La nouvelle stratégie militaire, exposée par le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, concourt, quant à elle, de manière décisive, à employer les ressources que je viens de vous exposer.
Cette stratégie clarifie d’abord les trois missions fondamentales qui sont celles de nos armées : protéger le territoire et la population, assurer la dissuasion nucléaire, et intervenir à l’extérieur du territoire national, que ce soit en gestion de crise ou en situation de guerre.
Sur la base de ces trois missions et des scénarios d’engagement les plus probables pour les quinze ans qui viennent, nous avons défini les contrats opérationnels que le chef de l’État et le Gouvernement assignent à nos forces. La programmation en matière de finances mais aussi d’effectifs en découle directement.
Concernant, d’abord, la protection permanente du territoire et de la population, outre les moyens classiques de surveillance aérienne et maritime, les contrats opérationnels prévoient une mobilisation des forces terrestres jusqu’à 10 000 hommes, en renfort des forces de sécurité intérieure. Ces contrats sont inchangés par rapport au précédent Livre blanc. Nous y avons cependant ajouté une dimension nouvelle, indispensable compte tenu du niveau actuel de la menace : la posture de cyberdéfense, qui est désormais partie intégrante de la protection du territoire et de la population et qui est appelée à jouer un rôle croissant dans notre sécurité nationale.
En matière d’interventions extérieures, nos forces devront pouvoir constituer en permanence un élément d’intervention d’urgence de 5 000 hommes, incluant une force interarmées de réaction immédiate de 2 300 hommes, déployables en sept jours. Pour les missions de gestion de crises internationales, nous prévoyons, en outre, de pouvoir engager jusqu’à 7 000 hommes supplémentaires – cet effectif étant renouvelable – répartis éventuellement sur trois théâtres extérieurs, ainsi que des unités navales dont un groupe « bâtiment de projection et de commandement » et une douzaine d’avions de combat. Pour les opérations de guerre et de coercition majeure, nos armées vont conserver la capacité d’entrée en premier dans les trois milieux – terrestre, naval et aérien – avec les moyens de commandement correspondants ; nous pourrons à ce titre projeter des forces spéciales significatives : jusqu’à deux brigades interarmes, représentant environ 15 000 hommes des forces terrestres, 45 avions de combat et un groupe aéronaval.
S’agissant de la mission de dissuasion, nous maintiendrons les deux composantes, sous-marine et aéroportée. Nous poursuivrons le programme de simulation et la modernisation de nos forces, dans le respect du principe de stricte suffisance. Je sais que certains professent l’idée bien arrêtée de supprimer la force de dissuasion ou l’une de ses composantes, mais je constate, pour ma part, que les arsenaux nucléaires continuent de croître dans un certain nombre de pays : c’est le cas, de façon manifeste, en Asie ; leur modernisation est aussi le maître mot de la stratégie militaire de la Russie ; par ailleurs, la modernisation de l’arsenal américain fait partie des programmes de l’administration du président Obama. Je remarque encore que les risques de prolifération d’armes de destruction massive dans plusieurs régions du monde sont une réalité, la crise syrienne est là pour le rappeler. J’observe enfin que notre stratégie forme un tout cohérent : il est absurde d’opposer les forces conventionnelles et les forces nucléaires, car, dans notre stratégie, elles s’épaulent les unes les autres ; c’est l’une des clés de la capacité de la France à disposer d’une véritable autonomie pour conserver en toutes circonstances la maîtrise de sa propre sécurité.
Le Livre blanc l’a donc confirmé, notre capacité nucléaire continuera d’être adaptée à notre environnement stratégique. Elle présentera, sans aucun doute, un visage différent de celui qu’elle avait hier, puisque nous avons supprimé la composante sol-sol – constituée des missiles stratégiques du plateau d’Albion et des missiles de courte portée –, considérablement réduit de notre propre chef le nombre de nos vecteurs et de nos têtes, fermé nos installations de production de matières fissiles et démantelé nos sites d’essais nucléaires.
Mais, tant qu’il existe des armes nucléaires dans le monde, tant que demeurent les risques d’un chantage exercé par d’autres puissances contre nos intérêts vitaux, la dissuasion reste l’une des garanties fondamentales de notre liberté d’appréciation, de décision et d’action.