Je ne reviendrai pas sur certains des propos tenus par Jean-Frédéric Poisson, sur lesquels je suis d'accord.
Ce texte se réduit comme une peau de chagrin : c'est dommage !
La question est de savoir si nos concitoyens souhaitent que soit reconnu en tant que tel leur refus de se prononcer en faveur d'un candidat au premier tour ou de choisir entre deux ou plusieurs candidats au second. Aujourd'hui, on utilise la formule des « suffrages valablement exprimés » : cela signifie que les électeurs qui ont mis dans l'urne un bulletin blanc, un bulletin nul ou pas de bulletin du tout sont considérés comme ne s'étant pas valablement exprimés – ce qui soulève un problème.
Je suis surpris qu'on en arrive à dire que le bulletin blanc a plus de valeur que le bulletin nul constitué, par exemple, par l'insertion dans la même enveloppe des bulletins des deux candidats pour lesquels on ne veut pas voter au second tour, mais cette question ne se pose plus à ce stade.
Il est important que l'on puisse clairement indiquer lors d'un premier tour ce que constitue la majorité absolue : si un candidat obtient 50,01 % des suffrages valablement exprimés mais que n'en font pas partie des votes d'électeurs s'étant déplacés pour aller voter, c'est un peu gênant. En revanche, si les électeurs savaient que ce résultat correspond à 49,8 % des suffrages exprimés intégrant les bulletins ne correspondant à aucun candidat, cela serait tout à fait différent et pourrait avoir pour conséquence d'obliger le prétendu élu du premier tour – et qui l'est légitimement aujourd'hui – à se présenter au second.
De même, pour le second tour de l'élection présidentielle, c'est par définition celui des deux candidats qui a le plus de voix qui est élu, car c'est lui qui a la majorité absolue dans la mesure où on se fonde sur les suffrages valablement exprimés. Mais on peut s'interroger – certains l'ont fait au sujet d'une récente élection présidentielle – sur le fait que l'élu légitime et incontestable du suffrage universel n'a peut-être pas eu la majorité absolue de l'ensemble des suffrages exprimés d'une manière ou d'une autre – ce qui ne pose aucun problème de légalité, mais peut commencer à en poser un en termes de légitimité.
Dès lors, je souhaite que ce texte soit adopté – même s'il a été beaucoup déprécié, ce que je regrette –, d'une manière qui ne soit pas une provocation à l'égard de nos électeurs. Car dire à nos concitoyens – comme le fait l'exposé des motifs d'un amendement présenté par un groupe politique – que, pour des raisons techniques liées à une application informatique, ce texte ne sera pas applicable aux élections se déroulant les 23 et 30 mars prochains, mais dès le 1er avril suivant, serait un mauvais poisson d'avril ! Je suggère aux auteurs de cet amendement d'être plus précis et d'avoir le courage d'écrire que la loi s'appliquera le lundi 31 mars au matin !
Reporter l'application de la loi au-delà des prochaines municipales serait grave, car ce serait un manque de courage et nos concitoyens risquent de considérer qu'on se moque d'eux – une fois de plus – sur des questions auxquelles ils sont de plus en plus sensibles.
Si vous voulez que le dispositif soit applicable pour les élections européennes, prévoyez une entrée en vigueur du texte le 1er juin ! Mais dans quelle situation serez-vous si le hasard du calendrier politique faisait que nous aurions une élection le 5 ou le 10 avril ? Nous ne serions plus dans le registre de la provocation, mais du ridicule !