Intervention de Christophe Léonard

Séance en hémicycle du 26 novembre 2013 à 21h30
Loi de programmation militaire 2014-2019 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Léonard :

Madame la présidente, monsieur le ministre de la défense, madame la présidente de la commission de la défense et des forces armées, madame la rapporteure, messieurs les rapporteurs pour avis, chers collègues, la France traverse une période de fortes incertitudes où se jouent son identité et son modèle économique et social face aux évolutions démographiques et aux mutations du monde. Depuis le 15 mai 2012, le Gouvernement est mobilisé pour redresser financièrement une France surendettée, avec équité et justice face à l’inertie des corporatismes qui, exacerbés quotidiennement par des oppositions abusivement politiciennes, conduisent nombre de nos concitoyens à matérialiser dans l’abstention ou le vote en faveur de l’extrême droite leurs inquiétudes. Dans ce contexte général, aucune proposition ne semble pouvoir emporter l’adhésion. Pourtant la loi de programmation militaire pour les années 2014 à 2019 devrait, à l’inverse, être l’occasion, avec l’ensemble de nos concitoyens, de nous rassembler derrière notre armée, les femmes et les hommes qui la composent et, au-delà, les valeurs de notre république. Mais pour cela, encore faut-il rétablir quelques vérités…

La première d’entre elles, c’est de rappeler que les mesures proposées par cette LPM 2014-2019 sont la matérialisation législative des réponses aux constats dressés par le Livre blanc 2013 sur la défense et la sécurité nationale. Cette loi de programmation s’inscrit en effet dans la volonté de corriger les insuffisances et les errements de gestion constatés dans la mise en oeuvre de la LPM précédente, faisant sienne la nécessité de répondre aux besoins que rencontre notre pays pour se doter d’un modèle d’armée cohérent avec des capacités opérationnelles adaptées au contexte géopolitique des années à venir.

Le désastre du programme informatique de paye Louvois et ses milliers d’erreurs dans le versement des soldes, dont vous avez annoncé ce matin, monsieur le ministre, la mise au rebut, la désorganisation des soutiens, la sous-dotation des bases de défense, la dérive haussière de la masse salariale sur la période 2009-2012, avec une augmentation de 3 % de la rémunération militaire globale quand les effectifs baissaient de 9 %, le report de charge cumulé à la fin 2012 de 3 milliards d’euros : autant d’exemples qui ont aujourd’hui un impact fort sur les arbitrages à rendre. Face à ces rappels éloquents, je ne doute pas que le débat parlementaire sur ce projet de loi puisse être abordé avec modestie et mesure par chacun d’entre nous, au nom de l’intérêt supérieur de la France.

Alors que l’absence de redressement de la trajectoire du ministère en période de crise et la non-renégociation des objectifs industriels et capacitaires en cohérence avec les moyens budgétaires disponibles nous ont conduits, sous le quinquennat précédent, dans une voie sans issue, la deuxième vérité à rappeler est que cette LPM 2014-2019 est aux antipodes du laisser-faire capacitaire et budgétaire.

Le Gouvernement a ainsi inscrit dans la LPM un objectif de stabilisation et de réduction du report de charge, démontrant, s’il en était besoin, le sérieux financier et la lisibilité qu’il entend apporter à la situation présente. En outre, pour verrouiller budgétairement la préservation de notre outil de défense, le Gouvernement va présenter une série d’amendements permettant d’augmenter les ressources mobilisables jusqu’à 500 millions d’euros pour sécuriser intégralement les commandes et les livraisons des opérations déjà prévues. Oui, ces amendements du Gouvernement permettront de lancer les principaux engagements d’armement dans le délai requis ; oui, ces amendements garantiront la disponibilité des ressources, conformément aux ambitions exprimées par cette LPM ; oui, contrairement aux programmations militaires précédentes, ces amendements démontrent que sur 2014-2019, l’engagement du Gouvernement n’est pas une simple obligation de moyens mais de résultats.

