Intervention de Pierre Lellouche

Réunion du 3 octobre 2012 à 9h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Lellouche :

Mon ami Hubert Védrine a l'honnêteté intellectuelle de prendre l'exacte mesure de son mandat – faire le point sur une décision sur laquelle on a déjà décidé qu'on ne reviendrait pas – et de reconnaître que, de toute façon, ce n'est plus la même Alliance. C'est d'ailleurs l'argument que j'avais développé dans L'Allié indocile, un livre sur les relations franco-américaines et sur le retour de la France dans l'OTAN.

Nous avons récemment assisté à un débat à fronts renversés. En 1966, la gauche et François Mitterrand étaient de farouches partisans du maintien de la France dans l'OTAN, tandis que les gaullistes militaient pour la sortie. Or, il y a quatre ou cinq ans, les premiers ont cru devoir nous donner des leçons de gaullisme !

On l'a bien vu en Afghanistan, l'Alliance n'est pas le Pacte de Varsovie. L'Allemagne ne souhaitait pas aller dans des zones de combat, et elle n'y est pas allée. Quand la Hollande a voulu repartir, elle l'a fait, comme le Canada à sa suite, comme la France. Je voudrais d'ailleurs dire à Mme Guigou que la commission pourrait s'intéresser à ce qu'implique notre retrait. À Tagab, par exemple, c'est l'armée américaine qui remplace le contingent français : c'est dire que nous comptons sur l'allié américain pour terminer, à notre place, une mission que nous n'avons pas achevée.

Il ne serait pas mauvais non plus de faire, comme les Allemands, des auditions sur la fusion EADS-BAE Systems.

Nous sommes retournés dans le commandement intégré au moment où l'Alliance se cherchait une raison d'être. Il faut donc, comme Hubert Védrine, s'interroger sur sa finalité, se demander s'il est dans notre intérêt national de conserver un lien militaire avec les États-Unis, si cela doit concerner la lutte contre le terrorisme ou les problèmes Nord-Sud. Avec les Anglais, nous sommes désormais bien seuls en Europe, les Allemands restant très ambigus, notamment en ce qui concerne la dissuasion nucléaire. Il est dans notre intérêt de peser autant que possible sur les choix stratégiques, mais, pour cela, il faut de l'argent. J'ai eu à négocier avec Richard Holbrooke : nous ne pouvons prétendre influer sur la stratégie américaine en Afghanistan lorsque nous y envoyons 4 000 soldats alors que les autres en ont 140 000. De même, quand on souhaite maintenir la dissuasion nucléaire en Europe et qu'on émet des réserves sur la DAMB, il faut pouvoir se doter d'une capacité industrielle. La défense, c'est d'abord une question de moyens.

Je n'ai pas l'impression que la décision prise il y a cinq ans ait affaibli notre souveraineté. La vérité, c'est que l'Alliance est en panne et que la France a intérêt à la préserver. On peut s'interroger sur les formes que prendra l'Alliance de demain, et, en la matière, les idées d'Hubert Védrine sont les bienvenues. Pour le reste, le sujet est trop grave pour que nous nous contentions de le traiter par de vaines polémiques.

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