Intervention de Jean-Jacques Urvoas

Séance en hémicycle du 26 novembre 2013 à 21h30
Loi de programmation militaire 2014-2019 — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République :

Madame la présidente, monsieur le ministre de la défense, madame la présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées, madame la rapporteure, monsieur le rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, monsieur le rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, monsieur le rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, mes chers collègues, dans la mémoire de l’Assemblée nationale, en tout cas sous cette République, c’est en juin 1973 que fut déposée, par le président du groupe socialiste, la première initiative parlementaire en matière de renseignement.

Il s’agissait, pour Gaston Defferre, d’obtenir la création d’une commission d’enquête sur « le contrôle des services administratifs procédant aux écoutes téléphoniques ». Soumise aux votes, elle fut naturellement rejetée quelques mois plus tard, en décembre.

À la suite de cette première tentative, de nombreux artifices furent utilisés par le Parlement pour obtenir un pouvoir de contrôle, pouvoir qu’il n’avait pas, à la différence des structures comparables dans les autres pays européens.

Entre 1973 et aujourd’hui, j’ai compté pas moins de onze propositions de loi, résolutions ou amendements. Formellement, d’ailleurs, c’est au groupe communiste que l’on doit, en septembre 1985, après l’affaire du Rainbow Warrior, la première suggestion de création d’une « délégation parlementaire permanente chargée du contrôle des services secrets ».

Certaines démarches furent assez sérieusement engagées. C’est ainsi que la commission de la défense adopta le 23 novembre 1999 une proposition de loi déposée par son président Paul Quilès. Mais cette proposition de loi, pas plus que celles qui l’avaient précédée, n’a pu prospérer, le gouvernement de l’époque s’y étant opposé, avec la même régularité que ses prédécesseurs. Notre pays, marqué par une forte tradition du secret, s’obstinait à réduire le Parlement à sa plus simple expression.

Songeons qu’aux Pays-Bas, une commission permanente de la chambre basse contrôle les services de renseignement depuis 1952, et que, dans la Chambre des députés italienne, la commission parlementaire pour les services de renseignement et de sécurité et pour le secret a été créée en octobre 1977.

Le texte que vous nous proposez, monsieur le ministre, est donc réellement singulier. À rebours de notre histoire, pour la première fois, c’est à l’initiative du Gouvernement que va être franchi un pas décisif.

Certes, ce n’est pas la première fois que le sujet des services de renseignement est discuté dans cette enceinte : ce fut notamment le cas le 24 novembre 2005. Notre assemblée débattait alors d’un projet de loi de lutte contre le terrorisme et le rapporteur d’alors, Alain Marsaud, membre de la commission des lois, avait déposé un amendement traduisant son intention de faire accepter un contrôle parlementaire sur les services de renseignement. Son initiative avait recueilli l’approbation personnelle du ministre de l’intérieur de l’époque, Nicolas Sarkozy, mais elle fut repoussée, à la demande du même ministre, qui évoqua des « réticences » existant au sein du gouvernement auquel il appartenait. Pour que chacun puisse remettre cela dans son contexte, l’actualité était alors occupée par une affaire dite « Clearstream », ce qui nous éclaire sans doute sur l’identité des autorités frileuses qu’évoquait Nicolas Sarkozy.

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