Intervention de Christophe Guilloteau

Séance en hémicycle du 27 novembre 2013 à 15h00
Loi de programmation militaire 2014-2019 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Guilloteau :

Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission de la défense, madame et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, mon intervention portera sur l’industrie de défense.

Selon la presse allemande du 20 novembre dernier, les trois filiales d’un grand groupe européen d’aéronautique et de défense pourraient supprimer 20 % de leurs effectifs, soit près de 8 000 postes.

Malheureusement, d’autres entreprises de défense suivront peut-être. Membre de la commission du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, comme Mme Patricia Adam, j’ai milité pour que le modèle d’armée issu de nos réflexions réponde pleinement à la nécessité de conserver notre autonomie stratégique, gage de notre indépendance.

Et parce qu’elle est une composante incontournable de cette autonomie stratégique et qu’elle conditionne notre capacité à intervenir sur la scène internationale, j’ai travaillé dans mes fonctions de président du groupe d’études sur l’armement de défense à ce que soit pris en compte, au-delà de l’argument de souveraineté, le rôle majeur de notre industrie de défense compétitive et vecteur d’emplois.

Rappelons en effet la diversité de ce tissu industriel qui produit un chiffre d’affaires de 15 milliards, dont un tiers à l’export. C’est un réseau riche de plus de 4 000 PME qui accompagne les grands donneurs d’ordre. Il génère plus de 165 000 emplois directs et indirects peu délocalisables et à forte valeur ajoutée. Soulignons également l’importance de l’activité en matière de recherche et d’innovation dans les hautes technologies : c’est de l’aéronautique, du nucléaire, des missiles et de leurs applications civiles dont nous parlons.

Oui monsieur le ministre, nous pouvons être fiers que le poids économique de l’industrie de défense en France soit considérable. Cependant, à la lecture de votre texte, qui se veut le reflet des bonnes intentions contenues dans le Livre blanc, permettez-moi d’émettre quelques doutes et interrogations.

Rapporteurs de la mission Serval au Mali, nous avions mis en évidence, avec Philippe Nauche, un certain nombre de trous capacitaires et les limites de certains matériels, les plus anciens. Je veux parler entre autres de l’hélicoptère Gazelle, qu’il est impossible de faire évoluer pour recevoir des kits de protection. Je veux parler du Puma, dont le rayon d’action est trop faible et qui impose de disposer de points de ravitaillement au sol. Je veux encore parler du drone Harfang, qui, avec des vols réduits, ne permettait pas de remplir des missions de façon permanente. Enfin, n’oublions pas nos vieux VAB, dont le niveau de protection balistique est faible et les pannes nombreuses.

Afin de répondre aux objectifs définis par le Livre blanc, cette LPM aurait dû dépasser l’impératif budgétaire de court terme et fixer un cadre structurant à long terme à la fois pour nos armées, mais aussi pour notre industrie de défense. À partir de la fin des années cinquante, lorsque le Général de Gaulle a mis en oeuvre notre politique industrielle de défense, il l’a orientée vers l’autonomie stratégique et technologique autour de grands projets, comme la dissuasion nucléaire. Il a permis à la France d’être au premier rang de toutes les négociations internationales. Pour cela, il s’est appuyé sur de grands groupes, fruits de notre histoire, qui aujourd’hui encore restent des acteurs majeurs de notre industrie de défense.

Je ne perçois pas dans ce texte une telle volonté cohérente et structurante pour nos armées et notre industrie de défense, adaptée aux nouveaux risques et menaces auxquels nous sommes aujourd’hui confrontés. De trop nombreuses incertitudes pèsent sur cette LPM. La politique de défense de la France ne peut se résumer à la juxtaposition de programmes dont la viabilité sera déterminée par nos performances à l’export. Si ces dernières restent essentielles, elles ne doivent pas nous faire oublier le rôle majeur de l’investissement public, garant de la pérennité de nos industries.

Je vous rappelle, monsieur le ministre, que onze Rafales devaient être livrés chaque année, soit cinquante-cinq pour la durée de la LPM, or seuls vingt-six le seront. Nous attendons les commandes de l’Inde pour maintenir la fabrication de nos canons Caesar. Vous avez acheté douze drones aux Américains. La livraison du nouveau SNA de type « Barracuda » a été repoussée. Nous n’avons aucune visibilité sur la livraison des A400M qui nous ont fait cruellement défaut au Mali. De plus, j’aimerais que vous nous précisiez si ce sont deux ou quatre MRTT qui sont en commande, et si vous confirmez bien la livraison d’une FREMM par année de LPM.

Selon le Général de Gaulle, la France s’est construite par l’épée, j’aurais tant souhaité que notre armée ne soit pas déconstruite par Bercy ! Par respect pour notre armée et nos soldats, par respect pour notre industrie de défense et son personnel, chers collègues, je voterai contre ce projet de loi de programmation militaire.

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