Intervention de Marietta Karamanli

Réunion du 12 novembre 2013 à 16h30
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarietta Karamanli, rapporteure :

Madame la Présidente, mes chers collègues, je vous propose de prendre position sur la proposition de règlement du parlement européen et du conseil relatif à l'Agence de l'Union européenne pour la coopération et la formation des services répressifs (Europol) du 27 mars 2013.

La proposition de règlement vise notamment à intégrer le CEPOL – collège européen de police – dans Europol. Elle apporterait également des modifications importantes au fonctionnement d'Europol : transmission d'informations, communication avec les services répressifs, réforme de la gouvernance. Enfin, elle définirait les modalités du contrôle parlementaire d'Europol prévu par le traité de Lisbonne.

La Commission européenne estime que la fusion du CEPOL et d'Europol permettrait de dégager des synergies et des gains d'efficacité. Des économies de l'ordre de 17,2 millions d'euros sur la période 2015-2020 sont annoncées par la Commission européenne.

La très grande majorité des États membres, dont la France, est très opposée à cette fusion. Les deux agences ont des champs de compétence et des modes de fonctionnement différents. Les formations du CEPOL sont, en très grande majorité, hors du champ de compétence d'Europol. Selon les personnes auditionnées, la dispersion des missions et des moyens d'Europol doit être évitée. Enfin, les économies de 17 millions d'euros avancées seraient très discutables et peu convaincantes. En l'état actuel des négociations au Conseil, il parait très probable que les dispositions sur la fusion des deux agences seront abandonnées.

La proposition vise à accroitre le transfert d'informations des États membres vers Europol. Toutefois, l'unité nationale Europol devrait rester le point de contact privilégié entre Europol et les autorités nationales.

Des données personnelles ne pourraient être transmises par Europol, dans le cadre de ses missions, à des États tiers, organisations internationales ou organes de l'Union qu'avec le consentement de l'État membre ayant fourni ces données à Europol. Toutefois, l'autorisation de l'État membre pourrait être « réputée acquise » si ce dernier n'a pas expressément limité les possibilités de transferts ultérieurs.

Un régime de transfert des données personnelles vers les États tiers ou des organisations internationales – article 31 – serait possible si certaines conditions sont réunies. Toutefois, des exceptions sont prévues. En outre, le conseil d'administration pourrait autoriser une série de transferts pour une période maximale d'un an. Le contrôleur européen de la protection des données devrait donner son accord. Il convient de relever le caractère large des exceptions prévues.

Le régime de protection des données personnelles serait, selon la Commission européenne, renforcé. Le contrôleur européen recevrait et examinerait les réclamations, contrôlerait l'application du règlement, conseillerait Europol et effectuerait un contrôle préalable des traitements notifiés. Actuellement, le contrôle de la protection des données repose sur les autorités nationales de protection des données s'agissant des données transmises par les États membres et sur l'autorité de contrôle commune (ACC) s'agissant de l'activité d'Europol. Les États membres ont souligné que le régime de contrôle par le contrôleur européen de la protection des données n'était pas nécessairement convaincant.

Le contrôleur européen de la protection des données, dans son avis du 31 mai 2013, souligne la nécessaire coopération entre les autorités européenne et nationales chargées de la protection des données. Il rappelle que les transferts de données personnelles aux États tiers et organisations internationales en dehors du cadre d'un accord international ou d'une décision d'adéquation devraient être plus strictement limités et encadrés et souligne, à cet égard, que le consentement d'un État membre à un transfert vers un tiers ne doit jamais pouvoir être présumé.

Plusieurs modifications relatives aux organes de direction d'Europol ont suscité des critiques. Le directeur exécutif serait nommé par le conseil d'administration pour 5 ans sur la base d'une liste de trois noms fournie par la Commission européenne, au lieu d'une nomination pour 4 ans par le Conseil de l'Union.

Les modifications ayant trait à la procédure de nomination, aux modifications découlant de l'intégration du CEPOL et aux deux voix accordées à la Commission européenne, au lieu d'une actuellement, sont très contestées.

J'en viens maintenant au contrôle parlementaire d'Europol. Bien qu'Europol ne dispose pas d'un pouvoir d'enquête autonome ni de pouvoirs coercitifs propres, les activités de l'agence ont une incidence en termes de droits fondamentaux et plus particulièrement sur la vie privée des citoyens, ne serait-ce que par l'échange de données à caractère personnel. Cela implique nécessairement le renforcement du contrôle démocratique prévu par le traité de Lisbonne.

La réflexion sur les règlements qui définiront la structure et les tâches d'Europol ainsi que les modalités de contrôle a débuté depuis plusieurs années.

