Ce vibrant plaidoyer de notre collègue Guy Geoffroy en faveur du vote blanc est une nouveauté quand on regarde le cheminement de cette proposition de loi au sein de notre Assemblée – sachant qu'un texte ayant le même objet n'a pu être adopté lors de la précédente législature. Je rappelle que le groupe SRC est depuis longtemps favorable à la reconnaissance du vote blanc : dès 2003, une proposition de loi avait d'ailleurs été déposée par Laurent Fabius et Jean-Marc Ayrault à cette fin et vous-même, monsieur le président, avez été en effet plus récemment l'auteur d'un texte similaire.
Nous estimons en effet que voter blanc n'est pas s'abstenir – l'abstention consistant à ne pas exercer son droit, ou ne pas accomplir son devoir de citoyen. Ce n'est pas non plus voter nul, c'est-à-dire commettre une erreur, être victime d'une manipulation par le biais d'un signe distinctif, ou maculer des bulletins ou y écrire des insultes – qui constituent un comportement incivique et irrespectueux. Or on mélange cela avec la démarche d'un citoyen qui vient voter mais estime que l'offre politique qui lui est proposée ne lui convient pas. Nous considérons au contraire que cette démarche doit être prise en compte.
Cela étant, je ne crois pas que la reconnaissance du vote blanc aura un impact sur le taux de participation aux élections, ni qu'elle a vocation à en avoir un sur les votes extrêmes. Ce n'est d'ailleurs pas l'objet des modalités législatives d'organisation d'un scrutin ou de comptabilisation de ses résultats : cette question relève de la responsabilité des acteurs du débat public. En revanche, comptabiliser d'une manière spécifique le vote blanc est reconnaître qu'il s'agit bien de la manifestation d'un choix réfléchi de la part de l'électeur.
C'est la raison pour laquelle nous avons voté en faveur de cette proposition de loi, après que notre Assemblée y a apporté deux principales modifications.
La première consistait à ne pas comptabiliser les bulletins blancs parmi les suffrages exprimés. Si l'observation intéressante de Guy Geoffroy sur la question du premier tour mériterait qu'on y réfléchisse, je suis en désaccord sur la remise en cause de la légitimité d'un candidat qui, élu au second tour, n'aurait pas obtenu la majorité des suffrages bulletins blancs compris. Il s'agit d'un raisonnement dangereux et c'est d'ailleurs pour cette raison que nous avons écarté la comptabilisation des votes blancs dans les suffrages exprimés. En outre, il n'y a pas qu'en 2012 où, au terme du deuxième tour de l'élection présidentielle, le candidat élu n'aurait pas obtenu 50 % des suffrages bulletins blancs et nuls compris.
Nous avions aussi choisi collectivement de comptabiliser les enveloppes vides comme bulletins blancs, pour des raisons pratiques évidentes. Si on veut rendre opérationnelle cette faculté d'exercer un vote blanc, que tout le monde semble appeler de ses voeux, il n'est pas logique de contraindre l'électeur à se munir d'un morceau de papier blanc – d'ailleurs, comment appréciera-t-on qu'il est exactement blanc ? Ne serait-il pas bistre ? Serait-il du bon format ? La manière dont il est découpé ne constituerait-il pas un signe distinctif ? –, ni de mettre à la charge de l'administration l'obligation de lui en fournir. Nous avons donc déposé un amendement pour revenir à la version consensuelle issue de la première lecture à l'Assemblée.
S'agissant de la date d'application de la loi, nous savons tous que l'organisation logistique des élections municipales est lourde et l'administration ne peut la préparer que dans le cadre de la législation existante. Or certains éléments de cette préparation ont déjà été mis en oeuvre sans tenir compte de ce texte. En l'état actuel des choses, s'il est techniquement possible – et encore, pas si simplement qu'on peut l'imaginer – d'appliquer celui-ci pour les élections européennes, ce n'est pas le cas pour les municipales. Cela étant, si la date d'entrée en vigueur du 1er avril pouvait apparaître comme une provocation et qu'un amendement proposait de lui substituer celle du 1er juin, je serais disposé à l'adopter. Il n'y a pas de malice.
Il faut continuer à faire preuve d'esprit de consensus sur un texte qui doit, au bout du compte, correspondre totalement à l'esprit de ses initiateurs – ce qui n'est pas le sens retenu par le Sénat – et pouvoir être mis en oeuvre dans des délais convenables. N'essayons pas de créer une crispation artificielle ou des procès d'intention car, s'il avait été question d'opter pour une formule très rapide, le Sénat avait la possibilité de voter cette proposition de loi telle qu'elle a été adoptée en première lecture à l'Assemblée. Je ne vois pas pourquoi, alors que celui-ci l'a dégradée, nous l'accepterions sans modification.
En ce qui concerne l'ordre du jour parlementaire, il n'y a peut-être pas que dans le cadre des « niches » parlementaires de l'UDI que cette question pourrait être réglée dans des délais qui conviennent à tout le monde.