Intervention de Christiane Taubira

Réunion du 18 octobre 2012 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Christiane Taubira, ministre de la Justice, garde des Sceaux :

Oui, monsieur le rapporteur, certaines juridictions sont en état de sinistre ; j'y ai été confrontée et j'en suis profondément contrariée. Je connais la situation et j'ai sollicité les chefs de cour pour qu'ils fassent remonter les besoins. La direction des services judiciaires n'a pas chômé au cours des dernières semaines et nous avons trouvé quelques solutions. Toutefois, nous ne règlerons pas tout en un seul exercice. Et je ne me contenterai pas de répondre aux besoins matériels, car j'ai aussi le souci d'améliorer l'ensemble de l'environnement de travail. Il est plus insupportable encore d'être confronté à des conditions de travail compliquées si le rôle du juge a été embrouillé ou si les effectifs sont insuffisants. Cela forme un ensemble et il est urgent de créer des conditions de travail plus acceptables pour nos personnels.

S'agissant des frais de justice, vous trouvez l'augmentation de 15 % insuffisante, mais permettez-moi de vous dire que cela n'est pas négligeable non plus. Quant à la question de la maîtrise des frais de justice, je ne sais pas si quelqu'un dans cette salle a une réponse. Doit-on affecter un budget en début d'exercice et considérer que, quoi qu'il arrive, il faut s'en tenir là ou faut-il tenir compte des circonstances particulières qui peuvent jouer sur la mission des magistrats ? Vous avez cependant raison de dire que certains progrès sont possibles, comme dans le domaine de la téléphonie et des télécommunications où nous engageons une renégociation avec les principaux opérateurs. Il existe un projet bien avancé de plateforme téléphonique auquel nous ne renonçons pas et l'effort sera continu.

Pour que puisse s'exercer un véritable contrôle des frais de justice, il faut aussi que l'État soit bon payeur. Sinon, les magistrats sont parfois conduits à commander les frais de justice dans des conditions qui ne sont pas optimales. Des affaires douloureuses rappellent d'ailleurs que les difficultés liées à la négociation des frais de justice ont parfois été à l'origine de graves erreurs judiciaires.

Vous avez rappelé les échéances fixées dans la loi au sujet de la collégialité de l'instruction. Il est prévu de recruter dix juges d'instruction, ce qui me semble correspondre aux besoins. En effet, au cours des dernières années, il y a eu bien plus d'enquêtes préliminaires maintenues au Parquet que d'informations judiciaires portées par les juges d'instruction. Il ne semble donc pas que nous soyons confrontés à une situation d'engorgement au stade de l'instruction.

Le président de la République et le Premier ministre ont rappelé que le juge d'instruction ne serait pas supprimé et qu'on allait lui donner les moyens de travailler et améliorer ses méthodes. L'échéance de la collégialité sera respectée, mais les magistrats eux-mêmes considèrent qu'elle doit être aménagée. Il semble que l'instauration d'une collégialité systématique sur tout dossier n'emporte la préférence de personne ; en revanche, la collégialité à certains moments de la procédure, sur certains types d'affaires, sur certains dossiers plutôt que sur chaque acte recueille un a priori plus favorable.

Comme vous, j'ai été taraudée par la réflexion sur la revalorisation du régime indemnitaire des magistrats et j'ai harcelé les membres de mon cabinet pendant trois nuits pour qu'ils échafaudent toutes sortes de simulation. Ayant reçu les organisations syndicales et présidé un comité technique ministériel, je trouve insupportable qu'il ne soit pas possible de faire un geste en faveur des catégories C. Malheureusement, je ne disposais que de 4 millions d'euros. Si l'engagement à l'endroit des magistrats n'avait été que verbal, j'aurais pris sur moi de les consulter pour leur demander s'ils acceptaient de renoncer à cette dernière tranche de revalorisation de 0,5 % pour me permettre de faire un effort pour les catégories C. Mais il se trouve qu'il y a un décret et que je me sens tenue par la parole de l'État.

S'agissant des échéances fixées dans la loi sur les tutelles, nous sommes parfaitement conscients du risque d'engorgement. Nous recherchons des solutions et des aménagements mais il s'agit à l'évidence d'un véritable casse-tête dont la résolution ne saurait être différée.

Enfin, en ce qui concerne le contentieux du surendettement, il est impératif d'améliorer les délais en résorbant les stocks, mais il y a aussi un volet qualitatif à prendre en compte car 83 % des dettes sont des dettes bancaires. Je sais que vont intervenir des réformes sur le crédit revolving mais il est urgent de desserrer l'étau qui étrangle certaines familles modestes.

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