Intervention de Christian Eckert

Réunion du 20 novembre 2013 à 17h15
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristian Eckert, rapporteur général :

Ce projet de décret d'avance ouvre 742,5 millions d'euros en autorisations d'engagement et 1,128 milliard d'euros en crédits de paiement sur 15 programmes de 11 missions du budget général. Il s'agit d'ouvertures nettes de crédits de paiement. Les ouvertures brutes de crédits de paiement s'élèvent à 1,338 milliard d'euros comme indiqué dans le dossier de presse du Gouvernement sur le projet de loi de finances rectificative.

La différence vient du fait que les ouvertures brutes sur le titre 2, d'un montant de 576 millions d'euros, sont minorées des annulations réalisées sur ce même titre 2, à hauteur de 210 millions d'euros, pour deux raisons :

– un recyclage classique des marges identifiées sur le CAS Pensions en fin d'année de 63 millions ;

– une opération technique réalisée sur le CAS Pensions des personnels civils des ministères consistant à réduire de 30 points le taux de CAS afin d'éviter la constitution d'un excédent de 2 milliards d'euros à la fin de l'année. Cette opération technique conduit à diminuer de 873 millions d'euros les crédits du CAS dont 146,8 millions dans le présent décret d'avance. Cette opération est neutre sur la norme de dépenses « zéro valeur », car comme vous le savez les charges de pensions en sont exclues, et neutre sur le solde budgétaire, car de moindres recettes sont inscrites en miroir au niveau du CAS Pensions dans le PLFR.

Les ouvertures nettes de crédits de paiement proposées dans ce projet de décret d'avance concernent principalement le ministère de la défense, pour un montant de 578 millions, la masse salariale de l'État hors OPEX (opérations extérieures), pour un montant de 217 millions, la politique de l'emploi pour 211 millions d'euros et l'hébergement d'urgence à hauteur de 100 millions d'euros.

Il n'a pas d'impact sur l'équilibre budgétaire puisque l'ensemble des ouvertures de crédits est compensé par des annulations à due concurrence sur 14 missions et 31 programmes du budget général.

Je vous précise que j'analyserai en détail l'ensemble des ouvertures et annulations de crédits prévues par le décret d'avance et le PLFR (projet de loi de finances rectificative) dans mon rapport sur ce projet de loi qui sera publié à la fin de la semaine prochaine.

Comme d'habitude, notre commission doit rendre un avis formulant des observations articulées autour de trois questions traditionnelles, posées notamment par l'article 13 de la LOLF (loi organique relative aux lois de finances) :

1.– Les ouvertures de crédits proposées sont-elles bien inférieures à 1 % des crédits ouverts en loi de finances initiale et les annulations de crédits sont-elles inférieures à 1,5 % des crédits ouverts en LFI et LFR de l'année ?

En l'espèce, la réponse est positive étant donné que les ouvertures et annulations en AE (autorisations d'engagement), qui s'équilibrent, sont égales à 0,8 milliard d'euros et à 1,128 milliard d'euros en CP (crédits de paiement), soit 0,25 % des crédits ouverts en AE et 0,38 % des crédits ouverts en CP en LFI 2013, qui n'ont pas été modifiés à ce stade par une LFR, malgré votre souhait, Monsieur le Président.

2.– Y-a-t-il urgence à ouvrir ces crédits ?

Sur les OPEX, le montant total du dépassement de crédits s'élève à 627 millions d'euros dont, 578 millions d'euros sont couverts par le présent décret d'avance et 49 millions d'euros par fonds de concours. Sur les 578 millions d'euros proposés dans le présent décret, 149 millions portent sur des dépenses de rémunération (titre II). Au total, les dépenses entraînées par les opérations extérieures du ministère de la défense s'élèvent en 2013 à 1,2 milliard d'euros en 2013 contre une prévision de 630 millions d'euros.

Deux observations s'imposent :

– c'est le montant le plus élevé enregistré depuis 10 ans, même s'il se rapproche du montant observé en 2011 du fait de l'opération Harmattan en Lybie, qui ne s'élevait cependant qu'à 1 171 millions d'euros, si j'ose dire. Depuis 2008, le surcoût annuel des OPEX a systématiquement été supérieur à 830 millions ;

– cette situation s'explique essentiellement par le lancement le 11 janvier 2013 de l'opération Serval au Mali, qui représente à elle seule la moitié des dépenses de l'année soit 647 millions d'euros, et qui par définition ne pouvait pas être anticipée en LFI 2013. En revanche, les dépenses en Afghanistan ont été réduites de moitié conformément aux engagements du Gouvernement – 259 millions d'euros contre 485 millions d'euros en 2012 – et sont maintenues à un niveau stable au Tchad à hauteur de 107 millions d'euros contre 109 millions en 2012.

