Le Parlement français ne peut que se grandir en acceptant de reconnaître qu'il n'est pas omniscient et que l'expérimentation est nécessaire face à certains sujets complexes.
Il faut également que nos assemblées, mais également l'administration française, comprennent que le niveau pertinent de discussion et de négociation n'est plus celui de notre pays, mais au minimum celui de l'Union européenne. L'avance dont nous pouvons disposer aujourd'hui sur ce sujet fondra comme neige au soleil si nous ne sommes pas capables de peser sur l'expérimentation européenne à venir : comme en matière d'agriculture biologique, où nous fûmes pionniers dans les années soixante-dix et quatre-vingt, nous risquons de nous trouver dépassés, si nous persistons à penser que l'antériorité de notre expérience nous donne nécessairement raison et à rester dans les réflexions franco-françaises. Il faut imposer l'expérience des entreprises françaises, parmi les premières du monde, dans l'expérimentation européenne, pour que les propositions présentées par la Commission en 2020 s'approchent au plus près des positions françaises : à défaut, des solutions nous seront imposées de l'extérieur et d'avantage qu'il aurait pu être, l'affichage environnemental deviendra un handicap pour notre économie.
Chacun sait également que les règles de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) proscrivent les affichages discriminatoires non tarifaires : là aussi, la position de l'OMC n'est susceptible d'évoluer que si les préconisations que nous défendons ne sont pas portées par notre seul pays, mais par l'Union européenne dans son ensemble.
Le coût d'un affichage environnemental n'est pas nul, loin s'en faut : on l'estime à environ 20 000 euros par produit, un coût insignifiant pour une multinationale, mais très élevé – voire hors de portée – pour une entreprise petite ou moyenne. Face au risque de discrimination selon les capacités des entreprises, nous recommandons donc l'élaboration et la mise à disposition de référentiels et d'outils accessibles au plus grand nombre.
L'étiquetage énergétique est un mécanisme qui donne aujourd'hui satisfaction : l'acheteur d'un lave-linge ou d'un lave-vaisselle consulte en effet immédiatement cet étiquetage, qui lui permet d'identifier les produits les plus performants. Ce succès s'explique, certes, parce que la signalétique correspondante est facile à comprendre et lisible, mais surtout parce que le consommateur perçoit clairement son intérêt : l'appareil plus performant diminuera sa facture énergétique.
En matière d'affichage environnemental, l'intérêt du consommateur est plus diffus, moins personnel : on essaie de le faire adhérer à une démarche, consistant à contribuer au développement durable de la planète. Les retombées attendues sont, pour lui, moins palpables et c'est pourquoi il importe que les entreprises jouent le jeu et ne répercutent pas – ou partiellement seulement – l'augmentation induite du coût de leurs produits.
En matière agricole, l'équivalent de l'affichage environnemental est représenté par le label « Agriculture bio », qui correspond à une culture sans organismes génétiquement modifiés. Mais il est vrai qu'il ne s'agit que d'un label parmi une quarantaine d'autres, c'est-à-dire un nombre bien trop élevé pour que le consommateur moyen s'y retrouve.
Je rappelle que l'expérimentation a reposé sur le volontariat d'un certain nombre d'entreprises, sans le soutien d'une campagne « grand public » : c'est la raison pour laquelle il faut, le cas échéant, relativiser l'impression de demi-succès qui s'en dégage.
S'agissant enfin du problème posé par les produits complexes, produits à l'autre bout du monde et importés sur notre territoire, il faut réaffirmer la nécessité d'une approche pragmatique : il est impossible d'identifier et d'analyser précisément les centaines de composants d'un téléviseur et, plutôt que de se lancer dans un exercice voué à l'échec, il faut mettre en place des analyses de cycle de vie et des référentiels fondés sur un ensemble de critères préétablis, crédibles, objectifs et transparents vis-à-vis du consommateur.