Les résultats 2013 de la Caisse se présentent sous un meilleur jour que ceux de l'année 2012 : au 30 juin 2013, le résultat net consolidé du groupe s'établit à 954 millions d'euros, ce qui porte le niveau des fonds propres consolidés (hors plus–values latentes) à 20,4 milliards d'euros, totalement investis dans le capital des filiales et participations. Dans un contexte économique peu favorable, il convient de noter ce résultat, dont l'évolution en fin d'année sera impactée par la mise en place de la Banque publique d'investissement – BPI – à compter de juillet 2013 : ces chiffres ne sont donc pas très représentatifs de ce que sera le résultat, mais c'est par souci de transparence que je vous les communique.
Ce bilan ne nous dispense pas de faire preuve d'une vigilance particulière sur certains enjeux majeurs. Sollicitée de façon assez importante au cours des dernières années, la Caisse doit retrouver une certaine autonomie dans la gestion de ses fonds d'épargne et de ses fonds propres. En particulier, le niveau actuel de versement à l'État réduit considérablement les marges de manoeuvre de la Caisse, ce qui obère d'autant plus ses capacités d'intervention pour le financement de l'économie. Je souhaite qu'il puisse être renégocié avec l'État et avec vous, qui déciderez en dernier ressort, car de mon point de vue, le taux de fiscalisation, notamment sur les comptes sociaux, qui peut dépasser 60 %, est aberrant au regard de la moyenne du taux acquitté par les grandes entreprises françaises. Pourquoi la Caisse, établissement public, devrait-elle subir ce régime fiscal particulièrement rude ? On m'objectera qu'elle bénéficie des dépôts des notaires, mais c'est un privilège qui coûte aujourd'hui.
L'enjeu est également financier, car la semaine dernière, une agence a abaissé la notation de la Caisse de AA+ à AA, comme celle de l'État, puisqu'elle est alignée, aucune institution financière ne pouvant bénéficier, dans un pays donné, d'une notation supérieure à celle de l'État. Cette dégradation n'a eu aucune incidence sur le taux des émissions et des obligations, mais la Caisse doit rester attentive, d'autant que son bilan s'est rigidifié au cours des dernières années, en raison de ses prises de participation dans La Poste et la BPI, dont les rendements attendus ne vont pas renforcer les fonds propres. La Caisse est par ailleurs engagée pour 12 milliards d'euros sur la Société de financement local – SFIL. Je remercie à cet égard votre commission, à commencer par son président, pour l'attention qu'elle a portée à la mise en place du fonds pour les collectivités locales, vitale pour que la SFIL conserve, lors de ses émissions sur les marchés, une notoriété qui lui permette d'emprunter à des taux convenables et facilite l'amortissement du prêt de la Caisse. Enfin, elle assure pour partie la trésorerie de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale – ACOSS – à hauteur d'une autorisation de 14 milliards d'euros.
La Caisse se situe aujourd'hui aux avant-postes du soutien à la croissance économique – je viens d'ailleurs de participer à une réunion avec les syndicats de la Société nationale Corse Méditerranée, la SNCM. Quand survient une difficulté sérieuse que l'État ne souhaite pas régler par lui-même ou qu'il n'a pas les moyens de régler, il a tendance à se tourner vers cette « vieille dame » qui va bientôt fêter ses deux cents ans. La Caisse a le souci de soutenir l'investissement public et des évolutions ont récemment eu lieu dans ce domaine. Le recours à l'enveloppe de 20 milliards d'euros de prêts à long terme (vingt à quarante ans) a démarré lentement, en raison de règles trop restrictives d'éligibilité ; mais elles ont été assouplies et élargies et la Caisse a obtenu l'inversion de la doctrine d'utilisation : désormais, tout ce qui n'est pas interdit est autorisé. L'enveloppe permettra donc par exemple de financer les infrastructures routières, les contrats de plan État-régions et la société du Grand Paris. De même, grâce à l'arbitrage du Président de la République, les directions régionales de la Caisse pourront désormais financer 100 % des prêts jusqu'à 1 million d'euros, et non plus 50 % comme c'est le cas aujourd'hui, ce qui simplifiera beaucoup la tâche des collectivités locales.
Nous devons rester vigilants, car la collecte du Livret A a été négative durant les deux derniers mois, à hauteur de 2 milliards d'euros au mois d'octobre. Il n'y a pas d'inquiétude particulière, car cela correspond à la période de l'année où l'on constate généralement soit une faible collecte, soit un léger décaissement, mais il faut rester attentif et vigilant à ce que sera la collecte dans les mois à venir.
