Intervention de Geneviève Gosselin-Fleury

Séance en hémicycle du 26 novembre 2013 à 15h00
Loi de programmation militaire 2014-2019 — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGeneviève Gosselin-Fleury, rapporteure de la commission de la défense nationale et des forces armées :

Ce projet de loi de programmation militaire pour la période 2014-2019 est la traduction du Livre blanc de 2013 sur la défense et la sécurité nationale, qui redéfinit les missions de nos armées et en redessine les contours.

En dépit du contexte budgétaire très contraint, orienté vers un redressement nécessaire des finances publiques, le Président de la République a décidé de bâtir un nouveau modèle d’armée préservant notre souveraineté et notre autonomie stratégique. La construction budgétaire présentée par ce projet de loi de programmation militaire est donc certes sous contrainte, mais ne manque pas pour autant d’ambition. Le Gouvernement a fait le choix de garantir à la défense française un niveau de ressource préservé correspondant à 11,3 % du budget annuel de l’État, en parfaite cohérence avec les orientations fixées par le Livre blanc.

Cette architecture financière, calculée au plus juste, repose sur la nécessité, entre autres, de maîtriser la masse salariale du ministère de la défense, ce qui n’a pas été fait lors de la précédente programmation, loin de là. En effet, la programmation 2009-2014 reposait sur la réalisation de substantielles économies faites sur le soutien des forces et les ressources humaines, notamment par le biais de la suppression de 54 000 postes. Or la Cour des comptes, dans son bilan à mi-parcours de cette LPM, a soulevé un véritable paradoxe. Malgré cette réduction drastique des effectifs, elle a constaté une très forte croissance de la masse salariale : 1 milliard d’euros entre 2008 et 2011.

Un autre rapport publié par cette même Cour des comptes, le 11 octobre dernier, sur la rémunération des militaires, a également mis en avant la faible maîtrise de la gestion de leur rémunération et la sous-estimation du plan d’amélioration de leur condition.

Ajoutons à cela que les insuffisances de financement du titre II ont entraîné des prélèvements sur les budgets d’équipement au profit des dépenses de fonctionnement. La sous-dotation budgétaire pour l’équipement des forces nous a menés, pour certains programmes, presque au bord de la rupture capacitaire. Pour éloigner cette menace, vous avez dû, monsieur le ministre, prendre la décision de commander le matériel nécessaire au bon déroulement de nos opérations ; je pense bien entendu aux drones de surveillance ou encore aux outils de ravitaillement en vol.

Les suppressions de postes n’ont donc jusqu’à présent pas produit les effets escomptés. En outre, les déflations ont parfois été conduites de manière aveugle, ne suivant qu’une logique comptable. Le « désastre Louvois » en est une parfaite illustration. Rappelons qu’avant le déploiement du logiciel Louvois, la solde des militaires était traitée par des systèmes dédiés par armée et par service. L’écosystème interarmées Louvois a donc été conçu de manière que les informations relatives à la gestion des ressources humaines soient automatiquement transmises à un calculateur. Face à la contrainte des réductions d’effectifs, les postes des personnes qualifiées dans la gestion de la solde ont été supprimés avant même le basculement sur Louvois. De sorte que lorsque, monsieur le ministre, vous avez été informé de l’ampleur des erreurs commises par ce logiciel, il n’y avait plus assez de personnel compétent pour faire face aux difficultés et problèmes que de nombreuses familles de militaires rencontraient.

Pour tenter de résoudre ces multiples dysfonctionnements et atténuer les effets les plus graves de cette crise, vous avez mis en place un dispositif d’urgence. C’est afin d’éviter que de telles situations ne se reproduisent que les déflations prévues pour cette nouvelle loi de programmation devront être ciblées. En effet, le projet de LPM 2014-2019, comme nous l’avons dit, repose notamment sur une maîtrise de la masse salariale du ministère de la défense, qui suppose un nouvel effort de déflation, de dépyramidage mais aussi de civilianisation du personnel. La manoeuvre des ressources humaines est donc aussi complexe qu’essentielle.

Pour mener dans les meilleures conditions possibles cette programmation militaire, les gestionnaires des ressources humaines disposeront d’outils nouveaux. Le projet de LPM prévoit la mise en place de diverses mesures permettant de gérer et planifier les déflations dans les meilleures conditions possibles. Divers outils incitatifs aux départs seront proposés par le renforcement de l’aide à la reconversion pour les personnels militaires ou bien les aides financières d’incitation au départ.

La programmation militaire qui s’achève a conduit à un repyramidage des effectifs du ministère de la défense puisqu’elle prévoyait une déflation globale non répartie par catégorie d’emplois. Alors qu’en 2008, les officiers représentaient 15,5 % des effectifs, leur proportion a augmenté pour atteindre 16,75 %. Le texte que nous étudions aujourd’hui propose une inversion de la trajectoire, en posant un objectif raisonnable de dépyramidage faisant passer le pourcentage d’officiers à 16 % en 2019. Même si ces chiffres peuvent paraître modérés, il s’agit d’un effort significatif à la fois pour les civils et les militaires. C’est pour cela que, suivant l’avis de vos rapporteures, la commission de la défense a rejeté les amendements tendant à augmenter les objectifs de dépyramidage.

En ce qui concerne la civilianisation, le Livre blanc de 2013 énonce clairement la volonté du Président de la République de recentrer le personnel militaire sur la fonction opérationnelle et de confier plus largement les postes administratifs et de soutien au personnel civil. En application de ces lignes directrices, le ministère de la défense a engagé des travaux d’analyse afin de déterminer les fonctions qui pourraient être exclusivement exercées par le personnel civil, tout en respectant les exigences posées par le contrat opérationnel. Les études sur les référentiels des effectifs en organisation permettront de définir un ratio entre le personnel civil et le personnel militaire.

