Intervention de Bérengère Poletti

Séance en hémicycle du 25 novembre 2013 à 16h00
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBérengère Poletti, suppléant M Laurent Marcangeli, rapporteur de la commission des affaires sociales :

…consistant à puiser dans les excédents à venir de la branche AT-MP pour décharger l’État de ses devoirs. Pourtant, il est grand temps de congédier le soupçon d’un transfert de charges indues sur la branche AT-MP au motif qu’elle est financée exclusivement par les employeurs. Ce soupçon lancinant fragilise également la légitimité du versement de la branche à la CNAM au titre de la sous-déclaration et la sous-reconnaissance des AT-MP, ainsi que les préretraites amiante, trop souvent détournées de leur objet.

En outre, le compte de prévention de la pénibilité, qui vient d’être créé par le Parlement, constituera également une charge indue pour la branche AT-MP. Le Gouvernement n’a évoqué à aucun moment l’incidence de ce compte sur le fonctionnement des services de la branche AT-MP dans les caisses d’assurance retraite et de la santé au travail. Auditionnée par la commission des affaires sociales, Mme la ministre des affaires sociales et de la santé a reconnu, pour la première fois et uniquement en réponse à l’une des questions du rapporteur, que le compte de prévention de pénibilité aura bel et bien une incidence sur la branche. La ministre a annoncé pour 2014 un avenant à la prochaine convention d’objectifs et de gestion liant la branche AT-MP à la tutelle, qui doit couvrir la période 2014-2017. Cette méthode va fragiliser l’équilibre global de la convention et briser un lien de confiance avec l’État, qui s’était pourtant manifesté avec force dans le vote unanime, en 2009, de la précédente convention d’objectifs et de gestion.

En fragilisant le principe selon lequel la branche AT-MP, financée exclusivement par les employeurs, ne devrait supporter que les charges qui lui reviennent, vous mettez à mal, mesdames les ministres, la légitimité de notre système d’indemnisation forfaitaire mais automatique des AT-MP, qui dispense le salarié victime d’un sinistre de la lourdeur du contentieux.

C’est dans le but de consolider cet équilibre original que le rapporteur avait invité l’Assemblée à adopter une mesure de justice pour les entreprises, auxquelles il arrive parfois que les caisses imputent à tort des taux AT-MP trop élevés. Lorsque l’entreprise obtient une correction de ce taux devant le juge de la tarification, elle a droit au remboursement des montants trop-versés, mais les URSSAF doivent alors opposer la prescription triennale des remboursements d’indus, conformément à la distinction entre la tarification du risque et le paiement des cotisations : dès lors, certaines sommes indûment versées par l’entreprise ne sont jamais remboursées. Dans son dernier rapport annuel, la Cour de cassation a proposé d’interrompre le délai de prescription, afin que l’entreprise obtienne le remboursement de l’ensemble des cotisations acquittées à tort. Le rapporteur avait présenté un amendement en ce sens, qui a été adopté par la commission des affaires sociales ; malheureusement, à nouveau, le Gouvernement a donné en séance un avis défavorable. En outre, la règle de l’entonnoir qui encadre nos débats en nouvelle lecture ne nous permettra pas d’examiner à nouveau cet amendement.

Ce PLFSS présente donc bien le risque de l’abandon de la branche AT-MP. Cela est d’autant plus regrettable que la branche commence à peine à recueillir les fruits des réformes importantes engagées ces dernières armées afin de simplifier la tarification du risque aux entreprises et d’améliorer la politique de prévention.

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