Intervention de Jean-Michel Clément

Réunion du 18 octobre 2012 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Michel Clément, rapporteur pour avis pour les crédits de la « Protection judiciaire de la jeunesse » :

Après plusieurs années pendant lesquelles la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) a payé un lourd tribut à la RGPP, le projet de loi de finances pour 2013 inverse la tendance et redonne espoir aux acteurs de la PJJ. C'est ce qui ressort des auditions et des visites de terrain que nous avons effectuées.

Entre 2008 et 2011, les crédits de la PJJ n'avaient cessé de diminuer. En 2012, ils avaient légèrement augmenté, mais seulement pour permettre la transformation de vingt foyers traditionnels en centres éducatifs fermés (CEF), l'ensemble des autres services – en particulier ceux qui sont responsables de la prise en charge en milieu ouvert – étant à nouveau sommés par l'ancienne majorité de faire toujours plus avec toujours moins de moyens.

Sur cette même période, la PJJ a perdu 600 emplois. Une partie des suppressions a pu être absorbée par la réorganisation administrative – les fonctions » supports » –, mais l'autre a affecté son coeur de métier : la prise en charge des mineurs délinquants.

Le président de la République et le Gouvernement ont décidé de faire de la jeunesse et de la justice deux axes prioritaires de leur action, conformément aux engagements pris par M. François Hollande pendant la campagne présidentielle. La PJJ se trouvant à l'intersection de ces deux priorités, ses crédits augmenteront très logiquement en 2013 de 1 % en autorisations d'engagement et de 2,4 % en crédits de paiement. Le plafond d'autorisations d'emplois augmentera de 75 ETPT, soit 205 emplois en année pleine, ce qui représente un effort important pour une administration de taille relativement modeste, dont le budget s'établit à 800 millions d'euros.

J'approuve donc pleinement les crédits de la PJJ pour 2013. Dans cette période budgétaire difficile où les moyens doivent nécessairement être concentrés sur un certain nombre de secteurs prioritaires, je salue l'effort consenti en sa faveur.

Mes questions concernent la diversité des modes de placement des mineurs délinquants, thème que j'ai choisi de traiter cette année dans le cadre de mon avis budgétaire.

Au cours des dernières années, l'ancienne majorité a focalisé l'attention sur les mineurs faisant l'objet d'un placement – qui ne représentent, rappelons-le, que 5 % des mineurs pris en charge par la PJJ – et tenté de faire croire à nos concitoyens qu'il existait une recette miracle pour traiter leur cas : les CEF.

Certes, le CEF est une solution désormais acceptée par la plus grande partie de la communauté éducative et judiciaire et par la majorité des élus de droite comme de gauche. Certaines conditions doivent néanmoins être remplies : chaque centre doit être doté d'un projet éducatif cohérent, être pourvu d'une direction et d'une équipe éducative soudées et expérimentées et faire l'objet – j'y insiste – d'un contrôle effectif.

Pour autant, le CEF ne sera jamais la solution miracle, qui pourrait être utilisée indistinctement pour tous les mineurs : il n'est que l'une des solutions possibles au sein de la palette des différents modes de placement dont doivent disposer magistrats et éducateurs pour répondre aux situations des mineurs.

La précédente majorité avait étendu la possibilité de placement en CEF aux mineurs de 13 à 16 ans non récidivistes. Pour permettre cette évolution, elle avait prévu de transformer vingt foyers d'hébergement traditionnel en CEF. Elle avait ainsi soulevé une question intéressante, celle du nombre de places nécessaires dans chaque type de structure et de l'équilibre entre elles, mais en lui apportant une mauvaise réponse, celle du « tout CEF » au détriment des autres modes de placement.

En effet, les professionnels de la justice des mineurs sont traditionnellement très attachés, avec raison, au fait de disposer d'une large palette de solutions éducatives, afin de pouvoir adapter au mieux la réponse pénale à la situation particulière de chaque mineur. L'éventail des différents modes de placement va en effet de la famille d'accueil au CEF, en passant par l'hébergement individualisé, l'hébergement collectif traditionnel, le centre éducatif renforcé ou le placement dans un centre de l'Établissement public d'insertion de la défense (EPIDE).

