Intervention de Jean-Yves Le Bouillonnec

Réunion du 18 octobre 2012 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur pour avis pour les crédits de la « Justice administrative et judiciaire » :

Au cours de la série d'auditions que j'ai conduites dans le cadre de la préparation de mon rapport, je n'ai pas rencontré un seul interlocuteur qui ne se réjouisse de la priorité donnée à la Justice. Dès lors, qu'il s'agisse de la conduite de votre politique ou de la traduction budgétaire des priorités que vous avez rappelées, vous pouvez, madame la ministre, compter sur le soutien de la majorité.

Au regard de la situation actuelle, je n'hésite pas à dire que nous sommes au bord du sinistre dans nombre de juridictions. Il y a, dans les personnels des greffes, chez les acteurs de la Justice, beaucoup d'attente pour essayer de réparer les choses et j'avoue que je ne mesurais pas l'ampleur de leur désarroi.

Sur la suggestion de notre président, j'ai concentré mon analyse sur un thème bien précis : la justice d'instance.

Permettez-moi d'aborder en premier lieu des questions générales.

Constatant la situation de quasi cessation de paiement de certaines juridictions, vous faites progresser les frais de justice de 15 %. Avez-vous bien conscience que cela sera totalement insuffisant pour rétablir le processus normal de gestion annuelle de ces prestations ? Qu'est-il prévu pour les prochaines années ? Il semble que le contrôle de l'utilisation de ces fonds soit souvent défaillant et que les régies des tribunaux ne soient pas toujours en mesure de vérifier le bien-fondé de certaines dépenses. Comment peut-on peser davantage dans les négociations avec les grands opérateurs, notamment de télécommunications ?

La contribution de 35 euros est souvent perçue comme un moyen de réduire l'accès à la justice des familles modestes et certaines juridictions enregistrent une baisse de leurs saisines. Certains la considèrent aussi comme une absurdité dans la mesure où elle crée un report sur l'aide juridictionnelle, finalement plus coûteuse pour la collectivité.

Ma troisième question porte sur la collégialité de l'instruction, censée intervenir dès 2014. Nous confirmez-vous cette date ?

S'agissant du fonctionnement, je ne puis concevoir que l'on reste englué dans le « purisme de la mouise ». Pas de chauffage dans certaines juridictions ! Une qualité de papier tellement insuffisante qu'elle « fusille » les imprimantes et empêche la reprographie ! Il faut se battre sur ces différents fronts car l'on ne peut se résoudre à laisser les personnels supporter de telles conditions de travail.

Les personnels non magistrats nous font part d'une certaine amertume. Vous avez clairement indiqué que vous assumiez les engagements triennaux traduits par décret qui conduisent à une dernière année de revalorisation des indemnités des magistrats. Certains considèrent que cela est injuste et que l'on aurait dû faire un effort immédiat en faveur des catégories C, ainsi que des greffiers. Cela entretient l'idée que notre Justice donne toujours la priorité aux plus éminents de ses serviteurs, qui sont les magistrats. Or il y a aussi de très grands serviteurs parmi les greffiers et les assistants administratifs. Sans compter les vacataires recrutés pour trois mois, qui quittent les juridictions une fois achevée leur période de formation car l'on ne veut pas assumer les responsabilités liées à leur précarité.

Les crédits alloués à l'École nationale de la magistrature (ENM) diminuent de 5,2 % : sera-ce compatible avec le besoin de magistrats que nul ne conteste ?

Si, au départ, les juges d'instance ont été hostiles à l'arrivée des juges de proximité, ceux-ci ont acquis une véritable légitimité et les « faire remonter » dans les tribunaux de grande instance en tant qu'assesseurs des juridictions correctionnelles collégiales serait la pire des solutions.

La réforme de la carte judiciaire a créé des difficultés d'accès aux juges d'instance et d'organisation des effectifs. Un tsunami va déferler sur nos juridictions avec la question des majeurs protégés. À compter de janvier 2014, tous les dossiers en stock devront avoir fait l'objet d'une révision et cela semble totalement impossible. Comment allons-nous faire alors que la vague des mesures de protection des majeurs postérieures à la loi va également arriver ? Au tribunal de Nogent-sur-Marne, où je me suis rendu, les personnels concernés travaillent à flux tendus, sans parvenir à résorber le stock.

Le retour du contentieux du surendettement devant les juges d'instance pose également problème et plusieurs juridictions sont aujourd'hui complètement bloquées.

Il y a enfin un problème d'affectation des personnels d'instance, magistrats et greffiers. Le recours trop massif aux vacataires est catastrophique car il entraîne une déperdition des compétences et déstabilise les effectifs.

Madame la garde des Sceaux, vous avez du pain sur la planche et une oeuvre colossale à mener à bien. Les choix pertinents opérés dans votre projet de budget traduisent une volonté politique. Ne décevons pas l'incroyable attente de ceux qui servent la justice au quotidien.

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