Monsieur le ministre, mesdames et messieurs les rapporteurs, chers collègues, nous aimons à rappeler la vocation universelle de la France. Marianne comme Saint Louis brandirent le courage et la civilisation françaises, ils cherchèrent à protéger, à promouvoir, à conquérir, parfois, et à perpétuer, toujours, l’image de notre pays. Nains juchés sur les épaules de géants, nous contemplons cette histoire et voudrions encore nous montrer dignes de cet héritage.
Cette dignité, chers collègues, nous ne pouvons y prétendre en saccageant les budgets et la stratégie du ministère de la défense. Je pourrais vous décrire l’état déplorable de l’armée française, vous parler de ces jeunes officiers de Saint-Cyr qui nous disent douter de leur engagement face au manque de considération du Gouvernement. Je pourrais vous rappeler la rupture du lien entre l’armée et la nation. Je pourrais vous faire part des disparitions très inquiétantes d’armes et d’équipement rapportées dans tous les régiments. Je pourrais enfin vous dire la meurtrissure que constitue la fermeture de régiments historiques dont les traditions et le sacrifice firent l’honneur de la France.
Mais nous pourrions entendre des divergences, si indignes soient-elles, dans la hiérarchisation des principes générateurs de la nation et de leur promotion. En revanche, ce que nous ne pouvons pas entendre, c’est l’aveu implicite de cette loi de programmation militaire, cet aveu limpide qui consiste en l’abandon de la défense française au bon vouloir d’institutions supranationales et à une hypothétique Europe de la défense.
On me rapporte que le chef d’état-major des armées, l’amiral Guillaud, évoque dans ses conférences la stratégie de l’échantillonnage. Pragmatique, l’échantillonnage cherche à conserver tous les corps de métier de l’armée française afin qu’un jour, si le pays finissait par se ressaisir, il puisse y trouver un savoir-faire que vos coupes budgétaires ne cessent de menacer. L’échantillonnage, voilà tout ce qui nous reste comme derniers débris de la puissance française.
Votre projet consiste en réalité à faire de l’armée française une troupe d’élite dont le professionnalisme est largement reconnu mais qui n’aura plus les moyens nécessaires à toute opération d’envergure. Vous soldez l’indépendance française au moment même où les relations internationales sont marquées par une profonde redistribution des puissances. Ma question est finalement simple : en procédant à ce Mers-el-Kébir budgétaire, admettez-vous ne plus espérer qu’en une hypothétique Europe de la défense et placer de facto la France dans une situation de vassal sur la scène internationale ?
Vous ne reculez devant rien. La destruction de 33 675 emplois vous permet de faire supporter vos coupes claires à des hommes qui, déjà, ne comptent pas leur temps pour le service de la nation. Vous proposez un texte qui ne prend la mesure ni des effets de la mondialisation sur les crimes de guerre ni des germes de chaos présents dans les cyber-conflits, qui décuplent les menaces qui pèsent sur les États démocratiques. Vous parvenez même à ne pas budgétiser convenablement les efforts énormes imposés à nos soldats, puisque vous comptabilisez des recettes exceptionnelles issues de cessions immobilières largement surévaluées. Nos soldats, qui risquent leur vie dans les opérations extérieures, seront ainsi ravis de savoir que vous évaluez la dotation annuelle dite OPEX à 450 millions d’euros annuellement pour l’avenir alors que nous avons dépensé trois fois plus en 2013.