Intervention de François de Rugy

Séance en hémicycle du 26 novembre 2013 à 21h30
Loi de programmation militaire 2014-2019 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois de Rugy :

Il ne m’aurait pas semblé aberrant d’y consacrer deux jours dans une semaine parlementaire. Sachez que 183 milliards d’euros, cela équivaut à seize années de versement des allocations familiales, si l’on veut donner un ordre de grandeur. On sait par ailleurs que la commission de la défense n’est pas sollicitée pour beaucoup de textes. J’espère donc que le débat en séance plénière permettra de corriger cet état de fait.

Un mot également du rôle du Parlement vis-à-vis des décisions prises par le Président de la République sur les opérations extérieures. L’année est venue démontrer que la règle constitutionnelle pouvait donner lieu à des interprétations diverses. Lors de l’intervention au Mali, le Parlement n’a pas été consulté avant l’engagement des troupes ; il a été simplement informé, en aval, de la décision du Président puis sollicité au cours d’un débat sans vote. Au contraire, lors du conflit syrien, la représentation nationale a été sondée en amont – mais toujours sans vote – et l’on ignore quelle place lui aurait été conférée si une intervention avait finalement été décidée, la Grande-Bretagne et les États-Unis ayant de fait soumis leur engagement éventuel à un vote du Parlement. Je crois que la place du Parlement dans ce processus décisionnel mériterait d’être clarifiée, en tenant compte, d’une part, des spécificités tactiques de certains conflits, d’autre part, de la légitimité que peut conférer l’approbation parlementaire.

Je souhaite enfin aborder la question du contrôle parlementaire sur les exportations d’armement. Le contexte budgétaire que nous traversons confère au contribuable un droit de regard plus légitime encore sur les investissements de l’État, y compris dans le secteur des industries de défense.

Aujourd’hui, le contrôle est assuré par une commission placée sous la tutelle du Premier ministre et les rapports annuels sur les exportations d’armement transmis au Parlement restent approximatifs, malgré une nette amélioration depuis l’édition 2012. À plusieurs reprises, des parlementaires de la majorité, tel Jean-Jacques Urvoas, se sont exprimés à ce propos. C’est pourquoi j’ai déposé un amendement proposant la création d’une délégation parlementaire de contrôle des exportations pour les entreprises dont l’État est actionnaire. J’y reviendrai lors de la discussion des articles.

Avant de conclure, monsieur le ministre, je tiens à saluer certaines initiatives contenues dans ce texte, qui permettront d’améliorer le fonctionnement de l’armée française et le quotidien de nos soldats : je pense à la priorité accordée à l’entraînement, à la politique mise en place en matière de petit équipement, et surtout à votre décision, que vous avez annoncée aujourd’hui, de remplacer le logiciel Louvois, ce véritable scandale. De même, les dispositions introduites au Sénat concernant la reconnaissance et l’indemnisation des victimes des essais nucléaires sont positives, ainsi que certains choix d’équipements – même si je pense qu’ils ne vont pas assez loin –, qu’il s’agisse du VBCI ou de l’avion ravitailleur MRTT, et vous comprendrez que celui-ci me paraît davantage prioritaire que les commandes de Rafale, ou qu’il s’agisse, dans la marine, des bâtiments de projection et de commandement – les BPC. J’ai retenu l’expression employée par le chef d’état-major de la marine lors de son audition en commission à propos des BPC : il a parlé de « couteaux suisses ». Je pense qu’en effet, nos armées gagnent à avoir des équipements utilisables dans différentes conditions et pour différents objectifs, ce qui permet de mutualiser les moyens. Les frégates FREMM en sont aussi un bon exemple. Il faudrait aller plus dans ce sens.

Le problème n’est pas d’avoir l’armée la plus importante d’Europe ni même le plus gros pourcentage du PIB qui lui soit consacré, mais bien l’adéquation entre notre outil de défense et notre politique étrangère.

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