Troisième vérité à rappeler : la LPM permettra d’assurer l’équilibre structurant entre personnels civils et militaires au sein du ministère de la défense, contrairement au décret de 2009 sur les attributions du chef d’état-major des armées qui excluait de droit le ministre de la défense d’un certain nombre de décisions concernant en particulier l’emploi des forces armées. Abrogé depuis, ce décret ne correspondait indiscutablement ni au code de la défense, ni aux directives prises par le Général de Gaulle en 1962 et confirmées par François Mitterrand en 1982, qui organisaient le ministère autour de trois piliers : le CEMA, la DGA et le SGA.

Enfin, cette loi de programmation va donner un véritable coup d’arrêt à la dégradation globale de la chaîne du soutien consécutive à l’instauration des bases de défense en 2010 et à leur généralisation en 2011 qui ont malheureusement abouti à une organisation territoriale complexe, à des procédures illisibles et inefficaces pour les forces opérationnelles et les responsables de terrain, et à une surcharge de travail permanente pour les personnels concernés. Il est urgent, d’une part, de professionnaliser et d’unifier la chaîne du soutien sous l’autorité du commissariat aux armées, d’autre part, de redonner sans délai un peu d’air aux bases de défenses pour éviter l’embolie généralisée du système. L’enveloppe de 30 millions d’euros que vous avez débloquée récemment, monsieur le ministre, s’inscrit dans cet objectif.

Dès lors sachons, au-delà de nos appartenances politiques, tirer collectivement les leçons des mauvaises expériences passées pour y remédier ensemble avec discernement. Sachons, dans la transparence et la confiance, mettre en oeuvre les orientations de la nouvelle stratégie militaire issues des réflexions du Livre blanc de 2013. Voilà l’ambition pragmatique du projet de loi.

L’engagement du Président de la République de porter les crédits engagés par la France pour sa défense à 190 milliards d’euros courants jusqu’en 2019 témoigne de la volonté de François Hollande, chef des armées, de trouver une solution équilibrée pour, d’une part, sauvegarder notre défense afin de garantir la sécurité de la France, d’autre part, redresser nos finances publiques. C’est une délicate équation.

La mission « Défense » du budget pour 2014 a d’ores et déjà opéré des choix volontaristes traduisant la mise en oeuvre des priorités inscrites dans le projet de loi de programmation militaire : équipement des forces ; activités opérationnelles ; renseignement et cyberdéfense. Bien loin d’un prétendu déclassement, en comblant nos lacunes capacitaires, particulièrement en ce qui concerne les drones, le renseignement et le ravitaillement en vol, en maintenant le montant des investissements, en augmentant les crédits de maintien en conditions opérationnelles des matériels et de l’entraînement, nous construisons avec cette LPM ce qui sera en 2019, avec 187 000 militaires et 55 000 civils, la première armée d’Europe, et maintenons une industrie d’armement parmi les premières du monde. Cette priorité donnée à notre industrie de défense n’est pas neutre car il s’agit d’une industrie à forte valeur ajoutée avec 165 000 emplois directs et indirects, dont 20 000 hautement qualifiés.

Tous les programmes industriels seront par conséquent maintenus et tous les principaux secteurs de compétences de notre industrie de défense préservés. Cet effort financier de l’État correspond à 102 milliards d’euros courants sur la période 2014-2019, soit un budget annuel de plus de 17 milliards d’euros courants.

À cet égard, à l’initiative de notre collègue Joaquim Pueyo, un amendement visera à ce que l’effort militaire supporté par la France et les Français au bénéfice des pays de l’Union européenne et de la crédibilité de cette dernière sur la scène internationale ne pénalise pas notre pays au regard du respect du pacte de stabilité et de croissance, ces dépenses devant, à tout le moins, être regardées comme constitutives d’un bien public européen de défense.

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