Intervention de Olivier Audibert Troin

Séance en hémicycle du 26 novembre 2013 à 21h30
Loi de programmation militaire 2014-2019 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaOlivier Audibert Troin :

Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission de la défense, madame la rapporteure, la nouvelle loi de programmation militaire constitue un enjeu de premier ordre, puisqu’elle conditionnera la cohérence du modèle de nos armées par rapport à l’ambition stratégique de la Nation. Mais quelle est l’ambition stratégique de notre pays ?

Nous considérons que la France occupe une place particulière sur la scène internationale. Nous sommes la cinquième puissance mondiale, et sommes membres permanent du Conseil de sécurité des Nations unies : nous devons cette place sur l’échiquier mondial à quelques hommes d’État, bien peu nombreux, comme le général de Gaulle, qui s’est battu pour notre indépendance.

Ces efforts, consentis depuis tant d’années, ont fait de notre diplomatie la marque de fabrique de notre pays à l’étranger. Nous sommes un pays respecté, un grand frère sur qui l’on peut compter. Nous portons une certaine idée de la liberté et de la démocratie, que le monde entier nous envie. Nous avons des responsabilités à exercer, des intérêts à protéger, des valeurs à porter. Notre effort de défense doit donc traduire concrètement, dans les faits, ces principes et ces objectifs. Ne pas le faire entraînerait un déclassement définitif de notre pays.

Il s’agit ici, pour nous, de réaffirmer qu’il n’y a pas de politique étrangère efficace sans défense crédible. Si vis pacem, para bellum. C’est bien de notre crédibilité qu’il s’agit. Nous pourrons toujours jouer les matamores sur la scène internationale, nous pourrons toujours employer les mots de la puissance, mais en fin de compte, une seule question compte : la France, combien de divisions ? « Sans puissance militaire, la diplomatie n’est que gesticulation », écrivait il y a quelques semaines Nicolas Baverez. Il ajoutait : « François Hollande expose la France à de grands risques en privant notre pays des moyens de cette puissance. »

Notre monde ne s’est pas amélioré, comme le rappelait tout à l’heure Mme la présidente de la commission de la défense. Terrorisme, tensions financières, tensions économiques, luttes pour les matières premières, conflits ethniques, tensions inter-religieuses, cyber-attaques, révolutions arabes, piraterie… La liste est malheureusement bien longue. Oui, la souveraineté et la sécurité de la France sont bel et bien en jeu aujourd’hui, de même que sa place et son rôle dans le monde, sa crédibilité sur la scène internationale et son rôle moteur au sein de l’Europe de la défense.

Monsieur le ministre, vous avez repris à votre compte la maxime attribuée à Talleyrand : « quand je me considère, je me désole, mais quand je me compare, je me console ». Pour nous rassurer, vous nous comparez aux autres pays européens, et vous nous dites avec fierté que la France a et gardera la première armée d’Europe. Cette comparaison n’est pas pertinente, car le continent européen n’a cessé, ces dernières années, de désarmer.

La question essentielle qui se pose aujourd’hui est celle des moyens que nous mettrons en oeuvre pour servir nos ambitions et protéger l’autonomie de nos armées. Le Président de la République et le Gouvernement auquel vous appartenez ont fait des choix. Personne ne conteste cela : vous exercez les responsabilités gouvernementales et dans ce cadre, vous portez un projet pour notre pays. Personne ne conteste non plus votre engagement personnel pour sauver ce qui peut encore l’être, monsieur le ministre. Ce que nous contestons, ce sont les choix de votre Gouvernement. Pourquoi ne pas avoir fait du ministère de la défense un ministère prioritaire, alors que le continent africain s’embrase, que le Moyen-Orient reste une poudrière, que les États-Unis effectuent un repli stratégique vers l’Asie ?

Ces choix de politique nationale font de facto du budget de votre ministère une variable d’ajustement du budget de la Nation. Comment accepter que le projet de loi de finances rectificative pour 2013 ampute les crédits de la défense de 650 millions d’euros, quatre mois seulement après que le Président de la République a annoncé devant des millions de Français la sacralisation du budget à 31,4 milliards d’euros ? La parole du chef des armées est bafouée, ce qui vous pousse, monsieur le ministre, à des contorsions et vous oblige à recourir à des artifices budgétaires, à coups d’amendements valant plusieurs centaines de millions d’euros. Dans ces conditions, comment pouvons-nous avoir confiance en l’avenir ? Comment nos forces armées peuvent-elles garder le moral pour affronter les risques à venir ?

Nous sommes très inquiets, car la trajectoire budgétaire ne permettra pas à notre défense d’atteindre les objectifs que vous affichez. Le risque de décrochage est d’autant plus élevé que le cadrage budgétaire repose sur des hypothèses de ressources exceptionnelles dont la réalisation est aléatoire. Notre pays risque réellement d’être déclassé sur le plan stratégique.

Nous nous dirigeons vers une dégradation des capacités opérationnelles conventionnelles, dont celles de l’armée de terre, qui sont pourtant indispensables à la sécurité extérieure, à la préservation de nos intérêts, à la protection de nos ressortissants et à la sauvegarde du territoire national. En matière d’artillerie, par exemple, le projet de loi de programmation militaire supprime la seconde tranche des 64 canons Caesar tandis que, pour fin 2019, 67 canons AUF1 et TRF1 sont rayés des inventaires. Par ailleurs, la programmation réduit de moitié la rénovation des lance-roquettes unitaires, qui passent de 26 à 13. Il est pourtant nécessaire de préserver nos capacités terrestres, car elles permettent d’accomplir des missions importantes.

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