Intervention de Alain Rousset

Séance en hémicycle du 27 novembre 2013 à 15h00
Loi de programmation militaire 2014-2019 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlain Rousset :

Je voudrais plus particulièrement insister sur les aspects industriels, non pas simplement pour critiquer mais pour approfondir la réflexion, dans le monde contraint qui est le nôtre, dans une opérationnalité différente. L’on ne saurait comparer, comme je l’ai entendu, la France à la Corée puisque nous sommes dans des dispositifs d’alliances ; ce serait incompréhensible.

Je commencerai par un sujet qui me tient particulièrement à coeur – le ministre le sait –, le maintien en condition opérationnelle – MCO –, qui est essentiel mais coûte de plus en plus cher. Nous pouvons le constater en Aquitaine, à Toulon ou en Bretagne, ce secteur devient une filière industrielle à part entière. Je vous propose que nous travaillions sur ce sujet, afin de baisser les coûts et de créer un écosystème de maintenance, constitué des grands groupes constructeurs, de nos services industriels de maintenance – AIA ou autres arsenaux – et de nos établissements publics industriels, en donnant à ces derniers la souplesse nécessaire pour développer des réseaux de PME sur les territoires. Pour l’avoir expérimenté en Aquitaine avec l’arrivée de la SIMMAD, je peux vous assurer que les résultats sont intéressants et que la disponibilité du matériel, en dehors de l’exemple du C130, est assurée.

Par ailleurs, il faut être attentif, monsieur le ministre, au cahier des charges du matériel que l’on commande. En comparaison des États-Unis, nos cahiers des charges sont trop sophistiqués sur nos matériels et le coût de la maintenance est énorme. Nous devons préférer la robustesse à la sophistication.

Autre réflexion sur l’innovation et les enjeux technologiques. Nous savons le prix d’un déclassement technologique, même si je ne connais pas, pour le moment, de zones qui seraient concernées. Vous avez rattrapé notre retard opérationnel en achetant « sur étagère » des drones MALE. Beaucoup d’entre nous auraient préféré qu’un consortium industriel soit constitué. Attention aux drones tactiques ! Nous avons du matériel franco-anglais, le watchkeeper ; je me permets de citer cet exemple, et je ne comprends pas certaines réflexions qu’un collègue du Sénat, qui vient pourtant de Gironde, vous a faites visant à nous retarder dans ce domaine.

Nous avons besoin de drones tactiques : nous en avons dans les écrans radars, nous en avons équipé les plates-formes. Nous devons aller de l’avant, car il s’agit d’un enjeu industriel, opérationnel et technologique.

Pour ce qui est des PME, vous avez relancé la dynamique. Nous avons en Aquitaine, mais aussi en Bretagne ou en Midi-Pyrénées, la chance extraordinaire d’avoir des PME duales. Confortons, comme les grands groupes, cette dualité. Poursuivons les bourses de thèse, étendons la contractualisation avec les régions. L’innovation se trouve d’abord au sein des PME. Il en est du monde de la santé comme du domaine technologique militaire. Vous avez inauguré l’année dernière un salon Forces spéciales-PME, extraordinairement performant en ce domaine.

Nous avons tout de même une condition à remplir : que vous organisiez une meilleure relation entre le grand groupe et son réseau de sous-traitance. La sous-traitance est trop émiettée et nous manquons d’entreprises de taille intermédiaire. En la matière, la puissance industrielle du ministère de la défense serait intéressante.

Deux points, enfin, quant à la dissuasion. Je crois que l’Assemblée partage la nécessité de la deuxième composante. L’historien Jean-Noël Jeanneney, dans son ouvrage sur la commémoration de 1914, considère que cette deuxième composante permet à la diplomatie d’éviter de basculer dans la guerre. Regardons l’enchaînement des faits en 1914 à partir de l’attentat de Sarajevo. En la matière aussi, nous avons besoin d’une vigilance technologique. Un essai du M51 s’est soldé par un échec, cela peut arriver.

Un dernier mot sur les années 1930, puisqu’elles ont été évoquées à deux reprises. J’ai passé beaucoup de temps à consulter les archives de la bibliothèque de l’Assemblée nationale pour approfondir des recherches sur le Conseil national de défense, présidé par un homme de gauche très célèbre, le maréchal Pétain. Je vous conseille de vous y replonger, chers collègues de l’opposition : vous verrez qui, de la gauche ou de la droite, a essayé de réarmer la France dans les années 1930 !

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