Les politiques familiales ne doivent pas nécessairement abandonner l'objectif de compenser les charges liées à la présence d'enfants. Cette compensation ne nous choque pas, même si nous estimons qu'elle devrait prendre une forme plus égalitaire car, aujourd'hui, certains instruments comme le quotient familial ou les avantages familiaux de retraite ont un caractère nettement anti-redistributif. En outre, contrairement à mon collègue, je ne pense pas qu'il soit juste de dire que les familles nombreuses sont toujours pénalisées par rapport aux familles sans enfant. Au contraire, les nouvelles niches de pauvreté concernent moins les familles nombreuses que les femmes seules élevant un ou deux enfants, par exemple. Cela tient à l'importance que représente le logement dans le patrimoine et au fait que les familles nombreuses sont plus souvent propriétaires d'un grand logement.
En résumé, la compensation de la charge représentée par l'enfant est plutôt bien assurée, voire quelquefois surévaluée selon la taille de la famille. En revanche, les politiques familiales ont laissé se développer d'insupportables niches de pauvreté. Or nous considérons que de telles politiques doivent combiner redistribution horizontale et redistribution verticale. C'est pourquoi nous avons, contrairement à d'autres, approuvé les réformes intervenues cette année, qui nous semblent préserver l'économie générale des politiques familiales tout en faisant légèrement glisser le curseur vers la redistribution verticale.
Dès lors, nous ne sommes absolument pas choqués de voir une partie des missions de la branche famille s'orienter vers la lutte contre la pauvreté, car cette dernière politique doit être largement transversale. Outre le soutien de la politique familiale, elle implique de mener des actions en matière d'accès à la santé et justifierait un changement dans les règles d'attribution des retraites, qu'il s'agisse des avantages familiaux ou des pensions de réversion. On ne peut plus, comme dans la période de l'après-guerre, gérer une telle politique « en silos ».
Je reviens sur le « financement idéal ». Le scénario proposé par le Haut Conseil a l'avantage de relever d'une approche systémique et de répondre autant à la question de la clarification du financement qu'à celle du maintien du pouvoir d'achat des salariés. Si l'on devait raisonner dans le cadre de la seule branche famille, un transfert de cotisations sur la CSG ne pourrait s'envisager que s'il s'accompagne d'une augmentation du salaire brut, afin de préserver le pouvoir d'achat. Soit on procède à une réforme systémique touchant à l'ensemble des champs de la protection sociale, soit on change la façon dont sont calculés le salaire brut et le salaire super-brut.