Or, chacun de ces modes de placement a sa spécificité, son utilité et son public. Chacun doit bénéficier d'un nombre de places et de financements à la hauteur des besoins. Dès lors, privilégier un mode de placement au détriment d'un autre – comme la précédente majorité aurait voulu le faire avec les CEF – serait une erreur, qui porterait préjudice à la recherche de la bonne réponse éducative.

Ma première question porte sur les familles d'accueil. Ce mode de placement est particulièrement intéressant pour les mineurs ayant des difficultés à vivre au sein d'un collectif ou qui souffrent de carences affectives. Cependant, le statut des familles d'accueil de la PJJ n'est pas assez attractif, dans la mesure où elles ne sont indemnisées qu'à hauteur de 31 euros par jour, alors que celles qui travaillent pour les départements bénéficient d'un statut salarié. En conséquence, la PJJ ne disposait en 2011 que d'un vivier de 350 familles d'accueil.

Il est sans doute difficile, dans le contexte budgétaire actuel, d'envisager une évolution significative du statut des familles d'accueil de la PJJ. Néanmoins, quelles mesures comptez-vous prendre, madame la garde des Sceaux, pour rendre ce statut plus attractif et étendre le vivier de familles disponibles ?

Ma deuxième question concerne l'hébergement diversifié. Au cours des dernières années, la PJJ a accumulé à l'égard du secteur associatif habilité une dette importante, qui révèle toute l'absurdité de l'étranglement budgétaire subi par la PJJ et dont le présent projet de budget prévoit heureusement de commencer le remboursement. Cette dette a plongé dans de grandes difficultés financières de nombreuses associations oeuvrant dans le champ de l'hébergement diversifié. Je pense en particulier aux petites associations qui ont créé des lieux de vie et rendent de réels services sur un territoire donné. Certaines associations ont même dû cesser leurs activités, faute de paiement par l'État. En privilégiant certains modes de placement, on a en sacrifié d'autres qui avaient fait leurs preuves ; nous en avons tous été témoins dans nos circonscriptions. Quelles mesures entendez-vous prendre au cours de cette législature pour revitaliser le secteur de l'hébergement diversifié ?

Mes deux dernières questions portent sur les CEF.

Vous avez demandé, madame la garde des Sceaux, une inspection sur les besoins de places en CEF et sur les modalités d'une éventuelle extension du parc. J'estime pour ma part, au terme des échanges que j'ai eus dans le cadre de la préparation du présent avis budgétaire, que le nombre de places en CEF est globalement satisfaisant – 7 nouveaux CEF devant ouvrir en 2012 et 2013 – et que les éventuelles difficultés tiennent moins au nombre de places qu'à la répartition géographique des CEF.

En outre, je le rappelle, la loi du 10 août 2011 a étendu la possibilité de placement en CEF aux mineurs de 13 à 16 ans non récidivistes. Cette évolution a éloigné les CEF de leur vocation initiale, à savoir la prise en charge renforcée de mineurs ancrés dans la délinquance pour lesquels d'autres solutions ont déjà été tentées. Elle peut également avoir des conséquences lourdes : un mineur dont le premier placement a lieu en CEF risque désormais, en cas de nouvelle infraction – mais aussi d'écart de conduite au sein du CEF qui peut être lié à la difficulté à supporter ce mode de placement contraignant –, d'être directement incarcéré, ce qui peut s'avérer très préjudiciable dans son parcours. Envisagez-vous, madame la garde des Sceaux, d'abroger cette disposition ?

Enfin, pour réaliser des économies et financer l'extension du parc des CEF, la précédente majorité avait prévu d'abaisser de 27 à 24 le nombre d'ETPT prévu par le cahier des charges des CEF. Or, leur efficacité réside précisément dans le fort taux d'encadrement des jeunes et l'abaissement à 24 ETPT pose de sérieux problèmes pratiques : dépassement des volumes légaux d'heures supplémentaires, fatigue excessive des équipes, difficulté à dégager du temps pour la formation continue, pourtant essentielle. Au lieu d'envisager une extension importante du nombre de CEF, ne serait-il pas préférable de rechercher une solution de compromis sur le nombre d'ETPT, afin de réaliser des économies qui ne fragilisent pas le fonctionnement de ces centres ?

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