Force est de constater que si la France n'avait pas participé à l'opération Serval, la budgétisation initiale des OPEX aurait donc été suffisante.

Le caractère aléatoire des opérations engagées après le vote de la LFI justifie donc le recours à un décret d'avance, sans qu'il soit possible d'attendre la publication de la LFR de fin d'année compte tenu de la nature des dépenses engagées : l'interruption des paiements pourrait porter atteinte à la continuité des opérations et à la sécurité des personnels engagés.

En revanche, au regard de l'exécution 2013, l'on peut s'interroger sur la pertinence de la réduction de l'enveloppe annuelle consacrée aux opérations extérieures dans la loi de programmation militaire en cours d'examen parlementaire et le PLF pour 2014, qui ne représente que 450 millions d'euros contre 630 millions d'euros en 2013. Si cette réduction de l'enveloppe est cohérente avec un certain nombre de décisions de désengagement opérationnel, à commencer par le retrait des forces d'Afghanistan et la réduction du dispositif français au Mali, elle reste cependant très inférieure à la moyenne des surcoûts constatés depuis 10 ans.

Il faut néanmoins rappeler qu'à compter de 2014, les surcoûts résultant d'OPEX nouvelles, c'est-à-dire non prévues en LFI, devront être compensés par le recours à la solidarité interministérielle et non sur le budget du seul ministère de la Défense.

Sur la masse salariale : les dépassements bruts, hors OPEX, s'élèvent à 427 millions d'euros, soit moins de 0,5 % des crédits initiaux de la masse salariale, ce qui démontre l'amélioration de la budgétisation initiale et la tenue des objectifs de réduction des dépenses catégorielles. Les dépassements nets totaux s'élèvent à 366 millions d'euros et 217 millions d'euros hors OPEX.

L'essentiel du dérapage constaté concerne le ministère de la Défense, principalement en raison des dysfonctionnements du logiciel Louvois, pour 180 millions d'euros, qu'il faut continuer de déplorer mais qui seraient en cours de résolution selon le ministre du Budget. De manière résiduelle, les dérapages s'expliquent aussi en raison du dynamisme de certaines dépenses de guichet : indemnisation chômage des anciens militaires et indemnisation au titre des victimes de l'amiante.

Le solde résulte de légers « dérapages » sur d'autres ministères, comme, traditionnellement, celui des Affaires étrangères, à hauteur de 22 millions d'euros en raison des variations de change, ou ceux de l'Écologie pour 8,9 millions d'euros et de l'Intérieur pour 5,7 millions d'euros, en raison des aléas de fin de gestion et du rattachement des dépenses de personnel relevant du programme Sécurité et éducation routières à la mission Sécurité et non plus à la mission Écologie.

Compte tenu de la nécessité de verser les rémunérations du mois de décembre, l'ouverture de ces crédits est urgente et ne peut attendre la publication de la LFR le 30 ou 31 décembre prochain.

Sur les crédits en faveur de la politique de l'emploi, l'on est amené à constater un accroissement de 227 millions d'euros par rapport à la prévision. Toutefois, cette dépense résulte des mesures adoptées par le Gouvernement dans le courant de l'année 2013, et qui ne pouvaient donc être anticipées, pour :

– augmenter le nombre de contrats aidés afin de lutter contre le chômage : au total, le nombre de contrats aidés est passé de 340 000 en LFI 2013 à 432 000 en fin d'année 2013. Les créations d'emplois sont d'ailleurs concentrées dans les secteurs correspondant aux priorités du Gouvernement, en particulier l'Éducation nationale.

– augmenter la durée moyenne des contrats aidés pour qu'ils passent progressivement d'environ 7 mois à 12 mois afin d'améliorer l'offre de formation accompagnant ces contrats.

Il faut également souligner l'ouverture d'autorisations d'engagement pour le financement des contrats de génération, créés le 1er mars 2013, qui s'élèvent à 153,6 millions d'euros. Sont ainsi budgétés 12 000 euros par contrat, soit 12 805 contrats conclus d'ici la fin de l'année.

