Intervention de Stéphane Saint-André

Séance en hémicycle du 26 novembre 2013 à 21h30
Loi de programmation militaire 2014-2019 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaStéphane Saint-André :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mesdames et messieurs les rapporteurs, chers collègues, le contexte stratégique international connaît des évolutions majeures : le rééquilibrage américain vers l’Asie-Pacifique, les révolutions dans le monde arabe, l’apparition de nouvelles zones d’instabilité en Afrique ou encore le développement de la cyber-menace. Il s’avère donc indispensable d’adapter notre stratégie et notre outil de défense à moyen et long terme. Dans cette perspective, le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, rendu public en avril dernier, a permis de mettre à jour notre stratégie de défense et les missions de nos forces armées.

Le projet de loi de programmation militaire 2014-2019, dont nous débattons aujourd’hui, constitue la première étape d’orientations nécessaires et responsables. Il s’agit tout d’abord d’orientations nécessaires. La nouvelle loi de programmation militaire prévoit un effort financier global très significatif pour notre défense, alors que la précédente n’était pas financée, ce qui a conduit à une impasse budgétaire et à d’importants étalements des programmes d’armement. Conformément aux orientations formulées par le Président de la République, l’effort consacré par la nation à sa défense sera maintenu. Le budget sera d’abord stabilisé entre 2014 et 2016 à son niveau de 2013, puis conforté et légèrement augmenté à partir de 2017.

Il sera consolidé par des ressources exceptionnelles provenant du produit des cessions d’emprises immobilières, du nouveau programme d’investissements d’avenir et de diverses redevances versées par les opérateurs privés au titre des cessions de fréquences.

Il s’agit ensuite d’orientations responsables. Dans un contexte caractérisé par une situation financière difficile, un environnement stratégique incertain et la nécessité de modernisation de nos équipements, la France choisit de maintenir un niveau d’ambition et de responsabilité élevé sur la scène internationale, tout en garantissant la protection de sa population.

En effet, la loi de programmation militaire donnera à notre pays la capacité d’assumer simultanément les trois missions fondamentales que sont la protection du territoire et de la population, la dissuasion nucléaire et l’intervention sur des théâtres extérieurs, tant en gestion de crise qu’en situation de guerre. Elle lui permettra aussi de conserver une industrie de défense de premier rang mondial. Celle-ci est un secteur crucial de notre économie représentant 165 000 emplois directs et indirects répartis sur tout le territoire, et elle est indispensable à notre autonomie stratégique.

Consacrer un budget conséquent à l’investissement et à l’équipement de nos forces garantit le maintien du haut niveau de compétences de l’industrie de défense, la poursuite des programmes en cours et la préservation de la totalité des grands programmes menés en coopération européenne. Cette politique d’équipement est clairement mise au service de notre stratégie militaire, que les programmations précédentes ont sacrifiée. Ainsi, un effort important est prévu pour renouveler nos équipements et remédier aux lacunes de nos armées par la livraison de ravitailleurs MRTT, de Rafale, de véhicules blindés de combat d’infanterie, d’hélicoptères Tigre et NH 90, de frégates multi-missions, d’un sous-marin nucléaire d’attaque ou de missiles de croisières.

Inconciliables avec l’objectif de retour à l’équilibre des comptes publics, la plupart des prévisions relatives aux grands programmes arrêtés en 2009 seront ajustées. Ainsi, les principaux secteurs de compétence de notre industrie de défense seront tous préservés.

En cohérence avec la refonte des contrats opérationnels et les objectifs d’économies fixés par le Livre blanc, le projet de loi prévoit par ailleurs la suppression de 23 500 emplois entre 2014 et 2019, alors que la précédente loi de programmation militaire en prévoyait 54 000. Vous avez donc, monsieur le ministre, arrêté l’hémorragie dénoncée tout à l’heure avec beaucoup d’aplomb et de mauvaise foi par ceux-là mêmes qui l’ont initiée.