S'agissant du financement des entreprises, la Caisse a finalisé le processus avec BPI France. Je vous rappelle qu'elle a financé la moitié des fonds propres de la banque, soit environ 10 milliards d'euros issus des différentes structures que sont le Fonds stratégique d'investissement – FSI –, CDC Entreprises, etc.
Nous allons évidemment rester très vigilants sur l'activité de la BPI, et il reviendra à la commission de surveillance de le faire. Nous serons d'ailleurs preneurs de vos réactions quant à ce qui se passe sur le terrain.
À côté de cette enveloppe de prêts de 20 milliards d'euros, nous venons de voter une enveloppe supplémentaire de 10 milliards d'euros sur le programme d'investissements d'avenir – PIA. Nous nous intéresserons de près à l'utilisation effective des crédits provenant du PIA, car le schéma de gouvernance semble assez complexe. En effet, c'est le Commissariat général à l'investissement qui donne l'autorisation finale alors que ce sont les services de la Caisse qui sont opérateurs et qui instruisent les dossiers à ce titre, sans qu'ils disposent pour autant d'un quelconque pouvoir de décision. Je ne suis pas certain que cette formule soit la plus rapide et la plus efficace.
J'en viens maintenant aux dossiers particuliers que doit gérer la Caisse. En premier lieu, je n'imagine pas que la puissance publique puisse se désintéresser du dossier SNCM. La Caisse n'a cependant pas vocation à devenir actionnaire. Si elle peut aider à trouver une solution, notamment en finançant des navires, elle le fera dès lors qu'on lui présentera des projets concrets, ce qui n'a pas été le cas jusqu'à présent. Cependant, la Caisse ne peut se substituer ni à Veolia Environnement ni à l'État. En effet, je l'ai dit avec beaucoup de franchise aux syndicats, dès lors que la Caisse entre au capital d'une entreprise, même de manière symbolique, c'est vers elle qu'on se tourne s'il y a une ardoise à régler. Par ailleurs, Veolia Environnement s'était engagé, en échange de l'entrée au capital à hauteur de 60 % de Veolia Transdev, devenu Transdev depuis lors, à conserver la totalité de ses parts dans la SNCM. Enfin, on demande à la SNCM, notamment à Bruxelles, des efforts qui ne sont pas demandés à d'autres. Cela mériterait d'être examiné de plus près.
Quant à Transdev, je crois que l'actuel président fait du bon travail : la société gagne des marchés, notamment à l'étranger. Elle emploie 107 000 salariés, dont 39 000 en France, pour un chiffre d'affaires de plus de 7 milliards d'euros. Son redressement me semble être en bonne voie. Il faudra cependant rediscuter avec Veolia Environnement, qui a imposé à la Caisse un « mariage forcé » – je parle de la fusion entre Veolia Transport et Transdev – pour finalement imposer un « divorce », en espérant laisser la Caisse assumer les difficultés. Cela témoigne d'une attitude assez peu respectueuse envers la Caisse.
Le deuxième dossier important est relatif à la Caisse nationale de prévoyance – CNP. Vous aurez remarqué que M. Pérol, président de la BPCE, mène actuellement une offensive médiatique en expliquant qu'il est ouvert à la renégociation du contrat liant la CNP aux caisses d'épargne, lesquelles distribuent les produits de la CNP aux côtés de La Banque postale, tout en déclarant qu'il ne souhaite pas renouveler ce contrat. Cela constitue une entrée en discussion assez particulière… Elle doit cependant retenir toute notre attention car la CNP est le premier assureur-vie français et possède plus de 300 milliards d'euros de produits d'assurance-vie. Ce sont donc des bouleversements à opérer avec précaution sous peine de mener à des effets en cascade néfastes pour tout le monde.
Sur ce point, le directeur général de la Caisse avait indiqué l'année dernière qu'il ne souhaitait pas siéger au conseil d'administration de la CNP. Il me semble pourtant nécessaire qu'il y aille et que la Caisse soit représentée au plus haut niveau au sein de cette structure. Je ne vois d'ailleurs pas ce qui pourrait s'y opposer, notamment sur le plan déontologique, sauf à imaginer des choses dont on ne nous aurait pas parlé. Il serait donc souhaitable que Jean-Pierre Jouyet siège désormais au conseil d'administration de la CNP.
Je lui laisse d'ailleurs le soin de vous présenter désormais le plan stratégique du groupe Caisse des Dépôts. En effet, notre groupe doit connaître des évolutions, notamment afin de sortir d'une organisation « en silos » et d'aller vers une plus grande synergie entre les différentes branches.