Intervention de Jean-Paul Bailly

Réunion du 17 octobre 2012 à 10h00
Commission des affaires économiques

Jean-Paul Bailly, président-directeur général du groupe la Poste :

Malheureusement, madame Bonneton, le volume de courrier ne diminue pas moins vite que prévu. Nous avions anticipé une baisse du volume de courrier de 30 % entre 2008 et 2015, et cette prévision se vérifiera.

Nous avons fait porter beaucoup d'efforts sur la qualité de service des lettres recommandées, car les délais d'acheminement étaient trop importants. Aujourd'hui, elles sont acheminées en J+2. Certes, il peut arriver qu'un facteur ne monte pas à l'étage, même quand le destinataire d'une lettre recommandée est présent, mais nous avons pris un engagement : si une personne se rend compte, avant 14 heures, qu'un avis d'instance a été déposé dans sa boîte alors qu'elle était chez elle, elle peut appeler son agence pour qu'une deuxième présentation soit faite le lendemain.

La Lettre verte a de nombreux atouts. Beaucoup plus écologique, elle n'utilise pas l'avion. Pour un écart de prix de 3 centimes, elle va certes un peu moins vite, mais est beaucoup plus fiable. Nous nous étions engagés sur un objectif de distribution en J+2 à 95 % en 2015, et nous en sommes déjà à 93 %. Un peu plus de 20 % des Français, entreprises ou ménages, ont adopté la Lettre verte, et ce chiffre ne cesse d'augmenter. Malgré les apparences, aujourd'hui, notre organisation globale nous permet de parcourir moins de kilomètres qu'hier : si des camions transportant beaucoup de lettres en parcourent davantage, ceux transportant peu de lettres en parcourent beaucoup moins.

Vous avez dit, madame Bonneton, que nous n'embauchons presque plus de fonctionnaires. En fait, nous n'en embauchons plus du tout.

Vous avez parlé d'une politique de productivité à tout prix. La productivité adaptée aux missions de l'entreprise a simplement permis de maintenir les résultats au niveau strictement nécessaire pour poursuivre sa modernisation et son développement. Nous n'avons pas la volonté d'aller au-delà de cette nécessité de bonne santé économique.

En ce qui concerne l'inaptitude au travail de certains salariés, je rappelle qu'elle ne peut être constatée que par une décision médicale. Certes, l'entreprise doit accorder une grande attention à ces cas et elle fait un maximum d'efforts pour garder les inaptes. Toutefois, il peut arriver que, au bout d'un certain temps et après qu'a été plusieurs fois constatée l'impossibilité de leur redonner une place dans l'entreprise, il ne reste d'autre solution que le licenciement. Mais c'est une démarche exceptionnelle : la règle générale veut que, contrairement à ce qui vaut dans bien des entreprises, nous adaptions les postes et que les inaptes continuent de travailler chez nous.

La libéralisation et les conditions d'ouverture du marché du courrier ont donné lieu, entre 1997 et 2011, à quinze années de bagarres dans l'Union européenne. Lorsque la décision finale est arrivée, le monde avait changé. L'activité de la lettre traditionnelle, qui, en 1997, était très lucrative, était désormais déclinante et l'on ne trouvait plus aucun acteur économique pour se lancer sur ce marché. C'est le numérique qui, en entraînant une forte décroissance des activités, a empêché la concurrence.

Si nous sommes toujours très demandeurs de nouvelles missions pour nos bureaux, il faut que leur modèle économique soit viable : elles ne doivent pas alourdir les charges mais couvrir tout ou partie des frais fixes. Le développement de l'activité de téléphonie mobile s'est fait dans le respect de ces exigences. De nouvelles possibilités seront examinées dans le cadre de la discussion qui va s'ouvrir avec les ministères pour la définition du contrat de service public.

Il est vrai que le rythme de transformation des bureaux de poste en agences postales a diminué. Nous ne nous sommes pas fixé d'objectifs en la matière, car je rappelle qu'il n'y a pas de transformation possible sans l'accord formel du maire et du conseil municipal. Si un parlementaire a connaissance d'un exemple où cela n'a pas été le cas, je lui serais reconnaissant de bien vouloir me le signaler : je m'en occuperai immédiatement, car c'est contraire à toutes nos règles.

En ce qui concerne les horaires, chacun a pu constater une évolution au cours de la dernière année. Elle sera durable si une condition est respectée : que la compensation de 170 millions d'euros soit reconduite dans la loi de finances. Au début de cette année, j'ai décidé que le volume d'horaires global des bureaux de poste serait garanti dans chaque département, quitte à faire quelques ajustements au niveau de la CDPPT. Il s'agit là d'une règle absolue.