Les déflations seront engagées en privilégiant les forces opérationnelles, dont la réduction n’entre que pour un tiers dans les nouvelles diminutions. La loi prévoit un large plan de mesures d’accompagnement du personnel civil et militaire appelé à quitter le service. Il sera complété par un plan d’amélioration de la condition du personnel.

La mise en oeuvre des mesures de restructuration rendues nécessaires par les suppressions d’emploi et la réorganisation de certaines fonctions du ministère s’accompagnera d’une attention vigilante sur leurs conséquences humaines, économiques et sociales. De même, des mesures d’accompagnement économique adaptées à la spécificité de chacun des territoires les plus sévèrement affectés seront mises en oeuvre et complétées par un dispositif d’aide aux petites et moyennes entreprises.

Malgré cette baisse d’effectifs, la défense demeurera le premier recruteur de l’État, avec 17 000 recrutements, notamment de nombreux jeunes peu ou pas qualifiés, qui se verront offrir des opportunités professionnelles au sein du ministère et, plus tard, dans la vie civile.

Avec 187 000 militaires et 55 000 civils, la France sera, en 2019, la première armée d’Europe. Cela contredit les propos tenus par certains consultants audiovisuels, qui passent leur temps à distiller des contre-vérités.

La nouvelle programmation militaire adapte notre défense à l’avenir et aux conflits de demain. En premier lieu, elle engage un effort important au profit de la recherche et de la technologie, en particulier par un appui financier conséquent à des programmes d’études amont, déjà dotés, en 2014, d’un budget en hausse de 10 %.

La loi donnera aussi à nos forces les moyens de se préparer aux nouvelles formes de conflit et de développer les équipements de haute technologie du futur, en confortant la priorité accordée au renseignement par l’acquisition de satellites d’observation et d’écoute, ainsi que de drones de diverses catégories, et en améliorant les capacités qui conditionnent notre autonomie stratégique : moyens des forces spéciales et du ciblage, modernisation des deux composantes nucléaires, projection aérienne, renouvellement de nos capacités navales de surface et sous-marines, comme de nos moyens blindés terrestres.

Le projet de loi traduit aussi la nouvelle donne stratégique que constitue la cyberdéfense, en renforçant nos capacités d’action dans ce domaine. Ainsi, les moyens alloués à l’acquisition et au fonctionnement des équipements dédiés à la cybersécurité devraient être en forte hausse et atteindre 360 millions d’euros sur la période 2014-2019. En particulier, la poursuite de la réalisation du programme « Moyens techniques de lutte informatique défensive » permettra d’étendre le périmètre des systèmes surveillés et de fournir à la chaîne opérationnelle un outil d’un intérêt exceptionnel pour la cyberdéfense. De plus, les crédits consacrés à la recherche et au développement dans ce domaine devraient être sensiblement augmentés.

Outre une judicieuse planification sur six années des ressources budgétaires et des plafonds d’emploi, le projet de loi comporte également d’importantes mesures normatives pour adapter notre cadre juridique aux nouveaux défis de la défense. En premier lieu, il adapte notre droit pénal aux spécificités de l’action de combat. En effet, des affaires judiciaires récentes ont mis en lumière le risque de mise en cause pénale des militaires. Le projet de loi traite cette question en vue d’une meilleure prise en compte des spécificités de l’action de combat, sans pour autant porter atteinte au droit des victimes.

Dans cette optique, de nouvelles dispositions sont prévues, comme la fin du déclenchement automatique de l’enquête aux fins de recherche des causes de la mort en cas de découverte d’un cadavre à l’issue des combats, le retour au droit commun en matière de déclenchement de l’action publique pour les militaires, l’adaptation de l’article du code de la défense relatif à l’excuse pénale, qui s’appliquera également aux interventions militaires ponctuelles, l’engagement de la responsabilité pénale des militaires uniquement pour des faits de violences involontaires, enfin, la spécialisation des juridictions en charge des affaires pénales concernant les militaires.

