Monsieur le président, madame la ministre déléguée chargée des personnes âgées et de l’autonomie, madame la présidente de la commission, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, malgré la qualité de nos débats et l’adoption des quelques amendements du groupe UDI que vous avez retenus, madame la ministre, les critiques que nous avions émises en première lecture sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale demeurent malheureusement de mise et sont même plus d’actualité aujourd’hui qu’hier.
Encore une fois, sur ces thématiques qui touchent nombre de nos compatriotes, aux moments souvent les plus intimes, les plus décisifs ou les plus tragiques de leur vie, nous regrettons que le Gouvernement se soit contenté de reculer sur des mesures à l’évidence inappropriées.
Faute de travail et de débat préalables, ce texte s’est finalement inscrit dans la morne continuité à laquelle vous nous avez habitués, celle de l’alourdissement de la charge fiscale et de l’absence persistante de réformes structurantes de notre système de Sécurité sociale.
Pourtant, l’heure n’est plus aux simples rafistolages ou élagages : nous sommes au pied d’un mur tellement lézardé qu’il menace ruine, et nous n’avons pas d’autre choix, à notre sens, que de procéder à l’édification d’un nouveau projet de Sécurité sociale pour notre pays. Du reste, mes chers collègues, chaque PLFSS nous en donne l’occasion et, encore une fois, vous avez manqué cette occasion en passant à côté de ce rendez-vous pourtant fondamental pour les Français.
Alors comment ne pas s’inquiéter de ce que j’appellerai aimablement – nos collègues ont été un peu plus durs – des mouvements de balancier de la majorité et du Gouvernement ? Je citerai deux exemples : l’article 8, bien connu désormais, et la clause de désignation.
Je veux, bien entendu, parler de la disparition de la taxation des produits de placement. Cet article 8, on l’a dit, nivelait par le haut la taxation des placements de type PEA, PEL ou contrats d’assurance vie. Il abrogeait le calcul du taux d’origine pour que tous les placements ouverts depuis 1997 fassent l’objet d’un prélèvement social identique de 15,5 %. Dispositif rétroactif et inéquitable, totalement contraire à l’esprit des lois qui, au-delà de règles ponctuelles, porte un principe : celui de la sécurité juridique. Il était absolument indispensable de reculer ; finalement, le périmètre est réduit aux seuls contrats d’assurance vie multisupports. C’est encore trop : à notre sens, il fallait purement et simplement abandonner cette disposition !
Deuxième exemple de mouvement de balancier, pour être poli : le retour de la clause de désignation. Après une bataille parlementaire à laquelle nous étions nombreux ici à participer – la plupart des présents ce soir étaient intervenus sur l’article 1er de la loi relative à la sécurisation de l’emploi, pour lequel vous avez subi la censure du Conseil constitutionnel le 13 juin dernier, ainsi que Bérengère Poletti l’a rappelé –, le Gouvernement s’entête.
Sans revenir sur les détails, disons simplement que ce qui est désormais appelé « recommandation » n’est rien d’autre qu’une désignation déguisée. La branche pourra ne recommander qu’un seul opérateur et, dans ce cas, on se doute bien que la plupart des entreprises, surtout les petites, suivront systématiquement cette recommandation. Les entreprises auront-elles d’ailleurs le choix ? Bien sûr que non puisque, si elles ne le font pas, elles seront fiscalement sanctionnées ! Le forfait social sur les cotisations de prévoyance passera de 8 à 20 % pour les entreprises de dix salariés et plus, et de 0 à 8 % pour les entreprises de moins de dix salariés.
Pardonnez-moi, madame la ministre, mais nous dépassons là le cap des jeux sémantiques pour atteindre la manipulation grossière, que nous condamnons bien sûr fermement.
Comment ne pas s’étonner encore de ces sortes de torsions que vous faites subir aux réalités, faute une fois encore d’une vision de long terme, globale et ambitieuse ? Je prendrai quelques exemples de ce qui devient une habitude de détournement de dispositifs nationaux.
Premier exemple, la taxation des boissons énergisantes, recalée l’année dernière par le Conseil constitutionnel : ce dispositif vise en réalité la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, loin d’un véritable projet de santé publique.
Deuxième exemple, le prélèvement de 200 millions d’euros sur le Fonds pour l’emploi hospitalier, le FEH, au profit de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, la CNRACL. Or le FEH finance l’aménagement du temps de travail des agents hospitaliers : rien à voir avec les retraites ! Il s’agit donc d’une forme de hold-up purement comptable, au détriment de l’aménagement du temps de travail du personnel hospitalier.
Troisième exemple, la prorogation du mécanisme de confiscation de la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie, mécanisme que nous avions déjà combattu en 2012. Comme son nom l’indique, la CASA, créée l’année dernière, a pour vocation de financer l’autonomie ; or, dès sa naissance, la CASA a été détournée. Elle aurait dû être consacrée à compenser la prise en charge par les départements de l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA, d’autant plus que l’on sait que les conseils généraux ont depuis longtemps beaucoup de mal à y faire face. Au lieu de cela, cette compensation des départements pour leur prise en charge de l’APA, qui passe par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, la CNSA, a été amputée d’une fraction de CSG, à due concurrence du produit de la CASA au profit du Fonds de solidarité vieillesse, le FSV !
Pour justifier cette situation, cette autre forme de hold-up, on allègue que la réforme de la dépendance est encore à venir, comme si aucun dispositif de prise en charge de la dépendance n’existait auparavant et comme si l’APA était correctement financée à ce jour ! Dès l’origine, ce système était inacceptable, alors même qu’il ne devait durer qu’une année. Le voici prorogé : c’est à notre sens inadmissible !
À l’horizon 2017, mes chers collègues, en tenant compte des déficits cumulés des branches santé et famille en 2012 et 2013, ce sont près de 44 milliards d’euros de déficit qui seront ainsi transférés, et ce grâce aux économies réalisées par la réforme des retraites.
Faut-il vous redire, à cette occasion, nos doutes sur les vertus de cette réforme des retraites ? Le compte n’y sera pas, et j’imagine qu’un certain nombre de nos collègues socialistes réfléchiront demain avant de voter une telle réforme !
Dans ces conditions, transférer les dettes des branches familles et santé à la caisse d’amortissement de la dette sociale, la CADES, sans modifier ses paramètres de plafond et de calendrier, c’est un peu comme si la CADES passait du pain blanc au pain noir.