Depuis qu'Europol est devenu une agence, en tant qu'autorité budgétaire, le Parlement européen vote le budget d'Europol. Il est par ailleurs en charge du contrôle du budget et donne décharge au directeur sur l'exécution du budget. A l'heure actuelle, les parlements nationaux contrôlent Europol essentiellement par le biais de leurs pouvoirs de contrôle du pouvoir exécutif ainsi que par leur pouvoir d'examen des propositions d'actes législatifs européens.

Le Parlement européen s'est à de nombreuses reprises exprimé sur le contrôle d'Europol et a toujours soutenu l'idée de la création d'une commission mixte composée de représentants des parlements nationaux et du Parlement européen.

L'Assemblée nationale s'est prononcée en 2011 et a adopté la résolution européenne sur le contrôle parlementaire d'Europol, selon laquelle elle :

- « estime que la création d'un nouvel organe de coopération interparlementaire dédié au contrôle politique d'Europol n'est pas souhaitable »

- « soutient l'idée qu'une commission mixte composée de représentants du Parlement européen et des parlements nationaux »

- « juge que les parlements nationaux doivent disposer d'informations plus détaillées sur Europol et recevoir, en tout état de cause, les documents transmis par le Conseil de l'Union européenne au Parlement européen ».

Le Sénat français s'est déclaré favorable à la création d'une commission mixte composée de parlementaires européens et nationaux qui serait chargée d'assurer le contrôle d'Europol.

La proposition de règlement déposée par la Commission européenne prévoit notamment en ses articles 53 et 54 la transmission d'un certain nombre de documents d'Europol. En application d'autres articles du règlement, Europol devrait également transmettre au Parlement européen et aux parlements nationaux plusieurs rapports, notamment ses programmes de travail.

En première analyse, on peut s'interroger sur certaines dispositions :

- les parlements nationaux doivent pouvoir continuer à prendre leurs propres mesures de contrôle ;

- il conviendra de s'assurer que, dans le texte final, les parlements nationaux soient destinataires des mêmes documents que le Parlement européen ;

- par ailleurs, l'accès à des informations classifiées sous certaines conditions n'est prévu que pour le Parlement européen. Cette question nécessite un travail complémentaire afin de trouver une solution qui garantisse la confidentialité nécessaire aux activités d'Europol.

La proposition de règlement prévoit en outre notamment que seul le Parlement européen accomplit les tâches et reçoit les documents liés à sa fonction d'autorité budgétaire, et reçoit le directeur exécutif.

Le projet de rapport du rapporteur M. Agustín Díaz de Mera García Consuegra apporterait plusieurs modifications. Il précise que le contrôle d'Europol par le Parlement européen en association avec les parlements nationaux se ferait par l'intermédiaire d'une cellule de contrôle parlementaire : cette cellule serait une structure spécialisée et de petite taille constituée par la commission LIBE du parlement européen en collaboration avec un représentant de la commission de l'intérieur de chacun des parlements nationaux des États membres. Cette cellule serait toujours reçue au siège du Parlement européen et serait convoquée par le président de la Commission LIBE. Elle serait présidée par ce-dernier et le représentant du parlement national de l'État membre qui assure la présidence du Conseil. Cette cellule – et non le seul Parlement européen – aurait accès aux informations classifiées de l'UE et aux informations sensibles traitées par Europol mais, compte tenu de leur caractère sensible, celles-ci seraient traitées au Parlement européen. L'ensemble du contrôle relèverait de la cellule de contrôle parlementaire, y compris l'accès aux documents de contrôle budgétaire.

Plusieurs points pourraient être amendés. Au sein de la cellule, il faudrait prévoir deux sièges par chambre nationale, afin d'assurer un contrôle véritablement démocratique. Il convient de s'interroger sur le fait que la cellule n'est convoquée que par le président de la Commission LIBE. Elle devrait au contraire être convoquée par ses deux coprésidents. Par ailleurs, le candidat retenu par le conseil d'administration pour le poste de directeur exécutif serait invité à faire une déclaration devant la cellule de contrôle parlementaire. Il serait également invité avant que le conseil d'administration ne prolonge son mandat. Il conviendrait de prévoir un avis de la cellule de contrôle parlementaire avant toute nomination et prolongation de mandat. Enfin, le directeur exécutif ne pourrait être démis que par le conseil d'administration, qui s'expliquerait devant la cellule de contrôle. Un avis pourrait être rendu par la cellule de contrôle avant que le conseil d'administration ne démette le directeur exécutif.

En conséquence de ces observations, je vous propose, mes chers collègues, d'approuver la proposition de résolution que je vous présente, qui reprend les éléments mentionnés.

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