L'aide à la presse est régie par un accord d'une durée exceptionnelle de sept ans, aux termes duquel chacune des parties a pris des engagements. La Poste s'est engagée à améliorer sa qualité et à réduire ses coûts : le déficit global, qui dépassait 500 millions d'euros, est aujourd'hui limité à 300 millions. Les éditeurs se sont engagés à accepter des augmentations de tarifs légèrement supérieures à l'inflation. L'État s'est engagé à maintenir une subvention de 240 millions pendant toute une période : elle se termine en 2015 à 180 millions d'euros. Cet accord a été intégralement respecté par toutes les parties prenantes. Mon seul souhait est qu'il se poursuive jusqu'en 2015, et les discussions s'engagent pour la définition des accords suivants.

M. Mathis m'a interrogé sur nos relations avec les autres acteurs, notamment avec les buralistes. Elles sont à la fois complémentaires – ils vendent une partie de nos timbres – et concurrentes – ils avaient extrêmement mal vécu le fait que nous développions des activités de boutique ou de papeterie.

La diversification du rôle du facteur est amorcée, qu'il s'agisse de la distribution des médicaments, de l'argent, ou du passage chez les personnes âgées ou fragiles, et elle est dotée d'un véritable modèle économique. Elle se fait de manière structurée, les responsabilités de chacun sont bien définies, les enjeux de concurrence bien traités. Cependant, si, déjà, la distribution des médicaments ou le passage chez les personnes âgées sont organisés dans une dizaine d'endroits, ils ne se développent pas ailleurs. Le coût de ces services est du même ordre de grandeur que pour une lettre recommandée. Il s'agit d'une somme d'autant plus modeste qu'elle permet souvent de maintenir plus longtemps les personnes âgées à domicile. Pourtant, et bien que l'optimisation globale soit assurée, on ne trouve pas d'acteurs prêts à apporter des financements, car cela apparaît comme une dépense supplémentaire. Nous sommes prêts, diverses collectivités ou associations ont pris contrat avec nous, nous avons passé des accords dans quelques départements, mais cela tarde à se généraliser.

Les 5 000 personnes supplémentaires qui seront recrutées seront principalement des facteurs, car, grâce à notre politique de promotion, ceux-ci deviennent guichetiers et les guichetiers deviennent conseillers financiers. C'est donc le plus souvent comme facteur que l'on entre à La Poste, mais nous engagerons aussi un certain nombre de cadres et quelques conseillers financiers.

Dans le cadre de l'adaptation de l'entreprise aux nouveaux volumes, nous allons continuer à ne pas remplacer tous les départs en retraite. Ces 5 000 personnes seront donc recrutées en sus de celles que nous aurions embauchées si nous n'avions pas pris les décisions que nous recommandait le rapport Kaspar.

D'une manière générale, monsieur Reynier, nous menons dans les différents domaines – que ce soit la banque ou le développement des agences postales communales – une politique ouverte et partenariale.

En ce qui concerne l'investissement de 9 milliards d'euros, j'ai parlé de 1 milliard : si l'on intègre la banque, le chiffre exact est plutôt de 1,3 milliard. Les 9 milliards seront donc bien atteints sur la période 2010-2015.

La dimension du développement durable est en effet essentielle. La Poste est leader mondial en matière de véhicules électriques. J'ai piloté, il y a quelques années, un groupe de travail qui rassemblait tous les acteurs – collectivités territoriales, entreprises publiques ou privées – ayant d'importantes flottes industrielles captives. Après avoir défini un cahier des charges, un volume de commandes et des modalités d'achat, nous avons passé une commande ferme de 24 000 véhicules électriques sur trois ans. Il s'agit là d'un élément essentiel pour le démarrage de la filière électrique en France. En 2015, La Poste, qui va acquérir 10 000 de ces véhicules, aura de très loin la première flotte électrique du monde. Tous les deux-roues motorisés seront transformés en véhicules électriques – deux-roues, trois-roues ou quatre-roues – et tous les vélos seront électriques.

La Poste est par ailleurs la seule entreprise à compenser intégralement toutes ses émissions de CO2. Les accords que nous avons passés nous coûtent une dizaine de millions d'euros. Aujourd'hui, on peut dire que toute lettre ou tout colis de La Poste est à zéro émission de carbone.

En ce qui concerne les 17 000 points de contact, non seulement la loi de 2010 est intégralement respectée, mais nous sommes sans doute plutôt à 17 100.

Enfin, si nous sommes prêts à participer à des maisons de service public, nous voyons bien qu'elles ne sont que 100 ou 150 en France et qu'elles ont du mal à décoller. Il me semble que les vraies maisons de service public de demain, ce sont les mairies. Si d'autres entreprises apportaient, comme nous, un peu d'activité et des ressources, ce sont les mairies qui deviendraient les maisons de service public. Cela serait beaucoup plus pratique et compréhensible pour nos concitoyens.

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