Sur les crédits en faveur du logement et de l'hébergement d'urgence, l'ouverture s'élève à 100 millions d'euros dont :

– 87 millions d'euros sur le programme 177 relatif à la prévention et à la lutte contre l'exclusion, dont 11,5 millions d'euros pour financer les dépenses d'allocation de logements temporaires versées aux associations chargées d'insérer dans le logement des personnes en difficultés, et 75,5 millions d'euros au titre des dépenses d'hébergement d'urgence, à raison de 64 millions d'euros au titre de remboursement d'avances de trésorerie en provenance d'autres actions du programme et de 11,5 millions d'euros de dérapage supplémentaire au titre des nuitées d'hôtel.

Ces dépenses s'ajoutent aux 107 millions d'euros ouverts par le dernier décret d'avance et aux 275 millions d'euros votés en LFI 2013, soit un total de 458 millions d'euros, ce qui est très supérieur aux années précédentes : 261 millions d'euros en 2009, 290 en 2010, 273 en 2011 et 305 millions d'euros en 2012. Cela représente une progression globale de 66 % par rapport aux crédits initiaux et de 50 % par rapport à l'exécution 2012.

– 13 millions d'euros de CP sur le programme 303, pour l'allocation temporaire d'attente versée aux demandeurs d'asile jusqu'à la décision de la CNDA les concernant, qui s'ajoutent aux 140 millions d'euros prévus en LFI, soit un dépassement d'environ 10 %. Cela résulte de l'augmentation du flux de demandeurs d'asile de 9,6 % depuis le début de l'année et des délais d'instruction qui demeurent élevés, à 15 mois environ.

Je rappelle que la LFI 2013 avait pourtant majoré les crédits en faveur de l'hébergement d'urgence du programme 177 et du programme 303 de 13 % par rapport à la LFI 2012. Cette hausse des crédits a permis la création de 500 nouvelles places d'hébergement en 2013. Elle devait également permettre de créer 1 000 places supplémentaires au sein des CADA, portant leurs capacités à 22 410 places.

Le dernier décret d'avance a quant à lui permis de financer les décisions prises dans le cadre du plan pauvreté, adopté le 21 janvier 2013, prévoyant la pérennisation et la création de 4 500 places en faveur de l'hébergement d'urgence en sortie d'hiver et le renforcement des outils de veille sociale.

Le Gouvernement avait toutefois annoncé dès la présentation de ce décret que de nouveaux besoins se feraient jour d'ici la fin de l'année, essentiellement en raison d'un effet volume entraînant une hausse du nombre de nuitées hôtelières.

Pour 2014, le Gouvernement a proposé un nouveau rebasage à la hausse de 111,1 millions d'euros des dépenses en faveur des divers dispositifs d'accueil, d'hébergement et d'hébergement de réinsertion, soit une progression de près de 10 % par rapport aux prévisions pour 2013. Cela étant, l'exécution 2013 peut nous faire craindre que cet effort reste malgré tout insuffisant.

Sur les autres ouvertures de crédits d'un montant mineur, je vous invite à vous reporter aux documents sur table.

3.– Quels sont les programmes et les missions faisant l'objet d'annulation de crédits ?

Le présent projet de décret d'avance propose d'annuler 1,128 milliard d'euros en AE et CP sur 14 missions et 31 programmes, dont 97 millions d'euros sur le titre 2 (masse salariale).

Les ministères contribuant le plus à ces annulations sont le ministère de la Défense, pour – 464 millions d'euros, le ministère de l'Écologie pour – 355 millions d'euros, le ministère de la Recherche pour – 175 millions d'euros, et le ministère de l'Intérieur pour – 91,5 millions d'euros.

Les annulations de crédits ont été réalisées selon deux principes :

– un principe d'auto-assurance, appliqué aux missions dont certains programmes étaient en dépassement qui sont prioritairement financés par les autres programmes de la mission ;

– un principe de solidarité : toutes les missions ont été mises à contribution afin de couvrir les ouvertures nécessaires au-delà de l'auto-assurance.

Au total, un milliard d'euros est annulé sur des crédits mis en réserve (90 %), ce qui est de bonne méthode et qui souligne l'intérêt de la réserve de précaution, dont le montant a été révisé à la hausse pour 2014 par rapport à la loi de finances initiale pour 2013. Le solde est annulé grâce à des économies de constatation.

Le projet d'avis qui vous est soumis reprend en résumé les observations que je viens de faire. L'avis doit être transmis au Conseil d'État dans les meilleurs délais.

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