Intervention de Martial Saddier

Réunion du 20 novembre 2013 à 9h45
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMartial Saddier, co-rapporteur :

M. le Président, mes chers collègues, en accord avec la co-rapporteure, Sophie Errante, que je remercie pour la qualité du travail que nous avons effectué ensemble, je débuterai la présentation du rapport.

Je voudrais également remercier la Commission et son Président d'avoir accepté de créer une mission d'information sur l'affichage environnemental et de nous en avoir confié la responsabilité.

Je rappellerai rapidement le contexte de l'affichage environnemental. Ce dispositif est issu du Grenelle I de l'environnement du 3 août 2009, voté à l'unanimité de l'Assemblée nationale, dont l'article 54 prévoit que les consommateurs doivent disposer d'une information environnementale « sincère, objective et complète » sur les produits qu'ils achètent.

Reprenant les principes du Grenelle I, le Grenelle II de l'environnement a ensuite consacré la mise en oeuvre de l'affichage environnemental et organisé, au préalable, une phase d'expérimentation d'une année, prévue à l'article 228. Cette expérimentation reposait sur l'analyse du cycle de vie (ACV) du produit, « du berceau à la tombe », c'est-à-dire de la naissance à la mort du produit. Au terme de cette expérimentation, le Gouvernement devait transmettre au Parlement un rapport sur le bilan de l'expérimentation et évaluant l'opportunité d'une généralisation de l'affichage environnemental. Ce rapport a été transmis le 21 octobre 2013.

Quels sont les grands principes de l'expérimentation ?

Vous l'avez compris, l'affichage environnemental est né, d'une part, du débat sur le réchauffement climatique et le développement des gaz à effet de serre et, d'autre part, de la pénurie prévisible de ressources en matières premières, compte tenu de l'évolution croissante de nos populations.

L'affichage environnemental vise à inciter les consommateurs, à prix et à qualité équivalents, à privilégier les produits à moindre impact environnemental et les entreprises à réduire l'empreinte environnementale de leurs produits.

L'affichage environnemental ne relève pas d'une écologie punitive. Il n'introduit pas de taxation supplémentaire. L'objectif est de tendre, en amont lors de la fabrication du produit et lors de l'acte d'achat, à une éco-responsabilité des acteurs.

Au terme de l'expérimentation, nous avons été nombreux à être sollicités. Je voudrais rendre à M. Antoine Herth, député du Bas-Rhin et membre de la commission des Affaires économiques, ce qui lui appartient pour m'avoir personnellement sollicité compte tenu d'un certain nombre d'interrogations. Je voudrais remercier le Président Chanteguet, qui m'a alors immédiatement reçu, écouté et entendu. C'est la genèse de ces démarches qui a débouché sur la mise en place de la mission d'information sur l'affichage environnemental.

Comme le Président Chanteguet l'a rappelé, nous avons procédé à des auditions sur une durée très courte, de juin à fin septembre. Elles ont permis d'entendre près 92 personnalités.

Les premières évaluations d'impact environnemental sont nées dans les années 2000, généralement sur la base du seul critère de l'empreinte carbone, la réflexion étant alors engendrée par le réchauffement climatique. Même si quelques pays ont mené des expérimentations d'empreinte environnementale, la France est particulièrement novatrice en la matière. L'expérimentation française représente une avancée majeure au plan mondial car elle repose, d'une part, sur une analyse multi-critères et, d'autre part, sur une approche tenant compte de l'impact environnemental du produit sur la totalité de son cycle de vie.

À la suite d'un appel d'offre visant à sélectionner les participants, 168 entreprises ont été sélectionnées pour participer à l'expérimentation française. Nous souhaitons, avec ma collègue, les en remercier, leur participation reposant sur le volontariat. Nous voudrions également remercier l'ADEME et l'AFNOR, qui ont travaillé à l'élaboration des référentiels, ainsi que le Commissariat général au développement durable pour la qualité de leur participation à cette expérimentation.

L'affichage environnemental a été lancé sous l'ancienne majorité et s'est poursuivi, avec l'expérimentation, sous l'actuelle majorité.

Nous estimons que le bilan de cette expérimentation est mitigé.

Il convient, tout d'abord, de distinguer la situation des grandes entreprises de celles des TPE et PME. Les grands groupes internationaux disposent de services de communication et de bureaux de recherche et développement, sans commune mesure avec les moyens de la petite TPE.

Ensuite, même si l'analyse multi-critères du cycle de vie du produit est bien évidemment à nos yeux l'analyse qui apporte le plus de sincérité, d'objectivité et de complétude à l'information délivrée au consommateur, c'est également la plus difficile à établir et à contrôler. Plus nous sommes pointus en termes d'ACV, plus nous multiplions les critères, plus cette analyse coûte cher, est compliquée à établir et difficile à appréhender pour le consommateur.

Je vous citerai deux exemples.

Le premier concerne une lampe fabriquée en Chine. Compte tenu de la complexité d'analyser son mode de fabrication, il a été décidé, lors de l'expérimentation, de retenir comme affichage environnemental l'impact environnemental de l'ampoule, apprécié en fonction de sa durée de vie. L'affichage environnemental ne tient donc pas compte du mode de transport de la lampe ni dans quelles conditions elle a été fabriquée en Chine.

Le second exemple, à l'origine de la création de la mission, a trait aux productions agricoles. L'impact environnemental des produits est évalué au litre ou au kilo sans tenir compte des espaces utilisés pour produire. Par voie de conséquence, il se pourrait qu'au terme de l'ACV de deux produits agricoles, l'impact environnemental des produits issus de l'agriculture intensive soit meilleur que celui des produits de l'agriculture extensive, en zone de montagne ou en zone de plaine. Avouez que cet exemple interpelle !

La question se pose, enfin, d'harmoniser les différents formats de l'affichage environnemental, compte tenu de la multiplicité des labels existants.

Au cours de l'expérimentation, les entreprises y participant ont mobilisé des personnels, des fournisseurs, de l'argent et de l'énergie. Elles considèrent donc que, même si le principe de l'affichage environnemental doit être amélioré, que la démarche dans laquelle elles sont engagées est globalement positive.

Nous considérons également que l'expérimentation a permis à la France de conserver son avance par rapport aux autres pays dans le monde. Même s'il y a lieu d'être critique par rapport à l'expérimentation, il convient de ne pas perdre l'avance française alors même que la Commission européenne s'est saisie de l'affichage environnemental et s'est donné pour objectif de présenter d'ici 2020 des propositions à l'échelle communautaire.

Compte tenu de ces éléments, nous vous proposons que l'expérimentation française, pour les entreprises qui le souhaitent, puisse se poursuivre sur la base du volontariat. Nous proposons également que la France et ses entreprises s'engagent avec force dans l'expérimentation européenne pour peser de tout son poids sur les probables orientations de la Commission européenne d'ici 2020. Nous proposons enfin qu'une harmonisation des différentes formes d'affichage environnemental soit engagée à l'issue de l'expérimentation européenne, dans un cadre communautaire afin d'éviter toute distorsion de concurrence entre États membres.

Sur la base de ces propositions, en remerciant une nouvelle fois Sophie Errante, j'invite l'ensemble des députés de la commission, et plus particulièrement les députés UMP, à autoriser la publication du rapport d'information. Je vous remercie.

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