En vertu d’une tradition désormais bien établie, la commission des affaires étrangères s’est saisie pour avis du projet de loi de programmation militaire pour les années 2014 à 2019.
C’est un moment important de la République : le vote de son budget pluriannuel de défense. Ce n’est pas un débat anodin, loin de là. C’est une stratégie, des hommes, des femmes et des moyens matériels pour y répondre, et ce pour les cinq prochaines années, ce qui est important pour donner la perspective à nos armées. C’est aussi un débat qui incarne la volonté de protéger les intérêts vitaux et stratégiques de la France. Voilà ce qui nous est proposé dans le débat ce soir.
Avant toute chose, la plus-value de la commission des affaires étrangères est de passer la LPM au tamis, si vous me passez l’expression, des enjeux internationaux et des engagements de la France. Il me semble donc utile de revenir sur le contexte stratégique au regard duquel ont été élaborés le Livre blanc et donc le projet de loi que nous examinons, contexte qui justifie de ne pas baisser la garde.
Parmi les différents points évoqués dans mon avis, je souhaite en rappeler un qui constitue un sujet de préoccupation majeur : la combinaison de l’impact de la crise financière sur les budgets militaires en Europe avec un pivot américain bien réel. Ce pivot conduit les États-Unis à redimensionner à la baisse leurs moyens militaires présents en Europe et à renforcer leurs capacités dans le Pacifique, dans une optique de containment chinois. La certitude d’une intervention américaine en Europe, ou dans sa périphérie, comme l’a montré l’épisode syrien, n’est plus aujourd’hui acquise, tout simplement faute de matériel et de militaires sur le territoire européen.
Il y a là une invitation faite aux États européens à assumer leur propre défense qui ne trouve, malheureusement, en ce moment, que trop peu d’écho. Les contraintes budgétaires actuelles conduisent au repli sur soi et empêchent l’Europe de la défense d’avancer. Pour certains États, les questions de défense ne sont pas clairement une priorité. D’autres restent fondamentalement attachés à l’OTAN et demeurent extrêmement réticents à toute projection des forces en dehors du territoire européen. Ils espèrent, sans le dire ouvertement, pouvoir continuer à bénéficier du bouclier américain à peu de frais. Il y a aussi une forme de fatigue expéditionnaire après une décennie 2000 marquée par des engagements longs et douloureux en Afghanistan ou en Irak, qui ont épuisé les hommes, les budgets et les opinions publiques.
Cette situation est d’autant plus dommageable que la France n’est pas la seule en Europe à avoir conscience des risques. Nous avons des partenaires qui veulent aller de l’avant. N’attendons donc pas l’impossible unanimité européenne pour avancer ! Je tiens par exemple à citer le cas de la Pologne, qui est aujourd’hui l’un des seuls pays européens à maintenir un effort conséquent en matière de défense. Il est également l’un des États les plus engagés dans le développement de la PSDC. C’est un partenaire majeur avec lequel nous devons travailler.