Autre défi de taille et priorité majeure : le renseignement. Amené à se développer, ce dernier suppose un strict contrôle démocratique et juridique, afin qu’un équilibre soit conservé entre les nécessités d’ordre public et les libertés individuelles. À cette fin, le texte prévoit, en premier lieu, l’accroissement des prérogatives de la délégation parlementaire au renseignement, qui disposera d’une compétence de contrôle de l’activité gouvernementale et d’évaluation de la politique publique s’ajoutant à l’actuelle mission de suivi de l’activité générale et des moyens des services spécialisés de renseignement. La délégation absorbera, par ailleurs, la commission de vérification des fonds spéciaux, afin de pouvoir apprécier l’utilisation des ressources des services spécialisés.

Une meilleure protection des agents sera aussi garantie, grâce à un renforcement de l’anonymat pour ceux d’entre eux appelés à témoigner dans le cadre de procédures judiciaires.

À cela s’ajoutera, en cas de lutte contre le terrorisme et de prévention des atteintes aux intérêts fondamentaux de la nation, un élargissement de l’accès aux fichiers, par l’alignement des droits d’accès des services de renseignement sur ceux des services du ministère de l’intérieur pour l’accès à certains fichiers administratifs, un accès élargi aux fichiers voyageurs existants et l’accès direct des services de renseignement à certaines données des fichiers de police judiciaire pour des recrutements au sein des services spécialisés ou pour des missions présentant des risques pour les agents.

Enfin, le renseignement bénéficiera d’une meilleure exploitation du potentiel d’information de la géolocalisation, puisqu’il pourra, à l’instar des services de police et de gendarmerie chargés de la prévention du terrorisme, accéder en temps réel à des données de connexion mises à jour, et non plus seulement consulter des informations a posteriori.

S’adapter aux nouveaux défis de défense, c’est aussi se protéger contre la cybermenace. En partant du constat que cette dernière a déjà frappé des entreprises productrices d’énergie, des entreprises de communication, des banques ou encore des services de l’État, la France, en sécurisant les systèmes d’information, doit se prémunir d’attaques informatiques qui pourraient atteindre certaines entreprises stratégiques, qualifiées d’« opérateurs d’importance vitale » par le code de la défense. Or, face au développement rapide des technologies utilisées par les pirates informatiques, le niveau de sécurité des systèmes d’information des entreprises et des opérateurs stratégiques est aujourd’hui insuffisant. La cyberdéfense devient, de fait, un impératif pour garantir la sécurité de l’action des armées et de toutes les missions relevant du ministère de la défense.

Le projet de loi de programmation militaire répond à ces dangers, tout d’abord, par le renforcement des moyens, le recrutement de spécialistes et de réservistes citoyens et la mise en place d’une chaîne opérationnelle de cyberdéfense ; ensuite, par l’adaptation du droit de la défense et du droit pénal, avec l’inscription explicite dans le code de la défense de la compétence du Premier ministre en matière de sécurité et de défense des systèmes d’information. Par ailleurs, afin de renforcer la sécurité juridique des services qui seront amenés à faire appliquer la politique de défense des systèmes d’information, le projet de loi de programmation militaire prévoit de déterminer les actions qui peuvent être effectuées par ces services afin de les prémunir contre d’éventuelles poursuites. Enfin, le projet de loi ouvre la possibilité au Premier ministre d’imposer des règles aux opérateurs d’importance vitale concernant leurs systèmes d’informations critiques et de les soumettre obligatoirement à un contrôle ou à un audit de sécurité.

Nous le voyons, ce projet de loi de programmation militaire permettra de dessiner un cadre d’action durable pour notre défense, et de donner ainsi à la France les moyens de préserver sa souveraineté, de garantir la protection de ses intérêts et de préparer son avenir.

Par conséquent, le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste lui apporte tout son soutien.

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