Intervention de Laurence Abeille

Réunion du 20 novembre 2013 à 9h45
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaurence Abeille :

L'affichage environnemental me paraît une nécessité car il responsabilise les consommateurs. Destiné à éclairer leurs choix, il ne doit pas être détourné de son objet par les industriels pour devenir un argument de marketing, un élément du « greenwashing ». Ce risque conduirait à accroître la défiance des consommateurs envers un nouveau label.

Les critères à prendre en compte et les normes à respecter sont au coeur du sujet : il ne s'agit pas d'aboutir à un nouveau label au rabais, avec une majorité de produits qui seraient étiquetés « écologiques » sans véritablement l'être. Pour autant, si les produits bénéficiant du label s'avèrent trop peu nombreux, les produits écologiques resteront des produits de niche, accessibles aux plus avertis des consommateurs.

On compare souvent affichage environnemental et affichage énergétique : or, en utilisant ce dernier, le consommateur sait qu'il réalisera des économies d'énergie donc d'argent, alors que le premier ne peut lui donner que bonne conscience. Vous dites dans le rapport que l'affichage environnemental « fait le pari de l'intelligence et de la responsabilisation des consommateurs » : mais n'y a-t-il pas un paradoxe à le faire coexister avec un matraquage publicitaire constant, qui incite les consommateurs à acheter des produits dont ils n'ont aucunement besoin ? Un exemple : la mention sur un téléphone de son empreinte écologique suffira-t-elle à renverser cette frénésie consumériste qui présente comme obsolètes tous les produits datant de plus d'un an ? La question de l'obsolescence des produits ne doit-elle pas aussi être posée dans ce cas ?

On peut donc se demander si l'affichage environnemental permettra de modifier en profondeur les pratiques productivistes des industriels.

Vous pointez dans votre rapport la difficulté de choisir les bons critères, et celle de les mixer pour aboutir à un affichage environnemental précis. Vous suggérez néanmoins que la mention soit la plus simple possible, sur un mode binaire, de type « produit écologique » et « produit non écologique ». En raison du très grand nombre de critères à intégrer, votre recommandation de risque-t-elle pas de s'avérer trop réductrice ?

Les critères écologiques sont nombreux : émission de carbone, quantité d'emballage, nature des matériaux, aptitude au recyclage, utilisation d'OGM, impact sur la biodiversité, etc. Lesquels faut-il selon vous prendre en compte ? Quid du transport ? Un même produit peut en effet afficher un bon bilan environnemental en circuit court, et un médiocre, s'il a été produit à l'autre extrémité de la planète. L'exemple de la bouteille d'eau que nous trouvons sur table paraît intéressant : la lecture attentive de son étiquette nous apprend qu'elle a été embouteillée à Arcachon, et que son bilan carbone pourrait s'avérer moins bon que celui d'une autre bouteille issue d'une source située sur un territoire plus proche de la région parisienne. Par ailleurs, elle est très bonne... (Sourires)

Autre élément : l'utilisation de ce label écologique n'est-il pas précipité dans certains secteurs ? S'agissant de l'élevage, vous pointez les difficultés d'un affichage pertinent : ne faudrait-il pas avant tout indiquer au consommateur le mode d'élevage utilisé (hors sol, intensif, extensif) ?

Enfin, quelle relation y aura-t-il entre un logo environnemental – le « E » vert proposé dans le rapport – et les autres logos écologiques existants tels AB, Nature et progrès, Déméter, huile de palme durable ? Ne risque-il pas d'y avoir confusion ? Que faire également des affichages déjà utilisés, je pense à l'électroménager ou à l'indicateur de pollution de l'air intérieur pour les matériaux de bricolage ? La question reste à mon sens en suspens.

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