Cette ambitieuse loi de programmation militaire ne pourra être menée à bien sans une forte mobilisation du personnel du ministère de la défense. Cette mobilisation passe nécessairement par une réforme de la chaîne des ressources humaines et un effort de revitalisation du dialogue social.

À ce sujet, le projet de LPM prévoit de renforcer la nouvelle gouvernance de la direction des ressources humaines. Lors de la précédente loi de programmation militaire, le basculement sur Louvois ainsi que la création des bases de défense et des centres ministériels de gestion ont contribué à une perte de proximité dans le traitement quotidien des questions relatives aux ressources humaines. C’est pour cette raison que nous avons décidé d’introduire, au rapport annexé, un amendement visant à maintenir un réseau territorial de compétence de ressources humaines de proximité. Il s’agit de faire en sorte que les personnels du ministère de la défense, qu’ils soient civils ou militaires, ne se sentent pas délaissés par leur institution. Encore une fois, les dysfonctionnements du logiciel Louvois ont montré l’importance d’une gestion des ressources humaines au plus près du personnel, accessible et capable de répondre rapidement aux questions et aux attentes.

Cette réforme de la gouvernance est en effet un gage d’efficacité, mais qui doit être complétée par de nouvelles mesures permettant une réelle adhésion du personnel de la défense. C’est pour cela qu’en accord avec le Gouvernement, nous proposons d’intégrer à cette loi de programmation des mesures entièrement consacrées à la revitalisation du dialogue social au sein du ministère. Nous avons adopté en commission plusieurs amendements allant en ce sens.

Le système du dialogue social au ministère a été organisé de manière dérogatoire au droit commun. Dans les forces armées, le dialogue social est organisé au sein du Conseil supérieur de la fonction militaire et des conseils de la fonction militaire. Le ministère de la défense a mis en place récemment avec le CSFM un groupe de travail afin d’améliorer le dialogue social dans les forces armées, qui doit déboucher prochainement sur des avancées concrètes en matière de concertation, de représentation et d’expression du personnel militaire du ministère.

Dans un souci d’équité, il nous a semblé légitime que soit approfondi en parallèle le dialogue avec le personnel civil du ministère de la défense. L’article 15 de la loi no 84-16 du 11 janvier 1984 dispose que « les comités techniques établis dans les services du ministère de la défense, ou du ministère de l’intérieur pour la gendarmerie nationale, employant des personnels civils ne sont pas consultés sur les questions relatives à l’organisation et au fonctionnement des services ». Cette restriction mérite d’être assouplie : elle ne correspond plus à l’état des relations sociales dans la société française et au sein du ministère.

En outre, l’instauration d’un dialogue social approfondi permettra de faciliter l’acceptation et donc la mise en oeuvre de cette nouvelle loi de programmation. Le nouvel article 28 ter B propose ainsi de limiter cette restriction aux seuls organismes militaires à vocation opérationnelle, dont la liste sera fixée par un décret en Conseil d’État.

Un autre amendement, proposé par vos rapporteures, prévoit de créer dans le rapport annexé une section consacrée au dialogue social pour le personnel civil et militaire. Pour les militaires, il est prévu, suivant les orientations définies par la concertation engagée au ministère de la défense, d’assurer une meilleure représentativité des membres des instances des conseils de la fonction militaire et un meilleur suivi de leurs travaux.

Ce projet de loi de programmation militaire met ainsi en avant l’attachement des députés à la gestion des ressources humaines au sein du ministère de la défense. Certes, l’équilibre économique sur lequel repose ce projet ne nous laisse pas d’autre choix que d’actionner le levier entraînant une contraction mesurée de la masse salariale. Néanmoins, le Gouvernement comme les parlementaires mettront tout en oeuvre pour que cette programmation se passe dans les meilleures conditions possibles et de la manière la plus respectueuse du personnel de la défense.

Nous savons parfaitement que les précédentes réformes, et en particulier la création des bases de défense, ont constitué un choc culturel pour les personnels militaires et civils des armées. Le principe de l’embasement n’est pas remis en cause, il s’inscrit dans la restructuration de la chaîne de soutien qui été mise en place à partir de 2011. Cette nouvelle réorganisation est en passe d’être intégrée par les personnels.

Ce sont les restrictions budgétaires qui ont certainement eu les conséquences les plus graves. En effet, on a pu parler d’une véritable paupérisation de ces bases de défense, contraignant leurs commandants à faire des choix drastiques dans les dépenses du quotidien. Ce qu’il faut bien souligner, c’est que cette disette budgétaire, imposée par la précédente majorité, a fortement impacté le moral des armées. Un récent rapport du contrôle général des armées estime à 770 millions d’euros le niveau minimal des crédits nécessaires à un fonctionnement correct des bases de défense. Or, dans la précédente LPM, ce niveau n’a jamais été atteint. Les marges de manoeuvres budgétaires des chefs de groupement de soutien des bases de défense ont été très limitées et bien souvent, les gestionnaires ont été contraints de rogner sur les dépenses d’entretien des infrastructures.

Monsieur le ministre, lors de votre déplacement au 4e régiment étranger de Castelnaudary, le 25 octobre dernier, vous avez annoncé un plan d’amélioration exceptionnel des conditions de vie et de travail dans les bases de défense, doté de 30 millions d’euros. Ce plan très attendu par le personnel a pour objectif de répondre de manière concrète et rapide aux attentes exprimées sur le terrain et permettra aux bases de défense de retrouver des conditions de fonctionnement dignes.

Voilà les différents points sur lesquels il me paraissait important de revenir avant de débuter l’examen de ce projet de loi.

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