité dans la fabrication de plats préparés. Stéphane Le Foll et moi-même nous rendrons ensemble au conseil AGRI pour défendre le principe d'un étiquetage, quitte à admettre la fixation de seuils.

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